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Hommage à Cormac McCarthy, poète des ténèbres

Hommage à Cormac McCarthy poète des ténèbres
Pour l’auteur américain Cormac McCarthy juste disparu, la lumière de la littérature naissait de la noirceur du monde. Hommage à un auteur tristement réaliste, magnifiquement lyrique.

Pour l’auteur américain Cormac McCarthy juste disparu, la lumière de la littérature naissait de la noirceur du monde. Hommage à un auteur tristement réaliste, magnifiquement lyrique.

L’écrivain Cormac McCarthy, en 1992. Il s’est éteint le 13 juin 2023 à l’âge de 89 ans. L’écrivain Cormac McCarthy, en 1992. Il s’est éteint le 13 juin 2023 à l’âge de 89 ans.

L’écrivain Cormac McCarthy, en 1992. Il s’est éteint le 13 juin 2023 à l’âge de 89 ans. Photo Gilles Peress / Magnum Photos

Par Nathalie Crom

Publié le 14 juin 2023 à 16h47

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De Faulkner dont il était l’héritier magistral, Cormac McCarthy aurait assurément pu reprendre cette réflexion sur l’écrivain et l’œuvre : « Ce qui est important, c’est Hamlet et Le Songe d’une nuit d’été, pas celui qui les a écrits, mais le fait que quelqu’un les a écrits. » Il n’y a pas d’autre explication à chercher à la discrétion extrême dont le romancier américain, mort le mardi 13 juin à l’âge de 89 ans, a fait preuve durant près de six décennies, fuyant les interviews, à de rares exceptions près, déclinant toute invitation à prendre publiquement la parole.

Ses romans parlaient pour lui : Le Gardien du verger (1965), L’Obscurité du dehors (1968), Un enfant de Dieu (1973), l’extraordinaire Suttree (1979), Méridien de sang (1985), la « Trilogie des confins » (1992-1998), No Country for Old Men (2005), La Route (2006), et enfin le diptyque Le Passager - Stella Maris (2022), en guise d’épilogue somptueux. Douze fictions en tout, portées par la voix sidérante d’un écrivain qui semblait le descendant en ligne directe de la Bible et de Shakespeare, de Conrad et de Melville. Un poète tout ensemble archaïque et érudit, baroque et laconique, réaliste et lyrique.

« Le monde doit être composé au moins pour moitié de ténèbres », dit un des personnages du Passager, roman paru l’an dernier, seize ans après La Route, la fable eschatologique qui avait propulsé Cormac McCarthy au rang d’écrivain à la notorité planétaire. Des ténèbres, il est largement question dans chacun des ouvrages de ce romancier qui exhaussait toujours l’art romanesque en réflexion métaphysique. Ancrant ses personnages dans l’Amérique profonde – souvent le Tennessee où il avait grandi, dans les décennies 1930-1940, parfois aussi le Texas, où il vécut avant de finalement s’installer au Nouveau-Mexique – et drapant ses représentations très réalistes, voire prosaïques, d’une aura méditative d’une rare intensité.

C’est un peu comme Kafka : McCarthy est le révélateur d’une angoisse collective, à laquelle il a su donner une forme.

Olivier Cohen, son éditeur en France

Évoquant la « Trilogie des confins » (De si jolis chevaux, 1992 ; Le Grand Passage, 1994 ; Des villes dans la plaine, 1998), l’ensemble romanesque couronné par le National Book Award qui a révélé au lectorat américain le romancier jusqu’alors confidentiel, un critique français a posé cette analyse d’une netteté lapidaire : « Parler de western à propos [de McCarthy] est aussi impropre que de qualifier Moby Dick d’histoire de pêche. »

Derrière l’hyperréalisme minutieux des descriptions, la violence extrême, souvent, des situations (dans Méridien de sang, No Country for Old Men et La Route, notamment), se dessine et se précise, de livre en livre, la parabole flagrante et étrangement magnétique d’un monde contemporain débordant de sauvagerie et même de perversité – un monde où le Mal ne le dispute même plus au Bien, savourant désormais son incontestable triomphe.

Cette noirceur assumée et revendiquée n’a pourtant pas empêché le triomphe mondial de La Route. Ce court roman apocalyptique, mettant en scène une humanité plus proche que jamais de l’extinction, « on peut le lire comme une fable sur la relation père-fils. Ou sur la fin du monde. Il est possible d’en avoir une lecture écologique, mais on peut aussi penser à la Shoah… C’est un peu comme Kafka : McCarthy est le révélateur d’une angoisse collective, à laquelle il a su donner une forme », expliquait dans Télérama son éditeur français, Olivier Cohen, fondateur des éditions de l’Olivier. Dans Le Passager, roman testamentaire désormais avéré, Cormac McCarthy a glissé l’hypothèse puissante et ténébreuse « d’un monde qui puise son essence dans le chagrin de ses créatures ». Un possible résumé de son œuvre tout entière.

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