Européennes 2024 : Emmanuel Macron lance son appel du 6 juin ...
C’est une intervention qui a fait polémique avant même que le chef de l’Etat n’ait prononcé le moindre mot. A trois jours des élections européennes, l’interview d’Emmanuel Macron, aux 20 heures de TF1 et de France 2 jeudi soir, allait forcément prendre une couleur politique, même à l’issue d’une journée de commémoration du 80e anniversaire du Débarquement.
Effet drapeau et dramatisation
Et ça n’a pas loupé. Si le chef de l’Etat a bien parlé d’Ukraine, annonçant l’envoi de Mirage 2000 et la formation de 4500 soldats, s’il a répété son appel à accepter le plan américain de cessez-le-feu à Gaza, et son accord avec l’idée de reconnaître un jour l’Etat de Palestine – « l’heure viendra et la France le fera. Mais il faut le faire dans un processus » – Emmanuel Macron a bien parlé politique, en fin d’interview.
La première partie de l’entretien sur l’aide apportée à l’Ukraine a pu elle-même, indirectement, faire son effet auprès de l’électorat. Emmanuel Macron n’avait-il pas cherché à jouer sur « l’effet drapeau », lors de la présidentielle 2022, pour dramatiser les enjeux ? C’était déjà sur l’Ukraine. Reste à voir si le sujet est mobilisateur, ou pas, alors que le RN l’accuse d’être dans l’escalade.
« L’Europe n’a jamais été autant menacée »
Le message politique du chef de l’Etat a justement, et sans surprise, été une autre levée de drapeau, contre l’extrême droite celle-là. Face à sa montée en France et sur le continent, il appelle à « un réveil, un sursaut. On en a besoin pour protéger la France et l’Europe », lance Emmanuel Macron, selon qui « l’Europe n’a jamais été autant menacée ».
Sans citer Valérie Hayer, à la tête d’une liste de la majorité présidentielle à la peine dans les sondages, il insiste sur « l’importance de voter pour l’Europe, […] de ne pas laisser l’extrême droite ainsi monter. Cela peut bloquer l’Europe et bloquer la France. Je le dis aussi par patriotisme ». Il ajoute encore :
« On voit monter partout en Europe l’extrême droite », alerte clairement Emmanuel Macron, qui affirme qu’avec l’extrême droite, « s’il y a une pandémie demain, c’est une Europe qui ne vous protégera pas. Ce sont des gens qui vous donneront de la chloroquine et le vaccin (russe) Sputnik ». Ou encore « pas de plan de relance », ni de Pacte sur l’immigration, si les amis de Jordan Bardella ont « demain une minorité de blocage en Europe ».
Alors que l’abstention pourrait être autour de 50 %, il « appelle » plus généralement « nos compatriotes à aller voter le 9 juin. Il n’y a qu’un tour », dit-il, faisant référence au « Brexit » et ceux qui ne sont « pas allés voter » ce jour-là.
Il assure qu’il « entend toujours les messages. Ce n’est jamais anecdotique ». Mais il ne se prononce pas sur la suite. « Lundi prochain sera lundi prochain », élude Emmanuel Macron. Voulant « convaincre », il affirme :
« Il y a une sorte de déni dans sa responsabilité, dans la fracturation de la France, sur la montée de l’extrême droite », dénonce Patrick Kanner
En tenant ces propos, le président de la République donne du grain à moudre aux oppositions, qui l’accusent de profiter de son statut, à trois jours du scrutin. « Cet accaparement des médias est extrêmement problématique », réagit Patrick Kanner, président du groupe PS du Sénat. « Cette interview sera concédée par l’Arcom (gendarme de l’audiovisuel, ndlr). J’ai calculé, sur un cinquième du temps », pense le socialiste. Cependant, l’ancien ministre ne « pense pas qu’il ait fait basculer les choses. Cela ne change rien ».
Le sénateur PS du Nord s’étonne de ses propos sur le « réveil face à l’extrême droite. Anne-Sophie Lapix lui a rappelé qu’il avait promis en 2017 de la réduire… Il y a une sorte de déni dans sa responsabilité, dans la fracturation de la France, sur la montée de l’extrême droite et un vote sanction. La France risque d’envoyer la plus grosse délégation d’extrême droite à Bruxelles ». Il raille au passage ses propos sur la chloroquine, alors que le chef de l’Etat était « allé voir le professeur Raoult à Marseille… » Patrick Kanner reproche au final au Président de n’avoir « aucune forme de remise en question sur sa politique ».
« Depuis le début, entre Gabriel Attal et Emmanuel Macron, il y a un vrai sujet. Le Président aurait pu s’abstenir » selon le sénateur LR Cédric Perrin
Emmanuel Macron a-t-il fossé le jeu en parlant ce soir ? « Depuis le début, entre Gabriel Attal et Emmanuel Macron, il y a un vrai sujet. Le Président aurait pu s’abstenir. Mais ça pose la question du fonctionnement de l’audiovisuel », réagit pour sa part le sénateur LR Cédric Perrin, président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat. « Et il ne reste plus que demain pour équilibrer les temps de parole… » pointe le sénateur.
Sur le fond du message présidentiel, Cedric Perrin concède en revanche qu’« il a raison ». « A un moment, il faut qu’on se réveille sur l’extrême droite. Ils n’ont pas de solution. Il faut que les gens votent en conscience de cause et qu’ils aillent voir le programme de l’extrême droite. Je ne suis pas sûr que les gens qui ont quitté LR pour voter RN aient lu leur programme », affirme le sénateur du Territoire de Belfort.
« Face au péril du populisme, il a eu raison de s’exprimer », soutient François Patriat
Pour François Patriat, président du groupe RDPI du Sénat, où siègent les sénateurs Renaissance, la parole du Président était au contraire parfaitement légitime. « Ce soir, le Président est dans son rôle. La situation en Europe est suffisamment grave, pas seulement politiquement, pour qu’on ne laisse pas les petites polémiques politiciennes détourner les Français du sujet essentiel », réagit le sénateur de la Côte d’Or.
« Il n’a pas dit « voter pour nous » », continue François Patriat, qui demande « en quoi c’est choquant ? Vous voudriez qu’il ne dise rien ? Le document de campagne de Jordan Bardella parle d’Emmanuel Macron. Tous, ils parlent d’Emmanuel Macron. Qu’il puisse répondre, comme on est tout seul contre quinze, ça me semble la moindre des choses », lâche le patron des sénateurs macronistes. Reste à voir si l’intervention présidentielle aura un effet sur le scrutin. « J’y crois toujours », assure ce fidèle du chef de l’Etat, « face au péril du populisme, il a eu raison de s’exprimer ».
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