Cécile de France, “Passagère” sublime d'un premier long à la mise en scène maîtrisée - Les Inrocks
Héloïse Pelloquet filme au plus près le charme de son interprète, dans une passion simple battue par les embruns.
Chiara (Cécile de France), la quarantaine, est marine pêcheuse avec son mari, Antoine (Grégoire Monsaingeon), originaire de l’île de la côte atlantique où le couple vit depuis vingt ans. Tout le monde aime Chiara, qui a su s’intégrer facilement à la petite communauté insulaire un peu à l’écart du monde. Un jour, Chiara et Antoine prennent un nouvel apprenti, Maxence (Félix Lefebvre, découvert dans Été 85 de François Ozon), ado bourgeois qui ne sait pas trop quoi faire de sa vie. Des sentiments naissent peu à peu entre Maxence et Chiara. Antoine, pris par ses activités syndicales, est souvent absent.
Ce n’est pas comme si La Passagère était le premier ou le dernier film à décrire l’envol d’une femme, à admirer sa liberté – et c’est tant mieux. Ce n’est pas “l’histoire” ou le sujet du film d’Héloïse Pelloquet (monteuse de formation – La Passagère est son premier long métrage) qui importent ici, qui enthousiasment. C’est, eh oui, encore une fois, sa mise en scène, et surtout la manière dont est filmée son actrice principale. Car on a rarement vu une comédienne, pourtant célèbre, filmée avec autant d’attention, de tendresse, de volonté de la montrer dans toute la splendeur de son âge.
Pourtant, Cécile de France, on la connaît, bien évidemment : elle est à la fois belle et maladroite, comme si son corps la gênait un peu. On sent chez elle une retenue, de la timidité même. Ce sont toutes ces caractéristiques qui sont utilisées ici et fouillées par Pelloquet, avec l’aide de son chef opérateur Augustin Barbaroux – qui la met souvent en pleine lumière, sans jamais tenter de cacher ses petites rides naissantes –, pour faire naître un personnage de femme magnifique au charme fou.
Le sens du détailL’attention portée à l’actrice, à la moindre de ses mimiques, au moindre de ses gestes, est telle que le film atteint ce point de fusion où un personnage et son incarnation (comme Ingrid Bergman dans les films de Rossellini) semblent si liés que l’on ne sait plus si l’on voit une fiction ou un documentaire sur son interprète.
En naît une Chiara qui nous reste mystérieuse parce que oui, comme le comprend très bien son mari (très beau personnage, loin de tous les clichés habituels des histoires d’adultère), elle est insaisissable, une passagère qui ne prétend jamais comprendre tout ce qui lui arrive, mais qui improvise sa vie au fil de ses envies, sans jamais vouloir se fixer nulle part. Une histoire simple, un travail sérieux, une grande actrice, un rôle superbe, un beau film.
La Passagère d’Héloïse Pelloquet, avec Cécile de France, Grégoire Monsaingeon, Félix Lefebvre (Fr., 2022, 1 h 35). En salle le 14 décembre.