Mort de Cédric Chouviat : une nouvelle expertise confirme la responsabilité des policiers
Une expertise médicale de synthèse versée à l’enquête sur la mort du livreur Cédric Chouviat à la suite d’un contrôle policier, le 3 janvier 2020, à Paris, a confirmé la responsabilité des trois fonctionnaires, selon les conclusions, dont l’Agence France-Presse (AFP) a eu connaissance, lundi 24 janvier.
Dans ce document daté du 8 janvier, les cinq experts mandatés par le juge d’instruction retiennent comme cause du décès une « association simultanée de plusieurs facteurs » découlant des gestes d’interpellation ayant « abouti à une privation très rapide d’oxygène au cerveau ».
Ce père de famille de 42 ans avait été plaqué au sol, avec son casque de moto sur la tête, lors d’un contrôle à deux pas de la tour Eiffel, provoquant son malaise. Hospitalisé dans un état critique, il a été déclaré mort le 5 janvier 2020.
Pas de rôle joué par l’« état cardiovasculaire antérieur » de Cédric ChouviatNi les gestes d’interpellation alors qu’il était encore debout ni sa chute n’ont « occasionné de malaise », selon les experts.
« La problématique naît à partir du moment où la victime, obèse avec un cou court et un casque sur la tête attaché sous le menton, se retrouve en position ventrale avec un maintien et un appui en région dorsale, un avant-bras passé en avant du cou qui soulève le corps pour dégager les bras et les ramener dans le dos, dans une atmosphère générale de stress avec opposition et lutte », résument-ils d’une phrase.
Pour eux, c’est bien au sol que la mort de Cédric Chouviat s’est jouée : le mouvement d’avant en arrière de l’« avant-bras passé sous le menton » aurait engendré un « écrasement mécanique de la trachée » et de la « carotide ». Un policier pourrait aussi avoir tiré sur la jugulaire du casque en tentant de maîtriser M. Chouviat, ce qui « pourrait être à l’origine des fractures » constatées au niveau du cou.
Comme la première expertise du cœur rendue en août 2020, l’expertise de synthèse écarte le rôle joué par l’« état cardiovasculaire antérieur » de M. Chouviat dans son décès, évoqué dans le premier rapport d’autopsie. Ce facteur est « théoriquement possible mais peu probable », écrivent les experts.
Mise en examen pour « homicide involontaire »Trois des quatre policiers ayant participé à ce contrôle quai Branly ont été mis en examen en juillet 2020 pour « homicide involontaire », tandis qu’une quatrième est placée sous le statut de témoin assistée.
Depuis le drame, la famille dénonce une « bavure policière » causée par des méthodes d’interpellation « dangereuses », un « étranglement arrière » – une technique désormais officiellement bannie –, et réclame une requalification des faits en « violences volontaires ayant entraîné la mort ». Il s’agirait alors d’un crime passible des assises. Les proches de la victime accusent aussi les policiers de ne pas avoir réagi assez vite aux signes manifestes d’asphyxie de M. Chouviat, qui a dit neuf fois « j’étouffe » avant de faire un malaise.
Dans ce moment de « tension extrême », « on peut concevoir qu’après avoir immobilisé la victime les gardiens de la paix n’aient pas réagi immédiatement à la constatation de l’arrêt des mouvements et à l’absence de réactivité » de M. Chouviat, estiment par ailleurs les experts.
Pour savoir si les policiers étaient en mesure d’entendre les cris d’agonie du livreur, ce qu’ils contestent, une reconstitution des événements, qui devrait insister sur l’aspect auditif, devrait être organisée prochainement, selon des sources concordantes. Pourrait alors se jouer une requalification des faits.
Sollicité, Laurent-Franck Lienard, avocat de deux des policiers, n’a pas souhaité commenter. Thibault de Montbrial, avocat des deux autres, n’a pas répondu à l’AFP.
Le Monde avec AFP