Faut-il voir “Iris”, la comédie (presque) romantique de Doria Tillier ?
En six épisodes, l’actrice devenue créatrice ausculte les avancées et reculs d’une trentenaire inadaptée au bonheur – à moins que les autres ne le soient ? Une bonne idée, mais une série très inégale.
Actrice chez Nicolas Bedos, Alain Guiraudie ou encore Quentin Dupieux, Doria Tillier se lance cette fois pour elle-même avec sa première création, Iris. Une série qu’elle coréalise, coécrit, et dont elle joue le rôle principal, une institutrice trentenaire en passe de publier un livre pour enfants ambitieux, qui se promène dans la vie avec un problème de vérité. Elle dit aux autres ce qu’elle pense, sans pincettes, sans voir le problème, se sentant toujours un peu à côté. Est-ce elle qui reste inadaptée au bonheur, ou les autres qui ne le cherchent pas assez bien ? Un beau sujet.
Doria Tillier place la barre assez haut dans ce récit à la fois personnel et burlesque, où l’on reconnaît les influences conjuguées et peut-être contradictoires de Larry David – le grand escogriffe misanthrope de Curb Your Enthusiasm – et de Phoebe Waller Bridge, la créatrice de la plus belle autofiction contrariée des dix dernières années, Fleabag évidemment. Un acteur/créateur et une actrice créatrice qui placent le corps au centre de leur œuvre, ce que Tillier ne fait que par intermittence.
Trop sage
Dans l’épisode 3 (le plus abouti avec le quatrième), Iris se retrouve dans une soirée mondaine de l’édition qui vire à la cata. À cause d’un chien, elle finit en combi gênante, après avoir enchaîné les bêtises en mode The Party de Blake Edwards, toutes proportion gardée. Car les proportions un peu folles qui font les séries et les films au-dessus du lot manquent justement ici. On aurait aimé que les situations explosent, mais la créatrice permet toujours aux scènes de retomber sur leurs pieds, à l’humour de se poser là sans trop déranger, à la dureté – Iris se blesse plusieurs fois – de ne pas s’installer. Ce qui donne à l’ensemble un côté bizarrement sage, bien élevé, presque dans le rang. Un comble pour un tel pitch.
Les tentatives de trouver un style, pourtant, existent. La présence de Jeanne Balibar apporte de la bizarrerie et de l’élégance, mais pas assez souvent ni assez loin. On pense aussi à certains effets de montage un peu troublants à la fin du deuxième épisode, qui donnent une épaisseur formelle bienvenue mais trop rare à la série.
Comédie romantique
Les sujets à creuser ne manquaient pas. Celui du rapport d’Iris à son corps et à la sexualité, qu’elle a manifestement laissé se congeler, sans que cela ne soit problématisé ni rendu sensible – la première saison de Fleabag était, elle, exemplaire sur ce point. Nous regardons une femme manifestement endiguée, sans en percevoir les abîmes. Il y a aussi l’amour qui tombe mal, incarné par la rencontre de l’héroïne avec un homme de quasiment trente ans de plus qu’elle (François Morel), dont la série fait une quasi comédie romantique un peu convenue.
Il fallait sans doute du cran pour proposer un personnage féminin antipathique et Doria Tillier l’a eu. Cela ne suffit pas à faire d’Iris beaucoup plus qu’une auscultation des petits manquements humains, pas assez enthousiasmante dans son déploiement.
Iris est disponible sur Canal Plus et My Canal