Ennio Morricone, une dernière fois
Joueur chevronné, Ennio Morricone avait composé l’hymne des Jeux olympiques d’échecs, qui s’étaient déroulés en 2006, à Turin. « Le jeu d’échecs est bien plus qu’un simple passe-temps, affirmait-il, en 1991, au magazine spécialisé Torre & Cavallo. C’est une chose importante ; une philosophie, un moyen de mieux se connaître, un miroir de la lutte de la vie. » Anecdotiques, sans doute, au regard d’une œuvre musicale parmi les plus prodigieuses du XXe siècle, ces phrases peuvent être transposées au rapport passionnel qu’il entretenait avec la chose artistique : une affaire « importante », où l’intimité le dispute au lyrisme, et la conflictualité à l’apaisement.
Pour le partenaire emblématique du cinéaste Sergio Leone, qu’il a accompagné de Pour quelques dollars de plus (1964) à Il était une fois en Amérique (1984), cette lutte s’est achevée, lundi 6 juillet : le chef d’orchestre et compositeur italien est mort, à 91 ans, dans une clinique de sa ville de Rome, où il avait été admis à la suite d’une chute.
Il était une fois, donc, Ennio Morricone. Né le 28 novembre 1928, à Rome, il grandit à Trastevere, alors l’un des quartiers les plus populaires de la capitale italienne. Sa mère, qui travaille dans le textile, l’élève au côté de ses trois sœurs, Adriana, Maria et Franca. La peintre yougoslave Eva Fischer, de retour de déportation, est sa voisine. Plus tard, Morricone conviendra que cette enfance sous haute protection féminine a pu nourrir son attrait pour les voix de femmes − l’un des leitmotivs de sa proliférante discographie. « L’instrument par excellence, celui qui ménage les plus impressionnantes variations, du cri au murmure, c’est la voix humaine − en particulier féminine », confessera-t-il, en 2014, au Monde.
Tout aussi décisive sera l’influence paternelle : originaire d’Arpino, dans le Latium, Mario Morricone est trompettiste dans divers orchestres. C’est cet instrument que le jeune Ennio décide d’étudier au conservatoire de Santa Cecilia, en même temps que l’orchestration et la composition. Une encre dont se servira le maestro pour établir sa « signature » : altières et mélodieuses, ses parties de trompette figurent en tête des sonorités auxquelles l’adjectif « morriconnien » est le plus souvent associé, avec le tressautement de la guimbarde ou le chuintement des chœurs.
Si ces « gimmicks » l’ont rendu célèbre bien au-delà du cercle des amateurs de musique de films, le Romain prenait ombrage de ce que l’on réduise son écriture à une succession d’effets, aussi accrocheurs fussent-ils : « La trompette produit des sons tellement intenses qu’il faut l’utiliser avec parcimonie », disait celui qui a gravé quatre morceaux avec le jazzman Chet Baker, en 1962.
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