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Le danseur et chorégraphe français Éric Vu-An est décédé à l'âge ...

Le danseur et chorégraphe français Éric VuAn est décédé à lâge
Quelques jours après son époux, Hugues Gall, l'étoile internationale vient de s'éteindre à Nice d'un cancer du cerveau.

Quelques jours après son époux, Hugues Gall, l'étoile internationale vient de s'éteindre à Nice d'un cancer du cerveau.

C'est la première étoile d'une génération prodigieuse qui part au firmament. Celle des Guillem, Legris, Hilaire..., nés dans les années 60, formés par Claude Bessy à l'École de Danse et élevée à des hauteurs stratosphériques par Rudolf Noureev. Ses débuts n'ont rien d'évidents. Certes, il est travailleur et prodigieusement doué. Mais c'est un enfant muré en lui-même.

Son nom est asiatique, ses traits métissés d'Africain, on rit de lui, il n'a pas d'explication. Son père nourricier est vietnamien, sa mère française. Ils vendent des primeurs près du marché Saint Germain à Paris et vivent dans une chambre de bonne sans sanitaires sous les toits. Ils ne lui ont pas expliqué ce qu'Éric est incapable de penser tout seul: que son père biologique est guadeloupéen. Il finira par le découvrir après un travail de Sherlock Holmes lorsqu'il aura 30 ans. À l'école de Danse de l'Opéra de Paris, où il entre à 10 ans, les railleries pleuvent. Ne sachant par quels mots les déjouer, il enrage, cogne, se fait exclure. Mais Claude Bessy le protège. Elle exige de lui le meilleur en matière de danse et de comportement, et, elle qui n'a pas sa langue dans sa poche, lui apprend à répondre.

En 79, il entre dans le ballet avec une dispense d'âge : il a seulement 15 ans. Les quolibets continuent mais Noureev, qui a souffert de son physique de tatar, fait taire à son tour les jaloux et lui donne des rôles. Éric puise dans cette enfance d'écorché vif l'éclat d'un soleil noir: on le sent seul, singulier, mais si puissamment ancré dans la danse - son élément -, qu'il irradie. En 1983, il éblouit en Basilio de Don Quichotte. Sa danse a une douceur de velours et un charisme félin. C'est un danseur noble, qui affûte chaque pas, se montre puissant dans les sauts, propre, vif et léger dans les enchaînements, sensuel dans L'Après-Midi d'un Faune sans jamais être vulgaire. Lui que le monde des ombres et des doutes mord sans relâche, lui qui se sent orphelin de la vérité d'un père, s'apaise dans les ovations du public.

À l'Opéra de Paris, sa carrière s'arrête en queue de poisson. En mars 1986, ébloui par ce diamant noir, Maurice Béjart le nomme étoile avec Manuel Legris à l'issue d'une représentation d'Arepo qu'il vient de créer. Noureev annule ces nominations: c'est à lui de nommer les étoiles et non aux chorégraphes invités, fussent-ils aussi prestigieux que Maurice Béjart. Scandale. Manuel Legris choisit d'attendre son tour au Palais Garnier, Éric Vu-An suit Béjart. Il reviendra à l'opéra de Paris danser avec la compagnie d'abord comme soliste invité puis comme professeur. Sa carrière d'étoile internationale débute. Dans la danse, notamment en Italie: il crée le rôle d'Antinoüs dans Les Mémoire d'Hadrien de Maurizio Scaparro. Sa carrière s'ouvre aussi hors de la danse : il prend tellement bien la lumière! Jean-Claude Balard le forme au théâtre. Roland Petit le fait chanter aux côtés de Zizi Jeanmaire, Bernardo Bertolucci, tourner dans Un thé au Sahara.

Ce garçon aux multiples talents ne se disperse pas. Il prend sa barre tous les matins, se mesure à lui-même, garde le cap. En 2002, il revient à l'Opéra de Paris danser Don Quichotte. Il a 38 ans, sa partenaire Laetitia Pujol est nommée étoile à l'issue de la représentation. Il possède d'instinct l'intelligence de l'interprétation. Il s'en servira lorsqu'il dirigera les ballets de Bordeaux puis Avignon, Marseille, où il est maître de ballet associé au directeur Fréderic Flamand, et surtout du ballet de Nice Méditerranée qu'il dirigera de main de maître à partir de 2009. Les danseurs viendront de loin pour qu'il leur transmette des chorégraphies : il restait exigeant sur le style et les détails, et pouvait longtemps se donner en modèle tant il s'était poli. L'audace avec laquelle il dirigeait l'opéra de Nice avait payé. Par son travail en studio, par le choix de ses danseurs, il avait vu les tournées se multiplier. Sa programmation ne ressemblait à aucune des autres de celle des ballets de France. Il savait trouver des pépites et les assembler: Claude Bessy était venue remonter Pas de Dieux de Gene Kelly, Nacho Duato avait confié des pièces, Vu-An avait repris Voluntarees de Glen Tetley, La Pavane du Maure de Limon... En 2016, il avait, avec beaucoup d'inventivité, remonté un Don Quichotte pour seulement 26 danseurs. Il y apparaissant en chevalier à la triste figure, heureux d'être sur scène, le seul endroit au monde où il se sentait vraiment à sa place.

La maladie l'avait frappé début 2022. Depuis, il se battait avec une détermination exemplaire, et son époux Hugues Gall, modèle des directeurs d'Opéra décédé le 25 mai dernier, quelques jours avant lui, le soutenait de manière exemplaire. Éric se battait pour lui-même et pour le ballet de Nice que, dans les tourments de la vie culturelle, il souhaitait voir à tout prix conservé.

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