Charlie Hebdo, 10 ans après : qui étaient les 12 victimes ?
l'essentiel Le 7 janvier 2015, douze personnes ont perdu la vie dans l’attentat contre Charlie Hebdo, dont cinq dessinateurs emblématiques de l’hebdomadaire satirique. Portraits des victimes de la barbarie
Cabu
Jean Cabut, dit "Cabu", était l’âme de Charlie Hebdo. À 76 ans, ce dessinateur à l’éternelle coupe au bol et aux lunettes rondes incarnait l’esprit antimilitariste forgé durant la guerre d’Algérie. Créateur du "Beauf", ce personnage entré dans le dictionnaire qui caricaturait les travers de la société française, il pourfendait la bêtise avec un talent rare. Anar rêveur, écologiste convaincu et grand amateur de jazz, il était aussi l’auteur de plusieurs caricatures de Mahomet qui, en 2006, avaient valu à l’équipe de Charlie des menaces de mort. Il n’avouait qu’un seul regret : celui de n’avoir pas toujours été assez féroce.
Wolinski
Georges Wolinski, 80 ans, était le patriarche de la bande. Né à Tunis d’un père polonais et d’une mère italienne, ce dessinateur mythique avait découvert les "comics" grâce aux Américains débarqués en Afrique du Nord. Pilier de la bande de Hara-Kiri dans les années 60 puis de Charlie Hebdo, il était le père du célèbre "Roi des cons". Chaque semaine, ses dessins mettaient en scène deux personnages emblématiques : un maigre timide et un gros dominateur aux propos de comptoir péremptoires. Il laisse derrière lui 80 albums et un héritage considérable.
Charb
Stéphane Charbonnier, "Charb", 47 ans, directeur de la publication depuis 2009, était la cible privilégiée des terroristes. Menacé de mort, inscrit sur la liste noire d’Al-Qaïda en 2013, il n’avait jamais cédé à l’intimidation. Dessinateur engagé dès son plus jeune âge, son trait épais et ses "trognes allumées" s’attaquaient à tous les sujets : les guerres, la politique, la télé-réalité, la maladie ou les religions. Aucun sujet n’échappait à son crayon, même les plus sensibles.
Le 17 novembre 2010, Charb, Tignous, Luz avaient illustré La Dépêche du Midi. À l’invitation de la rédaction, les dessinateurs de Charlie Hebdo avaient accepté d’illustrer avec humour l’actualité du jour.
Tignous
Bernard Verlhac, alias "Tignous", 57 ans, était le pourfendeur du capitalisme et des inégalités. Ce Parisien, dont le pseudonyme signifie "petite teigne" en occitan, publiait ses dessins depuis 30 ans. Caricaturiste caustique et engagé, il collaborait avec Charlie Hebdo, Marianne et participait aux émissions de Laurent Ruquier et Marc-Olivier Fogiel. En 2010, il avait publié "Pandas dans la brume", donnant la parole à ces bêtes pacifistes menacées d’extinction.
Honoré
Philippe Honoré, 73 ans, incarnait la discrétion et le talent. Autodidacte ayant publié son premier dessin à 16 ans dans Sud Ouest, il collaborait avec Charlie Hebdo depuis sa renaissance en 1992. Son style suranné, en noir et blanc, ornait également les pages du Monde, de Libération et des Inrockuptibles. Il avait notamment illustré l’édition anniversaire 2010 du Petit Larousse.
Bernard Maris
Bernard Maris, "Oncle Bernard", était la voix de la raison économique à Charlie Hebdo. À 68 ans, cet économiste iconoclaste de gauche, chroniqueur sur France Inter, fustigeait les dérives du libéralisme. Originaire du Sud-Ouest dont il avait gardé l’accent, il défendait les thèses de la décroissance et dénonçait les ravages de la société de consommation. Ses "Anti-manuels d’économie" du début des années 2000 avaient connu un grand succès.
Elsa Cayat
Elsa Cayat, 54 ans, seule femme parmi les victimes, apportait sa vision de psychanalyste au journal. Sa chronique bimensuelle "Charlie Divan" décryptait les faits de société avec finesse. Auteure de plusieurs ouvrages sur le couple et la sexualité, elle était appréciée pour son engagement total et sa capacité à analyser l’intensité des relations humaines.
Mustapha Ourrad
Mustapha Ourrad, correcteur du journal depuis une dizaine d’années, était l’exemple même du parcours méritocratique. Né en Algérie, orphelin, il était arrivé en France à 20 ans. Autodidacte érudit, il était apprécié pour ses compétences professionnelles, son érudition et son sens aigu de l’autodérision qui en faisait un membre précieux de l’équipe.
Michel Renaud
Michel Renaud, 69 ans, n’était qu’un visiteur ce jour-là. Fondateur du festival Rendez-vous du carnet de Voyage à Clermont-Ferrand, cet ancien journaliste et directeur de cabinet du maire de la ville était venu rendre des dessins à Cabu, qui avait été l’invité d’honneur de son dernier festival. Le hasard l’a placé au mauvais endroit au mauvais moment.
Frédéric Boisseau
Frédéric Boisseau, 42 ans, agent de maintenance chez Sodexo depuis 15 ans, était la première victime. Père de deux enfants, il effectuait simplement des travaux d’entretien dans le hall d’entrée quand les terroristes ont fait irruption. Son seul tort fut d’être sur leur chemin ce matin-là.
Franck Brinsolaro
Franck Brinsolaro, 49 ans, brigadier du Service de la protection (ancien SPHP), assurait la sécurité de Charb. Marié à Ingrid, rédactrice en chef de l’Eveil normand, et père de deux enfants dont un bébé de 13 mois, il avait servi deux ans en Afghanistan avant cette mission qui lui coûta la vie.
Ahmed Merabet
Ahmed Merabet, 42 ans, policier du XIe arrondissement où il servait depuis une dizaine d’années, était en patrouille à VTT quand il a tenté d’intercepter les terroristes. Son exécution à bout portant alors qu’il était déjà blessé, filmée et diffusée sur internet, est devenue le symbole de la barbarie de cette attaque terroriste.