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Rendez-vous (pseudo-)médicaux: pourquoi Doctolib est-il sous le feu des critiques?

Rendezvous pseudomédicaux pourquoi Doctolib estil sous le feu des critiques
La plateforme de prise de rendez-vous auprès de professionnels de santé – notion dûment définie dans le code de Santé publique – aiguille aussi les usagers vers des médiums, des iridologues ou des naturopathes.

Dans la matinée du 19 août, le compte twitter @unereadu93 a interpellé la société Doctolib concernant la possibilité de prendre des rendez-vous non-médicaux sur sa plateforme : «Bonjour @doctolib. Je découvre en tapant par hasard que vous proposez des consultations… de naturopathie. C’est comme si blablacar avait ouvert une rubrique Emile Louis. Vous voulez exterminer les gens ? Vous vous rendez compte que votre sceau les valide ? #fakemed #naturopathie».

A sa suite, d’autres internautes se sont connecté au site de prise de rendez-vous médical, confirmant y trouver de nombreux profils offrant des prestations de soin ou de bien-être, sans être des professionnels de santé, allant des iridologues (qui prétendent diagnostiquer des maladies en scrutant l’iris) aux «thérapeutes quantiques» en passant par des praticiens du décodage biologique (une pseudo-médecine épinglée par la Miviludes, qui impute les maladies au psychisme de l’individu) ou des «médiums guérisseurs».

Problème, Doctolib s’affiche comme une «plateforme de prise de rendez-vous auprès de professionnels de santé». Le code de la santé publique établit une liste exclusive des professions pouvant se revendiquer de cette appellation. Comme le résume clairement la Haute Autorité de santé, on y trouve les médecins, les chirurgiens-dentistes, les orthodontistes, les sages-femmes, les pharmaciens et préparateur en pharmacie (y compris hospitalière), et enfin la catégorie des «auxiliaires médicaux, aides-soignants, auxiliaires de puériculture et ambulanciers» (qui regroupe les infirmiers, les aides-soignants, auxiliaires de puériculture, les ambulanciers, les masseurs-kinésithérapeutes, les pédicure-podologues, les diététiciens, les ergothérapeutes et psychomotriciens, les orthophonistes, orthoptistes, audioprothésiste, opticiens-lunetiers, prothésistes et orthésistes, les manipulateurs d’électroradiologie médicale, et les techniciens de laboratoire médical).

Des profils accessibles uniquement si on les cherche?

En réponse aux premiers messages postés, Doctolib a tout d’abord argué que, «sur ce sujet, la société évolue et, par exemple, certaines associations de patients promeuvent l’accès à des thérapies complémentaires. Nous considérons que ce n’est pas le rôle de Doctolib de trancher ces débats». Puis, face à la montée des critiques, l’entreprise a développé sa ligne de défense. Premier argument avancé : seuls 3% de ses utilisateurs exerceraient une activité dans le domaine du bien-être ou du médico-social. «Leur activité est légale mais ils ne sont bien sûr pas des professionnels de santé», explique Doctolib. «Les rdv avec ces praticiens représentent 0,3% de la totalité des rdv pris sur Doctolib. Nous tenons à signaler qu’il est impossible pour un patient de prendre un rdv sur Doctolib chez un praticien non référencé par le ministère de la Santé sans avoir expressément cherché à le faire. Concrètement, ces praticiens ne sont proposés qu’aux patients qui ont entré dans la barre de recherche de Doctolib le nom de cette pratique ou le nom d’un praticien. Et l’information sur le profil de ces praticiens est claire : il est mentionné plusieurs fois “ce praticien exerce une profession non réglementée” puis “leur diplôme n’est pas reconnu par l’Etat”.»

Joint par CheckNews, un porte-parole de l’association No Fake Med (regroupant des professionnels de santé qui alerte sur le danger des pratiques à qui n’ont pas démontré leur efficacité) dénonce l’affirmation selon laquelle «ces praticiens ne sont proposés qu’aux patients qui ont entré dans la barre de recherche de Doctolib le nom de cette pratique». «C’est faux. Il suffit de taper des mots-clés comme Tabac et l’on tombe sur tout un tas de pratiques abusives avant de tomber sur un praticien éprouvé, sans la moindre mise en garde tendant à expliquer qu’il s’agit d’une pratique non éprouvée, et donc dégradée par rapport à la proposition initiale.»

Doctolib, interrogé par CheckNews, admet «avoir constaté que ce cas de figure pouvait survenir lorsque le mot “tabac” était présent dans le nom d’une organisation» enregistrée sur le site, rassemblant ou non des professionnels de santé. «Cela pose en effet problème et nous allons faire en sorte de le régler.»

«Mélange des genres»

La problématique de fond soulevée en fin de semaine dernière concerne toutefois la présence de non-professionnels de santé sur un site qui… annonce sur sa page d’accueil «Réservez une consultation physique ou vidéo chez un professionnel de santé». Une mention que le collectif NoFakeMed assimile à une «publicité mensongère» et une «faute morale». «Un agenda adressé aux professionnels de santé ne doit pas inclure des acteurs revendiqués des fausses médecines.»

De nombreux autres internautes ont également dénoncé ce «mélange des genres».

En fait, on vous reproche pas d'avoir comme client des charlatans, mais de les associer sur un agenda commun avec des VRAIS professionnels de santé (y'a une liste officielle de ces professions !) sous l'appellation "docto"lib. Vous le savez, mais vous êtes dans la langue de bois.

— DrPepper (@DocPepper_FR) August 20, 2022

En rassemblant dans un même site nommé "Doctolib" des docteurs en médecine et des personnes dont la pratique répond réglementairement à la définition du charlatanisme, vous cautionnez à l'aide des premiers, la pratique des seconds. Le reste, c'est des détails.

— Dre Corinne ???? (The Pink Sthetoscope) (@DreCorinne) August 21, 2022

Notre interlocutrice auprès de l’entreprise note que «sur la page d’accueil de la version mobile de Doctolib, sur laquelle est prise la grande majorité des rendez-vous, l’expression “professionnel de santé” n’apparaît pas.» Et de préciser la position de la société : «Il n’y a pas de problème à ce que des professionnels du bien-être soient présents sur Doctolib. En revanche, ce qui est très important pour nous, c’est qu’il ne puisse pas y avoir de confusion pour le patient. Nous sommes très clairs là-dessus. Sur le site, nous précisons toujours quand un praticien ne relève pas d’une profession réglementée. Mais nous allons aller encore plus loin, pour que l’information soit encore et toujours plus claire pour les utilisateurs.»

17 profils suspendus «de manière conservatoire»

Du côté de MG France, premier syndicat de médecins généralistes de France, «la présence de médecines parallèles, sans preuve d’efficacité, sur Doctolib» est jugée «désolante», «mais cela semble à peu près inévitable». «Doctolib étant une entreprise commerciale, nous n’avons pas d’autres moyens d’action que de rappeler – comme l’ont fait certains collègues sur les réseaux sociaux depuis quelques jours – que ce qu’on appelle les «pata-médecines», ça n’est pas sérieux… Ça ne nous dérangerait pas si c’était absolument sans danger et si ça ne faisait pas prendre du retard sur les traitements de pathologies sévères que l’on peut soigner. Mais dans la mesure où l’on n’a aucune garantie dans ce domaine-là, on ne peut qu’être très réservés vis-à-vis de toutes ces thérapeutiques… Malheureusement, que ça existe sur Doctolib, comme ça existe au coin de chaque rue, ça n’est pas tellement évitable.»

L’entreprise, de son côté, affirme prendre «très au sérieux» les signalements de praticiens «dont les agissements seraient dangereux ou condamnables par la loi». «Nous disposons d’une équipe chargée de vérifier l’identité de nos praticiens utilisateurs, leur droit d’exercice et leur fiche profil», précisait-elle sur Twitter. «En cas d’infraction, nous n’hésiterons pas à saisir les autorités compétentes, à réaliser des signalements et, le cas échéant, à fermer des profils. Nous effectuons déjà cela plusieurs fois par mois.»

« Au début il ne sera pas d’accord... » La naturopathe Irène Grosjean recommande aux parents d’agresser sexuellement leurs bébés pour faire baisser leur fièvre. Rappelons qu’elle forme encore à ses abominables méthodes des dizaines de naturopathes tous les ans. 1/7 ⬇️ pic.twitter.com/Wt6PVAbczG

— L'Extracteur (@l_extracteur) August 22, 2022

Suite à de nouveaux signalements de profils particulièrement problématiques réalisés ce mardi, Doctolib a suspendu «de manière conservatoire» 17 comptes de praticiens faisant référence aux thérapies promues par le youtubeur complotiste Thierry Casasnovas ou la naturopathe Irène Grosjean.

Une réaction qui, là encore, n’a pas convaincu le collectif No Fake Med, qui note que l’entreprise démarche ce type de clients de la même façon qu’elle démarche les professionnels de santé. «Lorsqu’on décide d’introduire des praticiens soumis à aucun cadre ou aucune règle, il faut mettre en place une veille, une modération dans les prétentions diagnostiques, thérapeutiques ou la dangerosité des pratiques. Ce n’est manifestement pas le cas sur Doctolib, car chaque heure voit poindre des profils dangereux, fantaisistes ou strictement hors cadre, pour laquelle la structure propose juste aux utilisateurs de signaler et de réguler. Hors ce n’est pas le rôle ici des utilisateurs d’identifier les pseudo-médecines, les prédateurs ou les escrocs. C’est à la plateforme de s’assurer que leurs conditions générales soient respectées. C’est donc un échec stratégique et organisationnel pour cette entreprise, dont pâtissent les patients.»

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