Christophe Ruggia reconnu coupable d'agressions sexuelles sur ...
Les accusations de l'actrice avaient bouleversé le monde du cinéma et ouvert la voie au #MeToo français. Le parquet avait requis en décembre cinq ans de prison, dont deux ferme, aménagés sous bracelet électronique.
France Télévisions
Publié le 03/02/2025 13:45 Mis à jour le 03/02/2025 13:57
Temps de lecture : 4minChristophe Ruggia est fixé sur son sort. Deux mois après son procès devant le tribunal correctionnel de Paris, le réalisateur de 60 ans a été reconnu coupable, lundi 3 février, et condamné à quatre ans de prison dont deux ferme, qui seront effectués à domicile sous bracelet électronique, pour avoir agressé sexuellement l'actrice Adèle Haenel quand elle était mineure. En décembre, le parquet avait requis cinq ans de prison, dont deux ferme, aménagés sous bracelet électronique. Le cinéaste va faire appel de sa condamnation, a annoncé son avocate Fanny Collin, à l'issue de l'audience.
Cette affaire avait bouleversé le monde du cinéma et ouvert la voie au #MeToo français. Ces agressions sexuelles dénoncées par Adèle Haenel, d'abord publiquement dans Mediapart en 2019 puis auprès de la justice, ont débuté chez le réalisateur, après le tournage du film Les Diables, en 2001, sous couvert de préparation de sa promotion. Elles ont duré deux ans, quasiment tous les samedis après-midi pendant les années de quatrième et troisième de l'adolescente.
A la barre, les 9 et 10 décembre, l'actrice, qui s'est mise aujourd'hui en retrait du cinéma, avait décrit le processus toujours identique des agressions. Elle, assise sur le canapé, lui qui vient "se coller" l'air de rien au fil de la conversation parce que "ma puce (t'es) vraiment trop drôle". Puis les mains qui passent sous le t-shirt, dans son pantalon. Après le "goûter", toujours le même – des "Fingers blancs et de l'Orangina" –, il la ramenait chez ses parents.
Droite comme un i à l'audience, le visage régulièrement pris de spasmes nerveux, Adèle Haenel avait cherché les mots pour décrire l'impossibilité de sortir de cet engrenage, face à un homme qui disait l'avoir "créée", qui n'avait "pas eu de chance de tomber amoureux d'elle", cette "adulte dans un corps d'enfant". De son côté, Christophe Ruggia, tout en soutenant qu'elle avait une "sensualité débordante" à 12 ans, avait affirmé n'avoir "jamais" été "attiré" par Adèle Haenel. Les accusations portées contre lui ? Une "vengeance" car il aurait refusé de la faire jouer à nouveau. Et puis, "il fallait lancer un #MeToo français, et c'est tombé sur moi".
Adèle Haenel, qui avait péniblement contenu sa rage face aux dénégations répétées de Christophe Ruggia, se contentant de le fixer d'un regard noir, avait fini par exploser la seconde après-midi du procès. Bondissant de son siège et dans un cri venu de loin, elle avait hurlé "mais ferme ta gueule !", frappant des mains sur la table devant elle, figeant pendant quelques secondes une salle d'audience habituellement plus policée.
Le réalisateur était en train d'expliquer qu'il avait tenté de la protéger des retombées du film dans la vraie vie, lui suggérant notamment qu'elle prenne "un nom d'emprunt". Lors de sa plaidoirie, l'avocate de l'actrice, Anouck Michelin, avait reproché à "Monsieur Ruggia d'être allé jusqu'à salir le nom" de sa cliente. Mais c'est de "la colère" d'Adèle Haenel enfant dont la pénaliste avait choisi de parler. "Mes derniers mots seront pour toi ma petite Adèle. Tu as 12 ans et tu n'as rien fait de mal (...) Rassure-toi, le cinéma et le jeu ne s'arrêtent pas pour les diamants comme toi. Quand tu seras grande, tu seras une grande actrice", avait-elle lancé, sous le regard ému de sa cliente.
Opposant "les détails" du dossier aux "fausses convictions" d'Adèle Haenel, la défense avait pour sa part rejeté la thèse de "l'amour amoureux" du réalisateur envers la jeune actrice et dénoncé un "effet de contamination" entre les témoins, du fait de la médiatisation de l'affaire. "Ma crainte, c'est que l'institution judiciaire soit tenue de rendre justice le pistolet sur la tempe", avait souligné l'avocate Fanny Colin. A la fin de ces deux journées intenses d'audience, Adèle Haenel avait quitté le tribunal sous les applaudissements.