Faillite d'Evergrande : Le géant déchu de l'immobilier fait trembler l ...
On le croyait "too big to fail". Après avoir nié, dans un premier temps, sa descente aux enfers, le géant chinois de l’immobilier Evergrande a requis vendredi son placement aux États-Unis sous procédure de faillite, une mesure visant à protéger ses actifs américains, le temps qu’un accord de restructuration de sa dette soit trouvé.
Si l’entreprise compte sur Pékin pour la sauver, ses espoirs pourraient être douchés. Depuis 2020, la Chine met le holà sur les dettes excessives et douteuses des entreprises, alors que son ratio dette sur PIB a grimpé de 45 points au cours des cinq dernières années, faisant d’elle une des championnes de l’endettement dans le classement des pays en développement.
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L’immobilier chinois, trop gourmand ?Le secteur de l’immobilier a bien tendu le bâton pour se faire battre. Durant deux décennies, les promoteurs immobiliers – non mécontents de la générosité des banques - ont contracté des prêts à foison. Avec la devise "endettement élevé, effet de levier, roulement important, coût bas", prônée par le conglomérat privé, les projets sont sortis de terre comme des champignons. Plus même qu’il n’en fallait, obligeant le gouvernement à ordonner la destruction de bon nombre de "résidences fantômes" qui n’ont jamais trouvé preneur.
Et à prendre des mesures drastiques, alors que l’immobilier – qui représente près de 30% du PIB chinois – est un secteur clé pour le pays. Mi-2020, la Banque centrale et le ministère du Logement chinois ont fixé trois "lignes rouges" aux promoteurs. Un rapport entre le passif (hors recettes anticipées) et l’actif supérieur à 70 %, un rapport entre la dette nette et les fonds propres supérieur à 100 %, et un rapport entre la trésorerie et la dette à court terme inférieur à 100 % . Evergrande les a toutes franchies. Et a été privé de crédits bancaires.
L’autorité de régulation, qui resserre un peu plus la législation à ce sujet un an plu tard porte l’estocade finale au promoteur le plus endetté du monde (environ 300 milliards de dollars). En juillet, le groupe a annoncé une perte nette de plus de 113 milliards de dollars (100 milliards d'euros) pour les années 2021 et 2022.
Désormais, les biens dont les travaux ne sont pas achevés ne pourront plus être vendus, alors qu’Evergrande se servait traditionnellement des dépôts d’acheteurs pour financer sa croissance, encore plus depuis les sanctions prises par la Banque centrale. En 2021, la société conservait 1,4 million de logements vendus mais pas entièrement construits et dont beaucoup n’ont finalement pas pu être livrés, provoquant l’ire des acheteurs.
La locomotive de la croissance mondiale tire la langueLe déclin d’Evergrande s’est accompagné de lourdes conséquences pour le secteur et fait redouter un éclatement total de la bulle immobilière. Sur les 16 mois qui ont suivi les aveux de la compagnie sur sa faible capacité à rembourser ses dettes, les prix de l’immobilier dans l’empire du Milieu n’ont cessé de chuter. Ce dernier aurait d’ailleurs connu, en 2022, "sa pire contraction de l’histoire" avec des ventes en repli de 24%, selon le cabinet Gavekal Dragonomics.
L’effondrement de ce poids-lourd "entrainerait des réactions en chaîne sur les prix de l’immobilier, sur l’activité économique du secteur, sur les prix des intrants (ciment,fer) et sur la fortune immobilière de nombreux chinois", estime Christophe Destais, directeur adjoint au Centre d’études prospectives et d’informations internationales (CEPII) dans les colonnes de Pour l’Éco.
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Sans solution de restructuration, il faudra en effet soulever la question de l’emploi, alors que 200.000 personnes travaillent directement pour le groupe. Les emplois indirects sont estimés à plusieurs millions.
Un risque vertigineux pour l’économie chinoise qui montre dernièrement quelques signes de fébrilité. Au début du mois, le pays est entré en déflation pour la première fois en deux ans, plombé par une consommation intérieure atone et une baisse de ses exportations de 14,5% en rythme annuel au mois de juillet 2023. Le chômage des jeunes et la crise immobilière en question ne devraient pas arranger les choses, pas plus que le quasi-embargo imposé par Washington sur les investissements américains dans l’intelligence artificielle chinoise.