À Nice, Christian Estrosi annonce sa démission surprise de son ...
Le maire de la capitale azuréenne avait été élu à la présidence de la Métropole Nice Côte d’Azur dès sa création, en 2012. Sur X, Éric Ciotti dénonce «une énième petite manœuvre politicienne».
Le Figaro Nice
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Coup de théâtre mercredi midi lors du conseil métropolitain, à Nice. Le président de la collectivité azuréenne, Christian Estrosi, a annoncé en fin de séance qu’il démissionnait du poste qu’il occupe depuis 2012, soit depuis la création de la métropole de Nice Côte d’Azur, qui unit 49 communes des Alpes-Maritimes. Une fois l’ordre du jour achevé, Christian Estrosi s’est levé, discours en main, pour annoncer la nouvelle que peu semblaient avoir anticipée. «Mes chers collègues, une période s'achève», a-t-il entamé.
Et de rappeler la première vertu «solidaire» de la métropole azuréenne, à une époque où les territoires du moyen et de l’arrière-pays étaient en proie à «une hémorragie démographique mortifère». «Pendant une décennie nous avons réussi à faire de cette métropole un lieu où l'on construisait ensemble le bien commun. Nous avons incarné ce beau mot de solidarité dans son sens le plus noble», a-t-il ajouté. Avant d'enchaîner sur les motivations officielles de sa démission. Motivations liées, à l'en croire, aux positions politiques des uns et des autres depuis un certain temps, qu'elles soient «individuelles ou coordonnées depuis l'extérieur» et qui auraient mis à mal l'état d'esprit «rassembleur et consensuel» de la métropole. Quelques mots semblant viser directement les soutiens d'Éric Ciotti et ses représentants élus les plus féroces à la métropole, les députés (LR-RN) Bernard Chaix et Christelle D'Intorni.
Recomposition politique
«Il faut aujourd'hui le reconnaître, ce modèle n'a pas survécu aux profondes fractures qui divisent notre pays. Comme toute la France et comme toute notre région, nous devons faire face à la recomposition politique et à la montée des extrêmes, qu'ils soient de gauche comme de droite», a-t-il ainsi poursuivi. La formulation et l'argumentaire ne sont pas sans rappeler ceux d'Emmanuel Macron dans son discours du 9 juin annonçant la dissolution de l'Assemblée nationale. «Il nous a fait sa version de la "clarification"», observe en ce sens l’élue d'opposition écologiste Juliette Chesnel-le Roux. «Il veut sa petite dissolution locale !», persifle de son côté Christelle d’Intorni.
«Au cours de la campagne électorale qui vient de s'achever, certains d'entre vous ont tenu des déclarations très hostiles à l'égard de la métropole, de son action et de ses services. Était-ce par posture ou par conviction ?», s’est ensuite interrogé l’édile niçois, visant la même opposition de droite. Dénonçant «le poison de la division et la myopie qui fait privilégier à certains l'intérêt personnel immédiat à l'intérêt collectif de long terme», le maire de Nice en a finalement appelé au «devoir de clarté et de cohérence». «Et comme il n'est pas question pour moi de présider un exécutif où figurent des élus d'extrême droite ou de gauche, ou leurs soutiens, je vous informe que j'ai décidé de démissionner de mon poste de président de la métropole. Dans quelques instants, je transmettrai cette démission à monsieur le préfet des Alpes-Maritimes», a-t-il conclu.
Candidat à sa réélection
Selon une source proche de Christian Estrosi, cette décision aussi surprenante qu’inattendue aurait été prise «hier soir tard». «Je crois qu’à part son directeur de cabinet et peut-être un ou deux conseillers, il n’avait prévenu personne», poursuit une autre source locale. Il fait par ailleurs peu de doute que le nouvel ex-président sera candidat à sa réélection. «Bien sûr qu’il y retourne !», confirme le même proche. Sa démission n’aurait qu’un seul but : faire payer à quelques maires de la métropole leur proximité avec Christelle d’Intorni lors de la campagne éclair des législatives. «Il se pourrait bien que quelques-uns tombent de leur chaise d’ici peu...», souffle la même source, sans trop dévoiler le jeu du candidat à sa succession. Il en serait de même pour les vice-présidents, qui vont être réélus à leur tour : «Un peu de ménage va être fait», abonde la source. Christian Estrosi aurait par ailleurs l’assurance d’être réélu grâce aux communes voisines, et surtout amies, de Saint-Laurent-du-Var et Cagnes-sur-Mer. «Avec Nice et ces deux-là, on fait déjà près de 60% des suffrages», assure un autre «estrosiste».
Il se prend pour un empereur, il va régler ses comptes et sanctionner tous ceux qui n'ont pas soutenu ses candidats et placer ceux qui les ont adoubés.
Christelle D’Intorni, députée (LR-RN) de la 5e circonscription des Alpes-Maritimes et conseillère métropolitaine.
«C’est affligeant, se désole Christelle d’Intorni. On assiste à l’expression de la blessure d’orgueil d’un élu prêt à tout pour faire oublier les résultats dans les urnes lors des législatives». La stratégie du président sortant ne l’étonne guère : «Il se prend pour un empereur, il va régler ses comptes et sanctionner tous ceux qui n’ont pas soutenu ses candidats et placer ceux qui les ont adoubés. Vous verrez que Philippe Pradal (conseiller municipal et métropolitain, ex-député de la 3e circonscription des Alpes-Maritimes, battu le 7 juillet par Bernard Chaix, NDLR) va obtenir une vice-présidence par exemple». Pour la parlementaire, si Christian Estrosi veut véritablement légitimer sa candidature à la métropole auprès des Niçois, il ne lui reste désormais qu’à démissionner de la mairie de Nice. «Malheureusement il le sait, Estrosi, c’est fini !», tance-t-elle. «Le courage, Monsieur Estrosi, ce n’est pas une énième petite manœuvre politicienne mais de démissionner de votre mandat de maire de Nice pour redonner la parole aux Niçois qui vous ont lourdement sanctionné aux législatives», a taclé de son côté Éric Ciotti en milieu d’après-midi sur X.
Pas de lien supposé avec les «affaires»
Les observateurs locaux, y compris d’opposition, s’accordent en revanche sur le fait que la démission du président, certes précipitée, n’a pas de lien avec les «affaires» qui concernent la métropole. Qu’il s’agisse de l’enquête préliminaire du parquet national financier (PNF) pour «détournement de fonds publics» en lien avec le tournoi de tennis de la Hopman Cup à Nice, celle visant les chantiers de reconstruction post-tempête Alex et pour laquelle plusieurs hauts fonctionnaires ont été placés en garde à vue, ou encore des investigations conduites par le parquet de Marseille pour «favoritisme», «détournement de fonds publics» et «recel» concernant la dissolution du groupement d’intérêt public (GIP) du grand prix de France de Formule 1. Sans oublier l’information judiciaire ouverte en février 2023 s’agissant de suspicions de trafic de déchets depuis Nice vers Saragosse, en Espagne. «Au contraire, ce sont plutôt des dossiers qui l’obligent à rester coûte que coûte. Et puis, il s’est toujours montré très solidaire vis-à-vis de ses équipes interrogées par le PNF», analyse Juliette Chesnel-Le Roux.