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Combien de BRICS faut-il ajouter ?

Combien de BRICS fautil ajouter
Les candidatures se multiplient pour entrer dans le groupe des BRICS qui tient son sommet à Johannesburg, mais cet afflux divise les cinq membres fondateurs, et oppose en premier lieu la Chine et l’Inde.

Ça se bouscule au portillon ! Une vingtaine de pays ont fait acte de candidature pour rejoindre le groupe des BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud) qui se réunit du 22 au 24 août à Johannesburg. Et une vingtaine d’autres seraient aussi intéressés. Mais cette ruée, qui sera l’un des principaux enjeux de leur réunion en Afrique du Sud, divise les cinq membres actuels. Longtemps, les BRICS ont été un club clos.

Un an après son sommet inaugural en 2009, le groupe qui ne comprenait alors que quatre membres, et se nommait BRIC, avait bien admis dans ses rangs l’Afrique du Sud (et ajouté un S à son sigle) pour accroître la représentativité internationale du club. Mais ensuite la porte s’était refermée.

Les cinq BRICS s’étaient concentrés sur leurs priorités communes. Des priorités économiques et financières pour l’essentiel. Car même si la rhétorique du groupe promeut de manière globale le rééquilibrage des pouvoirs sur la scène internationale et l’avènement d’un monde multipolaire, c’est la modification de la gouvernance économique et financière mondiale que ses membres mettent en tête de liste de leur agenda, se tenant à l’écart des questions stratégiques et de sécurité qui risqueraient de les diviser.

C’est d’ailleurs sur un sujet commercial que certains d’entre eux, Inde, Brésil et Afrique du Sud, avaient pour la première fois ferraillé ensemble en 2003 à Cancún, en s’opposant aux propositions américano-européennes concernant les modalités de libéralisation du commerce international. Ils étaient alors parvenus à bloquer le cycle de Doha de l’OMC (Organisation mondiale du commerce).

La New Development Bank

Mais depuis 2009, les BRICS ne se sont pas contentés de plaider leurs causes, et singulièrement la réforme des droits de vote au sein du Fonds monétaire international, véritable serpent de mer de la gouvernance mondiale. Ils ont aussi commencé à bâtir leurs propres mécanismes. Leur principale réalisation à ce jour est la création en 2014 de la New Development Bank (NDB) dont le siège est à Shanghai et qui est présidée par Dilma Rousseff, ancienne cheffe d’Etat du Brésil (2011-2016).

Cette banque, dont le capital autorisé est de 100 milliards de dollars, initialement souscrit à égalité par les cinq fondateurs des BRICS, et où chacun d’entre eux dispose du même pourcentage de votes, veut être une alternative à la Banque mondiale et autres institutions financières dominées par des actionnaires occidentaux. Une alternative « neutre » : aucune conditionnalité politique, portant sur la bonne gouvernance par exemple, n’est attachée aux prêts de la NDB.

Une alternative relative cependant : certaines études réalisées en Afrique du Sud par Oxfam laissent penser que ses critères d’attribution de financements ne sont pas vraiment plus transparents que ceux de l’institution de Washington, notamment pour les populations bénéficiaires. Jusqu’à présent, le montant total des prêts (32,8 milliards de dollars) de la banque des BRICS reste limité comparé à ceux de la Banque mondiale ou même aux banques régionales de développement (Banque Asiatique, Banque Interaméricaine, Banque Africaine…).

Face à un bilan somme tout modeste des BRICS, qu’est-ce qui pousse autant de pays et si divers (Argentine, Arabie saoudite, Bangladesh, Egypte, Ethiopie, Iran…) à vouloir aujourd’hui les rejoindre ? La condition préjudicielle était bien sûr que ces derniers leur ouvrent la porte, ce que le président chinois Xi Jinping a annoncé lors du sommet virtuel de Pékin l’an dernier, alors que sur fond de guerre en Ukraine, l’Otan et l’Union européenne envisageaient leur propre élargissement.

Une forme d’indépendance face aux Occidentaux

Du côté des pays candidats, rejoindre les BRICS, club très peu formel jusqu’à présent, est un message politique. Cela permet d’afficher à peu de frais une forme d’indépendance vis-à-vis des puissances occidentales qui ont souvent mal compris le refus de nombreux pays du Sud de condamner clairement et activement l’invasion de la Russie par l’Ukraine.

Un refus d’alignement qui prend des nuances différentes selon la situation des pays candidats. Pour certains comme l’Iran, soumis à des sanctions américaines, l’objectif d’une intégration aux BRICS est de sortir de son isolement et de trouver des alliés sur la scène internationale.

Pour d’autres, comme l’Arabie saoudite, il s’agit d’afficher face au monde, et singulièrement face aux Etats-Unis, son émancipation sur la scène internationale alors que le royaume était considéré jusqu’ici comme un vassal de Washington. Une intégration aux BRICS permettrait aussi à Riyad de conforter son rapprochement avec ses clients et fournisseurs asiatiques, Chine en tête.

D’autres encore, à l’instar de l’Indonésie, cherchent des opportunités d’affaires et des investisseurs étrangers. Quant à l’Argentine, en intégrant les BRICS, elle peut espérer trouver de nouvelles sources de capital, tout en s’affirmant face au Brésil, son voisin-rival sur la scène latino-américaine.

Logique régionale

De manière générale, beaucoup de postulants sont des poids moyens sur la scène internationale, mais qui entendent s’affirmer comme des leaders à l’échelle de leur région (Ethiopie, Turquie…). Les spéculations vont déjà bon train sur les pays candidats les plus susceptibles de passer la porte les premiers.

Si l’on s’en tient au précédent sud-africain en 2009, une logique régionale pourrait prévaloir. Or deux zones du monde au moins n’ont pas encore de « champion » au sein des BRICS : le Moyen-Orient et l’Asie du Sud-Est. Du fait de son poids économique, singulièrement dans le domaine énergétique, l’Arabie saoudite est un candidat pour la première de ces régions. Mais l’Iran, puissance pétrolière et surtout gazière, pousse aussi fort sur la porte. Et l’Egypte ou la Turquie font valoir leurs arguments. Du côté de l’Asie du Sud-Est, le candidat le plus naturel serait sans doute l’Indonésie, en raison de son poids démographique et économique.

Du côté des cinq pays fondateurs eux-mêmes, cette ruée vers les BRICS provoque un enthousiasme contrasté. La Chine est la plus favorable à de nouvelles adhésions, tant elle est pressée de montrer sa capacité de rassemblement alors que les Etats-Unis s’efforcent de contenir le géant asiatique en multipliant les alliances dans la région Indo-Pacifique. La Russie, elle aussi, est partisane d’un élargissement des BRICS, car l’intensification de ses échanges avec des pays du Sud, et dans d’autres devises que le dollar, pourrait lui permettre de limiter le poids des sanctions que lui ont infligées les pays occidentaux depuis l’invasion de l’Ukraine.

Cet argument est à même de séduire d’autres pays qui, s’ils ne sont pas aujourd’hui soumis à des mesures punitives américaines, redoutent de l’être un jour et souhaitent se protéger contre leur dépendance au dollar. Certains représentants des BRICS prêtent même au groupe le projet de créer une monnaie commune pour commercer entre eux d’abord. Et à terme pour diversifier leurs réserves, mais en la matière, il sera difficile d’entamer la domination persistante du billet vert au niveau mondial.

A l’inverse de la Chine, l’Inde est la plus réticente à ouvrir grand et vite les portes des BRICS. Elle craint que Pékin y fasse entrer certains de ses alliés, comme le Pakistan, rival de New Delhi, ou d’autres pays qui lui sont liés dans le cadre du mégaprojet des Nouvelles routes de la soie (Belt and Road Initiative en anglais), accentuant encore le poids relatif de la Chine au sein des BRICS. Une tendance qu’un usage croissant du yuan dans les échanges internationaux, à défaut de monnaie commune, afin de contourner le dollar, pourrait encore accentuer.

Crainte de domination chinoise

Comme beaucoup de pays du Sud, New Delhi ne veut pas avoir à choisir à terme entre Pékin et Washington, d’autant que dans le contexte de la guerre en Ukraine, elle souhaite diversifier ses approvisionnements militaires, longtemps russes pour l’essentiel, en achetant aussi américain.

De manière plus immédiate, l’Inde redoute que l’entrée de nouveaux membres dans le groupe des BRICS y diminue proportionnellement le poids des cinq fondateurs. A commencer par le sien. Une inquiétude partagée par le Brésil. Ce dernier insiste notamment pour que les nouvelles admissions soient décidées à l’unanimité des membres fondateurs du groupe, et non à la majorité, sachant que les BRICS n’ont pas de charte qui fixe de méthode en la matière.

L’Inde veut que des critères stricts président aux futures intégrations. Et que l’on ne se précipite pas pour élargir le groupe. D’où l’hypothèse de créer des « salles d’attente » avant une intégration pleine et entière au groupe, en instaurant officiellement par exemple un statut de pays partenaire ou d’observateurs comme cela existe dans d’autres regroupements, telle l’Organisation de Shanghai pour la coopération (OSC), axée, elle, sur les questions de sécurité. Les discussions du sommet de Johannesburg devraient donc porter en bonne partie autour de ces questions d’agenda et de procédure, mais au contenu éminemment politique en l’occurrence.

S’ils ne commencent qu’à entrouvrir la porte de leur groupe, les cinq fondateurs des BRICS ont déjà admis quelques pays (Bangladesh, Egypte, Emirats Arabes Unis) au sein de la New Development Bank. Et la manière dont ils s’y sont pris est peut-être instructive de leur conception quant au partage du pouvoir : les trois nouveaux au sein de la NDB n’ont pu souscrire qu’entre 1 % et 2,2 % du capital de la banque chacun, tandis que les cinq fondateurs ont vu leur part respective passer des 20 % initiaux à 18,98 % chacun.

Il est vrai que les statuts de la NDB prévoient qu’aucune augmentation du capital n’est possible si elle devait aboutir à ce que les droits de vote des cinq fondateurs soient ensemble inférieurs à 55 %. On n’est jamais trop prudents, même quand on promeut urbi et orbi un monde plus équilibré.

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