Tour de France 2024 : en Côte-d'Or, Remco Evenepoel en temps et ...
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Remco Evenepoel, deuxième au classement général du Tour, n’était qu’une miette de coureur quand il s’est engagé sur sa première course à étapes en France. C’était il y a sept ans, en avril 2017. Il chevauchait son vélo en compétition depuis quelques semaines tout au plus. Au deuxième jour de la course, le gamin de Schepdael, banlieue flamande de Bruxelles, est pris dans une chute collective. «Je n’ai absolument rien pu faire. J’ai littéralement été éjecté de mon vélo et mon visage a alors heurté quelque chose sur le bas-côté.» Evenepoel est transporté à l’hôpital, le nez ruisselant de sang, une plaie ouverte lui barrant la face. Le premier goût d’une course à l’étranger pour le jeune Belge.
Depuis, Evenepoel, toujours jeune puisqu’il ne pèse que 24 ans, a connu d’autres chutes, la dernière au Tour du Pays basque en avril dans une descente dévalée à 80 km/h, qui lui a laissé omoplate et clavicule fracturées. Trois semaines à l’arrêt ont suivi mais le leader de l’équipe Soudal Quick-Step a réussi à prendre le départ de son premier Tour de France. Depuis samedi, il arbore un bienheureux sourire et, depuis la deuxième étape, le maillot blanc de meilleur jeune. Placé à 45 secondes au classement général de Tadej Pogacar, il s’affirme comme un rival sérieux au maillot jaune slovène programmé pour lever les bras à Nice dans deux semaines.
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Ce vendredi 5 juillet, il était même le favori de la septième étape, un chrono de 25,3 km dans les coteaux entre Nuit-Saint-Georges et Gevrey-Chambertin (Côte-d’Or), cousu de fil blanc pour lui. Il s’est élancé en fin d’après-midi, peu avant Pogacar. Evenepoel, champion du monde en 2023, est spécialiste de la discipline où le coureur, assis sur son séant mais enroulé sur sa machine, la bouche collée au guidon, est une boule aérodynamique lancée à plein tube. Et il a fusé. Pas même un problème de dérailleur, à quelques kilomètres de l’arrivée, n’a perturbé le Belge dans son effort, qui termine avec plus de 12 secondes d’avance sur le Slovène. C’était le retour de ce type d’exercice sur le Tour de France depuis celui de Combloux, l’année passée, quand le Danois Jonas Vingegaard avait démoli Pogacar avec une violence telle que la performance avait nappé la fin de Tour d’une brume mauvaise.
Le lourd héritage d’Eddy Merckx
Jeune, il aime l’aérien Alberto Contador, fluet grimpeur. Aujourd’hui, il se reconnaît plutôt en Miguel Indurain, quintuple maillot jaune au début des années 90. «Je ne suis pas le meilleur grimpeur du peloton mais l’un des meilleurs rouleurs du monde, assume-t-il. Donc si je veux gagner un Tour de France, il faudrait que l’on refasse des parcours comme à son époque, avec des chronos de 70 bornes. Ça me plairait bien ça.»
Jusqu’à l’âge de 17 ans, il porte un autre type de maillot, celui des clubs de football d’Anderlecht, du PSV Eindhoven et même de la sélection belge en catégorie jeunes, avant de se consacrer au cyclisme. Il ne lui faut que deux ans de pratique pour signer chez les professionnels. Comme d’autres avant lui, il fait resurgir les spectres du passé, Eddy Merckx en premier lieu, mais de façon plus nette. Le Cannibale, pas toujours tendre par la suite, spécule en 2018 : «Peut-être qu’il sera meilleur que moi.» Il y a des héritages moins lourds à porter. Au pays, toqué de vélo, Evenepoel devient un héros avant même de porter une cape. L’espoir n’est pas déçu puisqu’il remporte la Vuelta en 2022, premier Belge vainqueur d’un grand tour en quarante-quatre ans. La même année, il se pare d’irisé lors des mondiaux sur route et gagne le premier de ses deux Liège-Bastogne-Liège. Les succès, longs raids audacieux en solitaire, s’amoncellent. Déjà dans la légende.
Reste le Tour, désormais. Idée encore floue. On le dit pas au niveau des grimpeurs les plus solides, et pas inébranlable en descente. L’image du Tour de Lombardie, en 2020, est restée amarrée aux esprits, malheur qui lui a laissé un «sentiment» encore inconnu : «Celui de vivre, tout simplement.» Evenepoel s’empale dans un parapet et fond dans un ravin. «J’avais l’impression d’un trou noir, avec l’ombre… raconte-t-il par la suite. J’ai appelé à l’aide. Mais ma voix ne portait pas assez. Personne ne m’a entendu : pendant cinq minutes, je me suis senti abandonné…» Et : «Je n’ai jamais pensé à la mort, même quand j’étais allongé dans le ravin. J’ai vite essayé d’imaginer au moment où je reprendrais le vélo. Ma chance, c’est d’être encore très jeune, je pense qu’un coureur de 30 ans aurait dû arrêter là sa carrière. Moi, je suis encore tout neuf.» Quatre ans plus tard, le Belge semble encore frais et presque intact. Dans deux semaines, le Tour s’achèvera sur un nouvel effort individuel, entre Monaco et Nice. De quoi faire vivre Evenepoel, si les Pyrénées et les Alpes du Sud ne le consume pas jusque-là.
Mis à jour : à 17h30 avec la victoire de Remco Evenepoel