LR ou Macron, c'est kif-kif : l'aveu de Christian Estrosi
Christian Estrosi vient de lâcher une petite bombe sur cette plaine morose qu’est la droite française. « Pour ne pas gâcher tous les talents de la droite, passons un accord avec Emmanuel Macron pour qu’il soit notre candidat commun à la présidentielle et que ceux-ci puissent participer au redressement de notre pays », lance le maire Les Républicains de Nice dans Le Figaro, ce mardi 1er septembre. Estrosi le dit sans détour, il ne voit aucun présidentiable crédible dans son camp en vue de 2022 : « Il existe beaucoup de talents chez nous mais, soyons honnêtes, aucun d’entre nous ne s’impose pour concourir à la présidentielle. » Sympathique pour Xavier Bertrand, Valérie Pécresse et Bruno Retailleau, candidats plus ou moins déclarés, ou encore François Baroin, qui laisse planer un savant mystère sur ses intentions.
Derrière les déclarations de Christian Estrosi, il faut évidemment lire une offre de service entre les lignes. Le maire de Nice, réélu avec le double soutien de LR et de La République en marche, s’est régulièrement présenté comme Macron-compatible. Et son comparse Renaud Muselier, qui lui a succédé à la tête de la région PACA, est lui aussi en bons termes avec l’Elysée, ce qui laisse augurer d’une possible alliance aux élections régionales de 2021.
"Le sujet, ce n'est pas qui sera candidat. C'est ce qui nous distingue de Le Pen et Macron", s'agace un cadre LR.
Mais au-delà des raisons politiciennes, Christian Estrosi appuie à l’endroit où LR a mal : en quoi le parti ferait-il mieux que Macron aux yeux des sympathisants de droite ? « Estrosi veut se positionner comme une passerelle et il dit ce que pensent beaucoup de cadres et élus locaux de droite », juge un transfuge de LR passé en Macronie. Quant aux électeurs, beaucoup ont déjà franchi le Rubicon en votant LREM, comme on l’a vu aux législatives de 2017 puis aux européennes de 2019. Alors que LR ne sait même pas comment désigner son champion pour 2022, un cadre du parti s'agace : « Le sujet, ce n’est pas qui sera candidat. C’est ce qui nous distingue de Le Pen et Macron, la question de la plus-value. »
François Baroin est sorti de son silence pour tenter une réponse ce mardi, auprès du Parisien : « Sur le fond, on n'aurait pas fait la même politique, ultra technocratique, centralisatrice. On n'aurait pas eu la même politique fiscale, ni sur les APL. On ne se serait pas obstiné sur la taxe carbone et on n'aurait pas eu les gilets jaunes. » Sur France Info, le député Aurélien Pradié, numéro 3 de LR, a lui aussi tenu à se démarquer de Macron : « Le projet de société qui est le sien n'est pas le nôtre, je le combats depuis plusieurs mois. » Le patron de LR, Christian Jacob, répondra pour sa part dans une interview à la presse qui sera en ligne jeudi soir. Mais derrière les cris d’orfraie de la direction de LR affleure une certaine gêne. Par exemple quand le trésorier du parti, Daniel Fasquelle, tweete en réaction à la proposition d’Estrosi que « ce n’est pas le moment »...
Ce n’est pas le moment, en pleine rentrée scolaire et en pleine crise du Covid et alors que la droite se reconstruit, de laisser entendre qu’Emmanuel Macron pourrait être notre candidat. Macron n’est pas le candidat naturel de la droite. Nous avons nos talents.— Daniel Fasquelle (@DFasquelle) September 1, 2020
Pris dans le casse-noix entre Macron et Le Pen, LR ne ferait-il pas mieux de trancher dans le vif ? Dans son livre La malédiction de la droite (Perrin, 2019), l’éditorialiste du Figaro Guillaume Tabard envisageait deux scénarios si Emmanuel Macron continuait à donner des coups de barre à droite - ce qu’a confirmé le remaniement de juillet : « Soit l’actuel chef de l’Etat réussit, avec de fortes chances d’être réélu en 2022 ; auquel cas, le choix de l’alliance avec lui deviendrait une option logique. (...) Soit, second scénario, le président échoue, victime de l’usure du pouvoir, d’un rejet de sa personne et de sa politique ; auquel cas la droite se poserait en macronisme de substitution. » Dans les deux cas, LR n’a plus son destin en main.