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Fin de partie pour Camaïeu : analyse d'une descente aux enfers

Fin de partie pour Camaïeu  analyse dune descente aux enfers
Le tribunal de commerce de Lille a prononcé, hier, 28 septembre 2022, la liquidation judiciaire de l’enseigne Camaïeu. Analyse d’une...-Distributeurs

Est-ce une surprise ? Non. Un désastre social ? Oui : 2600 employés sur le carreau. Est-ce que cela aurait pu être évité ? Excellente question, merci de l’avoir posée… Camaïeu est donc placée en liquidation judiciaire, signant, de fait, la fin d’une aventure datant de 1984. Dès samedi soir, 1er octobre 2022, les 508 magasins du réseau vont baisser le rideau définitivement et, d’ici octobre, la totalité des employés seront licenciés.

1984-2022 : il en va des marques comme il en va des hommes, et Camaïeu rejoint le cimetière des enseignes. 1984… A l’époque, il n’y avait ni H&M, ni Zara, ni Uniqlo, ni Primark, et encore moins internet. L’histoire est connue. Elle est celle de ces grandes marques-enseignes françaises de la mode qui, de chantres de la réussite à la fin du XXe siècle, sont passées, depuis, au rang de paria. Vivarte n’existe plus, Tati non plus, dans un autre genre, pas si éloigné, quand André ou La Halle ont subi maintes cures d’amaigrissement et changé de main, pour vivoter d’abord, rebondir ensuite, espèrent-elle toujours.

Il n’est pas dit, d’ailleurs, que Camaïeu ne les rejoigne dans cette tentative de survie. Sous une autre forme que l’actuelle, évidemment. La suite de la procédure judiciaire entend en effet que les actifs de la marque soient maintenant mis en vente séparément, le nom, les magasins, les stocks, le site logistique, etc. Un investisseur assez audacieux – et il en faudra de l’audace – relèvera-t-il le défi ? La marque est belle, après tout. Connue, disons…

Des erreurs stratégiques

Camaïeu, du temps de sa splendeur, flirtait avec les mille magasins dans le monde. En France, l’enseigne dépassait les 650 unités, formant ainsi le plus gros bataillon de l’Hexagone pour une chaine non-alimentaire. Il y avait du Camaïeu partout, mais combien de sites vraiment rentables ? Pour contrer l’arrivée des marques de la fast-fashion comme H&M et Zara, à la fin des années 1990, Camaïeu s’est lancée dans une course au gigantisme. Ils allaient voir ce qu’ils allaient voir les Suédois et les Espagnols ! Ils ont vu… Camaïeu, à défaut de pouvoir suivre la course au renouvellement effréné des collections, a cru trouver la martingale en ouvrant partout. Un local libre ? Je m’installe…

Le principe ? En étant visible, je maximise mes chances d’être acheté. Sur le papier, imparable. En réalité, à l’heure du web encore balbutiant mais bientôt triomphant, une erreur majeure. Pour être visible, c’était sur internet qu’il fallait investir. On l’avoue humblement : c’est, à autant d’années de distance, et avec sous les yeux le résultat, une sentence bien aisée à formuler aujourd’hui.

Camaïeu a donc investi des millions pour faire grandir son parc. Dans un contexte de croissance, très bien, cela joue son rôle. En 2008, l’enseigne peut encore présenter un chiffre d’affaires en progression, sur l’année, de près de 10%, pour dépasser les 700 millions d’euros. Las, en comparable, c’est déjà nettement moins glorieux : +0,6% seulement. C’est que, rien que pour l’année 2008, elle aura ouvert 116 magasins. Une folie. Elle pouvait encore se le permettre, notez : le résultat net s’élevait alors à 99 millions d’euros. Il passait cela dit pour la première fois sous la barre des 100 millions d’euros. Pour la première fois… Loin d’être la dernière.

Le tournant de 2008

Car si l’on évoque les chiffres pour 2008, c’est qu’il y a eu un avant et un après cette date. Depuis, c’est la crise. Le marché de la mode, en France, s’est doucement, mais sûrement, enfoncé dans le marasme. Années après années, les ventes s’affichent en recul avec, malgré tout, toujours plus d’acteurs – Primark est arrivée en 2012, par exemple. En douze ans, entre 2008 et 2019, le chiffre d’affaires du secteur de la mode, en France, abandonne ainsi entre 15% et 20% de sa valeur.

Qui peut tenir longtemps dans ces conditions ? La suite fut implacable : un chiffre d’affaires qui s’érode, entraînant avec lui le résultat, et un parc, pléthorique, qui devient un problème. Pour ne pas dire un gouffre. A la clé, une dette qui « explose ». Une première fois restructurée en 2016, alors qu’elle représentait 1 milliard d’euros, la dette de Camaïeu, ramenée à 460 millions d’euros en 2018, restait encore trop importante pour un groupe qui, avant Covid, comptait plus de 650 magasins en France, pour un tout petit peu plus de 700 millions d’euros de chiffre d’affaires.

Le Covid pour achever le malade

Le Covid est ensuite passé par là, balayant les derniers espoirs. Magasins fermés. Ventes à zéro. De procédure de sauvegarde en redressement judiciaire, Camaïeu entrait alors en soins palliatifs avant qu’à la mi-2020 le groupe FIB (Financière immobilière bordelaise), porté par Michel Ohayon, n’accepte de relever le défi, en reprenant un peu plus de 500 points de vente. Mais à voir dans quel état… « Nous avons trouvé une entreprise détruite », glissait récemment à LSA Wilhelm Hubner, le président de Hermione People & Brands, (HPB), la structure qui, désormais, chapeaute les activités « retail » du groupe bordelais. Le chiffre d’affaires de Camaïeu serait tombé ainsi aux alentours de 300 millions d’euros en 2021, selon Le Monde. Soit, en moins de trois ans, la moitié des ventes envolées. Intenable, évidemment.

HPB, qui a en plus dû faire face à un piratage informatique, en 2021, lui coûtant 40 millions d’euros de pertes d’exploitation supplémentaires, a d’abord envisagé, pour sauver ce qui pouvait encore l’être, de fermer plus de 40% du parc, soit plus de 200 magasins. Le groupe a, ensuite, en désespoir de cause, réclamé un soutien financier de la part de l’Etat, à hauteur de 48 millions d’euros, sur un total nécessaire estimé à 80 millions d’euros. Les services de Bercy ont, évidemment, botté en touche : ce n’est pas à l’Etat de venir au secours des actionnaires d’une entreprise privée. « Le plan de reprise était très peu instruit avec un plan d’affaires qui tient sur une page. Je ne suis pas capable (dans ces conditions) d’engager les deniers publics », a d’ailleurs réagi Roland Lescure, le ministre délégué à l’Industrie, ajoutant d’ailleurs que « l’Etat (avait) été très présent aux côtés de l'entreprise, (accordant) 20 millions d’euros de subventions directes ; une avance de 20 millions d’euros consistant à retarder une dette fiscale et sociale accumulée par Camaïeu. »

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