Covid: pourquoi l'Allemagne est rattrapée avant la France, par une nouvelle vague
CORONAVIRUS - L’homme malade de l’Europe? Si l’on exclut le Royaume-Uni, l’Allemagne est l’un des pays d’Europe qui fait face à la remontée la plus sévère des cas de Covid. Le pays, qui a longtemps fait figure de modèle comparé à l’hexagone pour son bilan face à la pandémie, fait aujourd’hui pâle figure. En cause un taux de vaccination inférieur à tous les autres pays d’Europe de l’Ouest, comme l’Espagne, l’Italie, le Royaume-Uni ou la France.
Depuis la fin de l’été, les mauvais chiffres se sont accumulés pour Berlin. Un taux d’incidence qui a explosé au mois d’octobre, pour atteindre aujourd’hui les 146 cas de Covid pour 100.000 habitants, contre 61 en France. Même constat sur le front des urgences: avec 2325 personnes en soins intensifs atteintes de Covid le 4 novembre, les records du mois de juin dernier sont dépassés.
Les chiffres ne sont pas bons, et la tendance n’incite guère à l’optimisme, y compris sur le front des décès liés au coronavirus. Il y a eu 75 morts du Covid en Allemagne le 15 octobre, 109 morts le 21 octobre, 165 morts le 3 novembre... en France, Outre-mer compris, hormis une courte remontée au mois de septembre, le bilan quotidien n’a pas dépassé les 60 morts depuis le début de l’été.
L’Allemagne, relativement épargnée par l’épidémie par rapport à ses voisins, est revenue à des niveaux qu’elle connaissait au printemps 2021. La situation est donc plus que sérieuse pour le gouvernement, et le patron du Robert Koch Institut (l’agence sanitaire allemande) la qualifie sans ambiguïté: “La quatrième vague se développe exactement de la manière que nous redoutions.”, a-t-il ainsi déclaré lors d’un point presse le 3 novembre.
Un taux de vaccination en panneCar le défaut dans la cuirasse allemande est connu. Le pays n’a pas assez vacciné. Il se place même, avec l’Autriche et la Suisse, dans le peloton de queue de pays d’Europe de l’Ouest, avec 66,9% de la population totale ayant reçu un “schéma vaccinal complet”, c’est-à-dire les deux injections pour les vaccins Moderna et Pfizer. En France, le taux de vaccination est de 73,9%, et ces quelques points font toute la différence.
“Nous vivons une pandémie massive des non-vaccinés”, a ainsi rugi, mercredi 3 novembre, le ministre allemand de la Santé Jens Spahn, mettant en cause cette partie de la population toujours réfractaire à la vaccination. Car si en France, le mouvement “antivax” existe, il est autrement plus massif outre-Rhin. Et de surcroît, très sûr de ses opinions.
Un sondage, réalisé par les autorités allemandes auprès de 3000 personnes non vaccinées le 18 octobre, ne laisse guère de doutes sur les efforts qu’il faudra fournir pour faire monter le taux de vaccination. 65% des personnes interrogées ont ainsi déclaré qu’elles ne voulaient “en aucun cas” se faire vacciner, et 23% ont déclaré qu’elles ne le souhaitaient “plutôt pas”. Cela laisse un maigre 10% de sondés se disant “plutôt prêt” à se faire vacciner...et 2% le souhaitant ardemment. Pour eux, ne pas être vaccinés est un choix.
Le gouvernement allemand tente de faire pression sur cette population, en particulier les 18-59 ans, qui sont seulement vaccinés à 72%, contre 86,8% pour les plus de 60 ans, d’autant qu’ils sont aujourd’hui le plus touchés par le Covid. Mais la tâche n’est pas aisée, d’abord parce qu’à la différence de la France, l’Allemagne a jusqu’ici adopté des règles différentes en fonction de chacune de ses régions, ou Länder, en vertu de sa constitution fédérale.
Concrètement, si le pass sanitaire est utilisé dans tout le pays, il n’est pas forcément nécessaire d’être vacciné dans certains Länder, mais un test négatif suffit, par exemple pour aller au restaurant ou au musée. Même souveraineté des régions allemandes en ce qui concerne les écoles: le choix ou non d’imposer le masque aux élèves leur revient. Face à la montée de cette nouvelle vague, nombre de gouvernements locaux ont néanmoins décidé de durcir les règles en vigueur.
Ces différences régionales vont de pair avec une politique moins autoritaire que d’autres pays par Berlin, notamment lorsqu’on les compare celle suivie par Paris. Les soignants n’ont ainsi pas été contraints de se faire vacciner pour continuer à travailler, et il n’en est toujours pas question, comme l’a réaffirmé le ministre allemand de la Santé lors de son point presse. Ce dernier a préféré concerter ses efforts sur un autre aspect qui inquiète les autorités: celui de la troisième dose.
Là aussi, le pays est à la traîne sur ses propres prévisions: depuis l’été, lorsque la troisième injection est devenue possible pour tous les adultes de plus de 12 ans, le gouvernement prévoyait que 15 millions de personnes recevraient le rappel d’ici à la fin de l’année: on est aujourd’hui très loin du compte, avec environ 2 millions de personnes.
Le manque d’enthousiasme de la population est en cause, mais aussi une certaine désorganisation logistique. Depuis le mois de septembre, le pays a mis en “pause” les centres de vaccination, pour faire reposer l’effort de vaccination, désormais plus limité en quantité, sur les médecins, les pharmaciens et les infirmiers. Une organisation qui n’a pas fait ses preuves.
Pour remédier à la situation Jens Spahn a proposé, le 1er novembre dans une interview à la presse locale, de “rouvrir” les fameux centres... Pour le plus grand déplaisir des Länder, responsables, là encore, de la mise en place de la vaccination sur le terrain. La mesure exigerait un important travail logistique, déclencherait l’ire des médecins, mais pour beaucoup, le vrai problème n’est pas là.
“Le problème”, a ainsi réagi le Ministre de la Santé du Land de Brandebourg, “ce n’est pas la manière dont est organisée la vaccination, mais le fait que de moins de moins de personnes se fassent vacciner.” Autrement dit, le problème en Allemagne n’est pas de pouvoir se faire vacciner, mais bien de le vouloir.
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