Victoire de la FNSEA, percée de la Coordination rurale : tout ce qu'il ...
![Victoire de la FNSEA percée de la Coordination rurale tout ce quil](/thumb/phpThumb.php?src=%2Fuploads%2Fnews%2F50%2F5089%2F2%2F5089205-victoire-de-la-fnsea-perce-de-la-coordination-rurale-tout-ce-quil.jpg&w=706&hash=a6e5249930fad1e5c4823a2b0eea29ae)
C’est une percée électorale surprise. La très droitière Coordination rurale a fait une remontée spectaculaire dans les urnes, selon les premiers résultats des élections professionnelles du secteur agricole, révélés jeudi. Cette nouveauté vient-elle des manifestations de l’année 2024, d’une conjoncture difficile pour de nombreux·ses agriculteur·ices, de la montée de l’extrême droite dans tout le pays, ou de la difficulté des corps intermédiaires à conserver leur légitimité ? Vert répond à toutes vos questions sur ce sujet.
Qui est le (vrai) gagnant des élections ?
Tous les chiffres ne sont pas encore disponibles, et tout dépend du point de vue. Mais force est de constater que la carte de France des résultats, département par département, est bien différente de celle publiée après les élections professionnelles agricoles de 2019. Cette année-là, la FNSEA et les Jeunes agriculteurs avaient remporté plus de 95% des 88 chambres départementales que compte le pays.
Selon les données obtenues jeudi, la principale surprise vient de la Coordination rurale, syndicat agricole proche de l’extrême droite, né dans le sud-ouest. Cette organisation qui prône une agriculture intensive a arraché onze chambres à la FNSEA et aux Jeunes agriculteurs (JA) – qui sont également favorables au productivisme. Elle en contrôlait déjà trois avant ces élections.
![](/thumb/phpThumb.php?src=https%3A%2F%2Fvert.eco%2Fwp-content%2Fuploads%2F2025%2F02%2FTracteur_Fendt_et_drapeau_FNSEA_manifs_agriculteurs_janvier_2024-1024x741.jpg&w=728&hash=8566b223f9d91bc56a02381bd477ed97)
Avec sept chambres remportées dans la seule région Nouvelle-Aquitaine, et trois en Centre-Val de Loire, la Coordination rurale pourrait même conquérir deux présidences régionales : un camouflet inédit pour la FNSEA et les JA. Ces deux syndicats, qui n’ont pas remporté 50% des voix au niveau national, conservent quand même au moins soixante chambres – et neuf régions, avec le statut de syndicat majoritaire à la clé.
La Confédération paysanne, syndicat qui plaide pour une agriculture raisonnée, sans pesticides ni mégabassines, a obtenu des résultats en deçà de ses attentes. Il espérait conquérir une dizaine de départements mais, pour l’heure, il n’a gagné que les chambres de l’Ardèche et de la Guyane. Il conserve provisoirement la chambre de Mayotte : les élections y ont été reportées d’un an, vu la situation de l’archipel après le passage du cyclone Chido.
Pourquoi sont-elles si importantes ?
D’abord, parce que ces élections servent à répartir 14 millions d’euros de fonds publics, qui financent les syndicats agricoles. Ensuite, parce qu’elles déterminent qui seront les principaux interlocuteurs des pouvoirs publics. Comme nous l’expliquions récemment (notre article), les chambres ont une mission de «représentation des intérêts agricoles», fixée par le code rural. Elles sont souvent les premières organisations sollicitées par les collectivités locales, les parlementaires, voire le gouvernement, sur tous les sujets liés à l’agriculture. Et leurs missions sont au cœur de la transition écologique : elles aident au quotidien les agriculteur·ices sur les aspects économiques et techniques, et peuvent encourager le développement de filières pour vendre leurs produits. Elles détiennent aussi les clés pour réduire l’utilisation de pesticides ou d’engrais chimiques et pour favoriser le bien-être animal.
Les manifestations ont-elles influencé les résultats ?
Les manifestations de l’année 2024 ont été l’occasion pour les agriculteur·ices de dénoncer l’ensemble de leurs difficultés. Revenus, traités de libre-échange, réglementations environnementales et sanitaires, aides européennes : les sujets qui fâchent sont nombreux – mais ne sont pas partagés par l’ensemble des organisations, ni l’ensemble de la profession. La colère agricole a été particulièrement vive au sud de la Loire, et surtout près de Toulouse (Haute-Garonne), où ont démarré les plus fortes mobilisations.
![](/thumb/phpThumb.php?src=https%3A%2F%2Fvert.eco%2Fwp-content%2Fuploads%2F2025%2F02%2FCarte20reCC81sultats20chambres20dagriculture-819x1024.png&w=728&hash=fdb113bc69eba779ed2eededf735c9b2)
La campagne électorale pour les chambres a été la plus vive dans le sud-ouest. La plupart des départements remportés par la Coordination rurale se situent dans ces régions qui ne cultivent pas des céréales (particulièrement lucratives), et qui sont plutôt vouées à l’élevage, au maraîchage ou à l’arboriculture. La FNSEA est moins active pour défendre ces productions, elle trouve plus d’écho chez les exploitants des plaines céréalières de la Beauce et du nord du pays.
Que font les chambres d’agriculture pour la transition écologique ?
Après les reproches de la Cour des comptes, qui estimait en 2021 que les chambres n’évaluaient pas assez leurs objectifs en matière de transition écologique, celles-ci ont publié un document dans le but de montrer patte blanche, en 2023. Selon cette synthèse, les chambres auraient accompagné près de 60 000 agriculteur·ices bio convertis ou en cours de conversion, en 2022. Elles auraient animé 14 groupes locaux sur le climat et le bien-être animal, et formé 20 000 professionnel·les aux thématiques environnementales au sens large.
De fait, sur le terrain, les conseillers sont plutôt salués pour leurs compétences sur l’agriculture biologique et la réduction des pesticides. Les présidents de chambres, souvent issus des rangs de la FNSEA, poussent toutefois pour des réductions de contraintes sur les agriculteur·ices, au détriment de l’environnement.
Gestion de l’eau, bio : quelles sont les différences entre les syndicats ?
La fédération des agriculteurs biologiques a analysé les programmes des différents syndicats agricoles qui se sont présentés aux élections aux chambres. La Confédération paysanne est la plus engagée sur ces sujets, devant la FNSEA.
Ce dernier reste mieux disant que la Coordination rurale. Cette organisation s’oppose à l’objectif de 25% de bio à horizon 2030 en Europe, et a été particulièrement virulente contre l’OFB, jusqu’à menacer physiquement les agent·es de cette «police de l’environnement».
La gestion et le partage de l’eau sont aussi des thèmes qui divisent les syndicats : les représentant·es de la Confédération paysanne ont été condamné·es par la justice pour leurs actions contre les mégabassines à Sainte-Soline. La FNSEA et la Coordination rurale veulent, elles, créer plus de retenues d’eau. Ces dernières défendent plus ou moins les mêmes orientations. Leurs rares divergences concernent l’Europe et le commerce international : la Coordination rurale est plus proche du protectionnisme économique autrefois cher à l’extrême droite.
Et maintenant, il se passe quoi ?
Les derniers résultats devraient être dépouillés par les préfectures d’ici au 8 février. En mars prochain, les membres élu·es des 88 chambres départementales voteront pour les collèges des chambres régionales, qui éliront à leur tour les président·es de région. À la fin du mois de mars, les président·es de chambres départementales et régionales, qui forment l’entité Chambres d’agriculture France, en désigneront le ou la président·e. Le patron actuel, Sébastien Windsor, céréalier en Normandie, est candidat à sa réélection.
Remporter des chambres permettra à la Confédération paysanne, et surtout à la Coordination rurale, de bénéficier d’une plus grande part des 14 millions d’euros que les syndicats se partageront en fonction de leurs scores.
Cet argent leur permettra de mener plus d’actions et de mieux défendre leurs propositions. Mais la mainmise de la FNSEA sur la représentation du monde agricole ne devrait pas être remise en cause : les onze chambres régionales, qui ont plus de pouvoir, resteront pour la plupart sous son giron.