Thèmes d'actualité fermer

Emmanuelle Béart dans “Télérama” en 1992 : “Être 'la fille de Guy ...

Emmanuelle Béart dans Télérama en 1992  Être la fille de Guy
DANS LES ARCHIVES DE “TÉLÉRAMA” – Grand-mère maternelle aimante, dérapages au lycée et voyage à Montréal... Quand l’actrice de “La Belle noiseuse” se rappelait son enfance.

DANS LES ARCHIVES DE “TÉLÉRAMA” – Grand-mère maternelle aimante, dérapages au lycée et voyage à Montréal... Quand l’actrice de “La Belle noiseuse” se rappelait son enfance.

Emmanuelle Béart au Festival de Cannes en 1991. Emmanuelle Béart au Festival de Cannes en 1991.

Emmanuelle Béart au Festival de Cannes en 1991. Photo Pascal Victor/ArtComPress via opale.photo

Par Propos recueillis par Bernard Génin

Publié le 14 août 2023 à 10h00

  • Partage
  • LinkedIn
  • Facebook
  • Twitter
  • Envoyer par email
  • Copier le lien

Mon enfance ? Une très belle enfance ! Elle s’est déroulée dans le midi de la France. Donc avec le soleil, la plage, la mer… Beaucoup de bruit et de mouvement… L’enfance méridionale type. L’image qui me vient instantanément à l’esprit, c’est une bande de gamins, en pleine nature, avec tous les clichés sur la Provence : les oliviers, le chant des cigales, l’odeur du thym… Le soir tombe. On a les pieds nus. On est sales et fatigués d’avoir fait les quatre cents coups dans le hameau. On essaye de retarder le plus possible le moment où il va falloir rentrer se coucher. Autour de nous, il y a des animaux. Plein d’animaux. Ma mère les adorait. Nous avions sept chiens, quatorze chats, des lapins, des canards, des tortues… Le décor, c‘est un peu celui de Jean de Florette et Manon des sources. Les films de Claude Berri, pour moi, c’était effectivement un retour aux sources.

Je suis née à Gassin. Jusqu’à l’âge de 15 ans, j’ai vécu à quelques kilomètres de là, dans le hameau de Beauvallon. Mon père, Guy Béart, s’est séparé de ma mère quand j’étais toute petite. Ça ne m’a pas traumatisée, dans la mesure où il est resté très présent dans ma vie. Comme tous les enfants de divorcés, j’allais le voir pendant le week-end et pour les vacances. Quand j’ai eu 8 ans, ma mère s’est remariée. Ça aussi, je l’ai bien vécu. Maman refaisait sa vie : ça me paraissait sain. La situation était claire, parce que le dialogue a toujours été ouvert entre elle et moi. Je suis peut-être une exception, mais je n’ai jamais eu le moindre problème métaphysique au sujet de la séparation de mes parents.

Être “la fille de Guy Béart”, ça ne m’a pas trop perturbée.

Aujourd’hui, je suis l’aînée d’une famille de cinq enfants : trois garçons de 25, 21 et 17 ans, et une petite fille de  9 ans. Le plus âgé a 21 mois de moins que moi. Je n’emploie pas l‘expression « demi-frère » ou « demi-sœur ». Nous avons été élevés ensemble : ce sont mes frères et sœurs. Nous sommes restés très très proches. J’étais une petite fille assez timide mais sociable. Pas extravertie. Plutôt sérieuse. Normal : j’étais la plus grande, la « responsable ». J’ai appris très tôt à tenir un bébé dans mes bras, à ne pas le faire tomber, à lui donner le biberon…

Être « la fille de Guy Béart », ça ne m’a pas trop perturbée. Parfois, peut-être, la curiosité des autres, à l’école, était un peu insistante. Quand il passait à la télévision, quand on l’entendait à la radio, j’éprouvais une certaine gêne. Mon père, pour moi, ce n’était pas un chanteur. C’était mon père. J’ai étudié aux CES de Cogolin et de Sainte-Maxime. Là, c’est carrément devenu le grand huit, les montagnes russes… Rien de stable. Je passais de « très bonne » à « très mauvaise » élève. J’avais ce qu’on appelle des facilités. Mais je m’en servais un mois sur deux. Quand un prof ne me plaisait pas, c’était la catastrophe.

Les figures qui ont marqué mon enfance, je les trouve dans ma famille.

Dans ses notes sur La Petite Voleuse, François Truffaut écrit que ce qui est merveilleux, au moment de l’adolescence, c’est que l’on fait tout pour la première fois. Je pense qu’on cherche toute sa vie à revivre l’intensité de ces premières fois. Le premier amour, par exempl…. J’avais 11 ans. J’étais amoureuse. Mais amoureuse ! Le premier mot reçu de lui ! J’en ai les mains qui tremblent encore. Et les premières attentes ! Attendre quelqu’un… Le premier baiser, c’était derrière les préfabriqués du CES de Cogolin, dont je n’ai pas tardé à me faire virer, d’ailleurs. Mais c’est inoubliable. Il était amoureux de plein de filles. Qu’est-ce qu’il m’a fait souffrir ! À 11 ans, j’ai découvert que ça fait aussi très mal d’aimer quelqu‘un.

Les figures qui ont marqué mon enfance, je les trouve dans ma famille. Les parents, les frères et – très important – la grand-mère maternelle. On prétend que, pour les petites filles, le père compte plus que la mère. Faux ! Pour moi, ils ont été complémentaires et aussi importants l’un que l’autre. Ma mère, je la vois comme un deuxième père. Une femme active, débordant d’énergie, qui, malgré ses cinq enfants à élever, n’aurait pas supporté deux secondes de se cantonner dans le rôle de femme au foyer. Avant ma naissance, elle était mannequin. Après, elle a été journaliste, conductrice de car... Elle a toujours été à l’écoute de ce qui se passe dans le monde. Aujourd’hui encore, elle se bat contre l’injustice. À Cogolin, elle a fondé une association : SOS Réflexe Solidarité.

Je dois beaucoup à mon père. C’est quelqu’un dont je me suis encore rapprochée avec l’âge.

Mon père, je « montais » donc régulièrement le voir à Paris. Ça m’a laissé des souvenirsincroyables. J’arrivais dans cette grande maison. Je rencontrais des gens comme Brassens, Moustaki, Aragon, Pompidou... Quand j’ai raconté ça à l’école, on m’a répondu : « Oui, c’est ça ! Moi, mon père, il est président de la République !  » Du coup, je n’en ai plus parlé. Je gardais cesmoments comme un jardin secret. Je dois beaucoup à mon père. C’est quelqu’un dont je me suis encore rapprochée avec l’âge. Enfant, je sentais qu’il voulait me communiquer les choses sérieuses de la vie. Il m’a appris à savoir m’isoler. Et aussi à écrire le plus souvent possible. À la moindre occasion, il me disait : « Prends un crayon. Note. » Je me suis mise à écrire, la nuit, quand je n’arrivais pas à dormir.

Et puis, il y a la grand-mère ! Une grand-mère unique, fabuleuse, à la fois grecque, italienne,maltaise et yougoslave. Toute la Méditerranée en une seule personne. C’est le premier être que j’ai « reconnu », un peu comme si nous nous étions déjà rencontrés. C’est indescriptible. Elle a habité avec nous, puis à deux pas de chez nous, puis en Belgique. Quand on ne se voyait pas, on s’écrivait. Moi, j’affichais toutes ses lettres sur les murs de ma chambre. Elle a été stupéfaite le jour où elle a vu toute sa correspondance étalée ainsi, aux yeux de tout le monde.

À lire aussi :

“Repensons de fond en comble notre manière de produire et de consommer”, par Emmanuelle Béart

Je crois que j’étais amoureuse de ma grand-mère. Face à mes parents – actifs, brillants, intelligents –, elle était mon coin de tendresse. Aujourd’hui, elle a 89 ans. Si vous voyiez comme elle est belle ! C’est un phénomène de la nature. Tous les gens qui la rencontrent sont fascinés. Elle m’a fait le plus beau des cadeaux : elle m’a appris à m’aimer. À me voir lui inspirer un amour si exceptionnel, je finissais par me trouver bien. Elle m’a donné des ailes.

Un jour, pourtant, entre 13 et 15 ans, j’ai « dérapé ». Tout à coup, j’en ai eu ras le bol des études. Je ne pensais plus qu’aux garçons. Et à la moto. À force de me voir à l’arrière de la moto de mes copains, ma mère m’a acheté une 50 cm3. J’ai commencé à mal tourner. Je séchais les cours, je répondais aux profs. Ça n’a pas tardé, je me suis fait virer.

Comme à chaque fois que je me suis trouvée en difficulté, mon père est intervenu. Il a décidé de me mettre en pension. Donc, à 15 ans, je débarque à l’Ermitage, à Maisons-Laffitte. Un autre monde, comparé à mon Midi natal. Je ne l’ai pas vécu comme une punition, car c’était très chic. Là, j’ai recommencé à bien travailler… Mais je me suis encore fait renvoyer, pour une autre série de bêtises.

Au lycée, je ne faisais même pas de théâtre comme mes copines.

Alors, mon père a eu une excellente idée. Il avait de très bons amis au Canada. Il m’a envoyéeà Montréal. Et ç’a été magnifique. J’ai été accueillie à bras ouverts dans une famille, avec desenfants plus jeunes que moi. Le dépaysement était total. Je me suis soudain sentie totalement libre. Je me rappelle trois semaines passées au bord d’un lac. Un enchantement. Je suis restée  à-bas jusqu’à l’âge de 18 ans et demi. C’est à Montréal que j’ai passé mon bac. C’est aussi à Montréal que j’ai rencontré Robert Altman, dans une boîte de nuit. Il préparait un film avec David Bowie et Geraldine Chaplin.

Je n’étais pas spécialement cinéphile. Je connaissais à peine son nom. Et je n’avais jamais pensé faire du cinéma. Au lycée, je ne faisais même pas de théâtre comme mes copines. Mais il m’a trouvée drôle. Il m’a proposé un rôle. Je l’ai rencontré plusieurs fois. J’ai essayé des costumes… Finalement, le film ne s’est jamais fait. Mais dès que j’ai eu mon bac je suis rentrée à Paris. Et aussitôt je me suis inscrite à un cours de théâtre. Ce genre de retour en arrière, je ne le fais pas souvent. Cette enfance, je l’aime. Elle est en moiet je la garde comme quelque chose de précieux, de personnel, voire d‘intransmissible.

J’adore la chanson de Barbara, qui s’appelle justement Mon enfance :« Il ne faut jamais revenir / Au temps caché des souvenirs / Du temps béni de son enfance. / Car parmi tous les souvenirs, / Ceux de l‘enfance sont les pires, / Ceux de l’enfance nous déchirent...  »

Couverture de Télérama du 8 au 14 août 1992.

Couverture de Télérama du 8 au 14 août 1992.

Paru dans Télérama n° 2221 du 5 août 1992.

Shots similaires
Nouvelles archives
  • Nostradamus
    Nostradamus
    Nostradamus, les secrets du plus grand des devins sur RMC Story
    18 Avr 2023
    1
  • Lucienne Moreau
    Lucienne Moreau
    Après le décès de Lucienne Moreau, mamie star du Petit journal, les Mayennais lui rendent hommage
    17 Jan 2022
    1
  • Hijab
    Hijab
    Hijab dans le foot : le Conseil d'État dénonce des «attaques» contre ...
    27 Jui 2023
    2
  • Boateng
    Boateng
    Mercato: c’est confirmé pour Boateng à l'OL, qui va être présenté ce mercredi
    31 Aoû 2021
    2