Déforestation : le Groupe Casino mis en cause au Brésil et en Colombie
Les images de l’Amazonie en flammes, en août 2019, ont ému le monde entier. L’histoire de cet écosystème unique sacrifié au profit d’intérêts fonciers a beau se dérouler outre-Atlantique, elle est reliée à un groupe français de la grande distribution, Casino, selon le rapport d’Envol vert qui doit être publié mardi 30 juin. Cette association française est allée épauler des organisations d’Amérique du Sud, entre autres des journalistes et des chercheurs du collectif Reporter Brasil, qui ont enquêté sur place pendant un an.
Bois, soja, cacao, huile de palme constituent les principales causes de la déforestation galopante sur la planète. Au Brésil, qui en est le champion du monde, c’est le bœuf, élevé principalement pour sa viande, qui en est le premier responsable. L’Institut national de recherches spatiales (INPE) constate que l’Amazonie a perdu 10 123 kilomètres carrés en 2019, 44 % de plus qu’en 2018, et la dévastation s’accélère en 2020. La destruction des savanes du Cerrado va bon train aussi.
Dans ces deux hauts lieux de la biodiversité planétaire, les feux de forêt, dont la saison démarre ces jours-ci, ont augmenté de 71 % en 2019 par rapport à l’année précédente. Une fois les bois de valeur exploités, les troupeaux gagnent ainsi de nouvelles pâtures, qu’ils occupent de manière particulièrement extensive : 1,31 tête à l’hectare (ha) en moyenne au Brésil, 0,6 en Colombie. Leur expansion est spectaculaire en Colombie, depuis la signature de la paix avec les Forces armées révolutionnaires de Colombie (FARC) en 2016,et au Brésil, deuxième exportateur mondial, qui comptait 158 millions de bêtes en 1994, 214 millions aujourd’hui.
43 % du marché colombien« Ce système d’élevage constitue en fait un héritage de la colonisation : il s’agit d’occuper le plus d’espace possible pour affirmer ensuite que cette parcelle d’Amazonie est à soi, analyse Boris Patentreger, membre d’Envol vert, qui a coordonné l’enquête sur place. C’est une forme de spéculation foncière puisqu’on peut la revendre ensuite un bon prix. » Et la grande distribution y aurait une part de responsabilité en raison de son peu d’empressement à améliorer la traçabilité de son approvisionnement, en particulier en Colombie, souligne le rapport.
Or Casino est bien présent dans les deux pays, où la consommation nationale de bœuf est importante. Le groupe occupe 15 % du marché au Brésil, avec sa filiale Grupo Pao Açucar (GPA) et ses enseignes Assai et Extra ; 43 % en Colombie, avec Exito. Il y réalise 47 % de son chiffre d’affaires global. En France, la société, elle-même détenue par Rallye, est propriétaire d’une série d’enseignes comme Monoprix, Franprix, Leader Price, Spar, mais aussi de Naturalia, et met en avant une image de distributeur responsable. Envol vert et ses partenaires reprochent d’autant plus au distributeur ses lacunes dans le contrôle de l’origine des bœufs.
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