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L'objet de l'affront en question ? Emmanuel Macron “s'est exprimé en anglais… En France”, alors même que l'article 2 de la Constitution “rappelle que la langue"...

“Énième affront pour les francophones du monde entier et encore une fois une Constitution bafouée”, assure un post Facebook publié le 24 juillet 2024. L’objet de l’affront en question ? Emmanuel Macron “s’est exprimé en anglais… En France”, alors même que l’article 2 de la Constitution “rappelle que la langue de la République est le français”, soutient l’auteur de la publication.

La veille, l’ancien député Nicolas Dupont-Aignan publie un post équivalent, largement repris et commenté. Il y assure que la prise de parole en anglais du président de la République, le 22 juillet, devant la presse étrangère, à quatre jours du début des Jeux olympiques de Paris, constitue une violation de l’article 2 de la Constitution. Mais d’après les spécialistes contactés par Les Surligneurs, le président de la République avait tout à fait le droit d’utiliser l’anglais dans ce cas précis.

La langue de la République est le français…

Contacté, Nicolas Dupont-Aignan réaffirme sa position : “S’exprimer en anglais en France, c’est inadmissible. À partir du moment où le président de la République ne s’exprime pas en français en France, il défend mal la Constitution”, affirme-t-il. Selon l’ancien élu, Emmanuel Macron n’a pas respecté l’alinéa premier de l’article 2 de la Constitution qui dispose que “la langue de la République est le français”.

L’ancien député nous soutient qu’il n’est pas le seul à partager cette position. Il en veut pour preuve la popularité de son post et la réaction de “toutes les associations de défense de la langue française qui ont protesté”. Il est vrai que du côté des deux associations de défense de la langue française que nous avons pu joindre, l’opinion est similaire à celle de Nicolas Dupont-Aignan.

Alain Sulmon, représentant de la délégation du Gard de la Défense de la langue française, nous indique par mail qu’ils ont été “choqués de la prise de parole publique en anglais par le président de la République”. À l’Association Francophonie Avenir, le président Régis Ravat, qui n’était pas au courant de la prise de parole du chef de l’État, n’est pas étonné. Selon ses mots, Emmanuel Macron “connaît l’article 2 comme un chauffard connaît le Code de la route : il a appris le Code pour avoir son permis, et une fois le permis en poche, il fait ce qu’il veut”.

… dans le cadre d’une mission de service public

Pourtant, il semblerait qu’Emmanuel Macron ait tout à fait le droit de s’exprimer en anglais dans ce cas précis. Même si en effet, comme nous l’a fait remarquer Nicolas Dupont-Aignan, une résolution adoptée par l’Assemblée nationale dans le cadre des Jeux olympiques de Paris 2024 vise à promouvoir la langue française, elle ne permet pas de contraindre le comportement du président de la République.

D’abord parce qu’aucune des recommandations qu’elle contient ne le concerne. Ensuite, cette résolution n’est pas normative, elle n’est pas contraignante juridiquement, nous rappelle Jordane Arlettaz, professeure de droit public à l’université de Montpellier, spécialiste en droit constitutionnel et autrice d’une thèse “L’État-nation à l’épreuve de la constitutionnalisation des langues régionales. Étude comparée : Belgique, Espagne, Italie, Suisse”.

En 1958, la Constitution ne dispose rien concernant l’utilisation de la langue française. Il faut attendre 1992 pour que le français y soit décrit comme la langue de la République. La loi Toubon, entrée en vigueur en 1994, précise son application. Elle dispose que la langue française “est la langue de l’enseignement, du travail, des échanges et des services publics”. Selon cette experte, l’interprétation qui a été faite de cet article est qu’il “impose un usage du français pour tout agent à l’occasion d’une mission de service public, que ce soit une personne physique ou morale”.

Cette interprétation n’est pas seulement la sienne, c’est aussi celle du Conseil constitutionnel en 1994. Saisie pour trancher sur la constitutionnalité de cette loi, la juridiction estime que le législateur était légitime à prescrire l’usage du français pour certaines personnes, il en précise toutefois les contours. “Il ne saurait imposer la même obligation aux personnes privées hors l’exercice par celles-ci d’une mission de service public et aux organismes et services de radiodiffusion sonore et télévisuelle, qu’ils soient publics ou privés”.

Or, il semblerait que le fait de s’adresser à des journalistes étrangers lors d’une conférence de presse ne constitue pas une mission de service public. Selon la définition du site Dalloz, “le service public est une activité d’intérêt général […] régie au moins partiellement par des règles de droit public”.

Cette “obligation d’utiliser le français pour le chef d’État s’impose donc quand il prend un décret de nomination par exemple”, explique Jordane Arlettaz. Mais concernant sa prise de parole en anglais devant la presse étrangère, “si on peut politiquement regretter que le français ne soit pas utilisé, il n’y a, dans ce cas précis, aucun manquement au droit”.

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