Cristina Kirchner, la vice-présidente de l'Argentine, victime d'une tentative d'assassinat
L’Argentine était sous le choc, vendredi 2 septembre, au lendemain d’une tentative d’assassinat à Buenos Aires de la vice-présidente, Cristina Kirchner, qui a suscité des condamnations unanimes, dans le pays comme à l’étranger.
Un homme a été arrêté, jeudi soir, après avoir essayé de tirer avec une arme de poing sur Mme Kirchner près de son domicile, devant lequel des centaines de militants se rassemblent chaque soir depuis onze jours pour exprimer leur soutien à l’ex-cheffe de l’Etat, actuellement en procès pour fraude et corruption.
« Cristina est en vie, car, pour une raison qui n’a pas encore été confirmée techniquement, l’arme qui contenait cinq balles n’a pas fait feu bien qu’ayant été déclenchée », a déclaré le président argentin, Alberto Fernandez, dans une allocution, quelques heures après les faits.
Selon les images de plusieurs télévisions, l’homme a pointé un pistolet vers la tête de Mme Kirchner, à quelques centimètres à peine, et appuyé sur la gâchette sans qu’aucun coup de feu ne parte, alors qu’elle signait des livres et se mêlait à des sympathisants, dans le quartier de Recoleta. « J’ai vu ce bras surgir par-dessus mon épaule derrière moi avec une arme », a raconté sur place à l’Agence France-Presse (AFP) un soutien de Mme Kirchner, qui n’a pas souhaité donner son nom.
Des policiers ont alors saisi le suspect, l’ont emmené dans une voiture de police dans une rue attenante, aussitôt entourée par un épais cordon de policiers. Celle-ci est partie peu après sous les cris et les huées de plusieurs dizaines de personnes présentes, a constaté l’AFP.
Jour férié nationalLe chef de l’Etat a dénoncé un fait d’« une énorme gravité, le plus grave survenu depuis que [l’Argentine] a retrouvé la démocratie », en 1983. Il a décrété un jour férié national vendredi, « pour que, dans la paix et la concorde, le peuple argentin puisse s’exprimer en défense de la vie, de la démocratie, et en solidarité avec [la] vice-présidente ».
La coalition gouvernementale (centre-gauche) Frente de Todos a annoncé une manifestation « en défense de la démocratie » vendredi à la mi-journée, dans la capitale. Le carrefour devant l’immeuble où réside Mme Kirchner a été rapidement bouclé par des rubans « scène de crime » et des policiers procédaient à des prélèvements. Selon plusieurs médias argentins, le suspect serait un trentenaire de nationalité brésilienne, une information non confirmée de source officielle.
L’ancienne présidente (2007-2015) est actuellement en procès pour fraude et corruption. Le 22 août, l’accusation a requis contre elle une peine de douze ans de prison et une inéligibilité à vie, dans ce procès qui porte sur des attributions de marchés publics dans son fief de Santa Cruz (en Patagonie), pendant ses deux mandats présidentiels.
Dans un paysage politique argentin fortement polarisé, le réquisitoire a donné lieu à plusieurs manifestations de soutien à Mme Kirchner par le noyau dur de la gauche péroniste, dont elle est l’icône. Des rassemblements ont eu lieu la semaine dernière dans plusieurs villes. Chaque soir, plusieurs centaines de fidèles se sont réunis près de son domicile, chantant et scandant leur soutien.
Condamnation unanimeAu fil des heures, après l’annonce de l’agression, des centaines de personnes ont afflué au carrefour des rues Juncal et Uruguay, scandant « S’ils touchent à Cristina, quel bordel se prépare ! », et brandissant des pancartes « Todos somos Cristina » (« nous sommes tous Cristina »).
La tentative d’assassinat a aussitôt été condamnée par l’ensemble du camp gouvernemental ainsi que par la coalition d’opposition Juntos por el cambio. Le leader de l’opposition de droite et successeur de Mme Kirchner à la présidence, Mauricio Macri (2015-2019), a exprimé sa « condamnation absolue de l’attaque subie par Cristina Kirchner, qui n’a heureusement eu aucune conséquence pour la vice-présidente ».
A l’étranger, plusieurs dirigeants latino-américains, de gauche en premier lieu, ont réagi en soirée. « La tentative d’assassinat contre la vice-présidente Cristina Kirchner mérite le rejet et la condamnation de tout le continent », a tweeté le président chilien, Gabriel Boric.
« Toute ma solidarité à la camarade [Cristina Kirchner], victime d’un criminel fasciste qui ne sait pas respecter les différences et la diversité », a déclaré l’ex-président et candidat à la présidentielle du Brésil, Luiz Inacio Lula da Silva.
Adulée par une partie de la gauche péroniste, honnie par l’opposition, Mme Kirchner, 69 ans, reste, sept ans après son départ de la présidence, une figure influente dans la politique argentine, à un an d’une élection présidentielle pour laquelle elle n’a pas fait connaître ses intentions.
Le verdict dans son procès ne devrait être rendu qu’à la fin de l’année. Même en cas de condamnation, elle bénéficie, en tant que présidente du Sénat, d’une immunité parlementaire et pourrait ne pas aller en prison, voire se présenter aux élections générales d’octobre 2023.
Le Monde avec AFP