Brian Thompson, PDG du géant de l'assurance santé United ...

Il avait apparemment décidé d’arriver en avance pour être fin prêt pour la conférence. Brian Thompson, le PDG de United Healthcare, la plus grosse compagnie américaine d’assurance Santé, a quitté hier son hôtel un peu après 6h30. Il s’est dirigé à pied dans le petit matin glacial vers le New York Hilton Midtown, où devait s’ouvrir à 8 heures la réunion financière annuelle du groupe avec les investisseurs. Lorsque ce quinquagénaire en costume bleu s’est approché de l’entrée de l’hôtel à 6h46, un type mince, habillé de noir, portant un grand sac à dos gris, une capuche et un masque couvrant le bas de son visage, a traversé la rue. Il a sorti un pistolet muni d’un silencieux et avec un sang froid effrayant, lui a tiré dans le dos. 

Les images de l’exécution, filmées par les caméras de surveillance en plein cœur de ce coin de Manhattan très animé, donnent des frissons. Brian Thompson a chancelé, fait encore quelques pas avant de se retourner pour faire face à son assassin et de tomber. L’arme de l’homme s’est alors enrayée mais il est arrivé à la réarmer très vite. Il s’est approché toujours très calmement de la victime et a tiré encore plusieurs balles, sans tenir compte des passants, dont une femme, debout à l’entrée de l’hôtel, qui s’est enfuie. Puis le tireur s’est éloigné toujours sans hâte, avant finalement de se mettre à courir en traversant la rue. Quelques minutes plus tard, à 6h48, il a enfourché un vélo électrique pris à l’une des bornes et pédalé vers Central Park. C’est la dernière trace que l’on a de lui. Ce grand parc a peu de caméras de surveillance. Pendant ce temps, Brian Thompson, père de deux garçons, a été déclaré mort à 7h12 en arrivant à l’hôpital.

«Il s’agit d’une attaque préméditée, préparée et ciblée»

Au Hilton, un des plus grands hôtels de la ville qui a accueilli Elvis Presley, les Beatles et Donald Trump pour son discours de victoire en 2016, les cadres de United Healthcare ont commencé la conférence sans se douter de la tragédie quelques étages plus bas. À 9 heures finalement, Andrew Witty, le PDG de United Health Group, le conglomérat géant dont fait partie United Healthcare, a arrêté la présentation, disant qu’un des dirigeants était dans un «état médical très sérieux».

La fusillade «ne semble pas être un acte de violence au hasard», a déclaré la responsable de la police de New York. «Tout montre qu’il s’agit d’une attaque préméditée, préparée et ciblée». Le tireur semblait savoir que Brian Thompson arriverait par cette entrée. Grâce aux multiples caméras de surveillance, les enquêteurs ont localisé le tueur bien avant l’assassinat dans la partie nord ouest de Manhattan avec à la main ce qui semble une batterie de vélo électrique. Il a peut-être pris le métro ensuite. Puis il s’est arrêté dans un Starbucks sur la 6e Avenue à deux pâtés de l’Hôtel. Sur les photos diffusées par la police, on voit un type blanc à moitié dissimulé par un masque et une capuche. Il a ensuite patienté une dizaine de minutes aux abords du Hilton en attendant sa victime.

«En regardant les vidéos, il semble qu’il ait de l’expérience dans les armes à feu», a estimé le chef des enquêteurs. Il a en effet opéré de manière calme et experte. Quand son pistolet s’est enrayé plusieurs fois — problème fréquent avec un silencieux —, le tireur a gardé son sang-froid et rapidement réussi à le réarmer. Ce qui peut laisse supposer qu’il a eu un entraînement militaire ou dans les forces de l’ordre. Les enquêteurs ont trouvé sur les lieux du crime trois douilles et trois cartouches qu’il a éjectées quand son arme a mal fonctionné. Selon ABC, les mots «défendre», «nier» et «déposer» étaient écrits sur ces douilles. Elle a aussi découvert dans une ruelle un téléphone portable et une bouteille d’eau qui pourraient lui appartenir. Elle espère retrouver de l’ADN et des empreintes digitales. Et elle va analyser les données de la bicyclette électrique qu’il a utilisée.

Chasse à l’homme dans les rues de New York

Toute la journée, la police a lancé une chasse à l’homme dans les rues de New York avec drones, chiens et hélicoptères. Elle a diffusé également plusieurs photos de l’assassin et promis une récompense de 10 000 dollars à tout individu qui lui apporterait des informations. En fin de soirée, elle n’avait toujours pas procédé à une arrestation. Elle n’a pas non plus identifié de motif de l’attaque. Paulette Thompson, sa femme, a déclaré à la chaîne NBC que son mari avait reçu des menaces dans le cadre de son travail. Elle n’avait pas de détails, a-t-elle expliqué, mais elle a suggéré qu’elles étaient peut-être liées à un refus de couverture santé à un adhérent. Il n’est pas rare apparemment dans ce secteur que des patients furieux à qui l’on a refusé un remboursement de soins ne lancent des menaces. 

Les compagnies d’assurance sont parmi les entreprises les plus mal aimées aux États-Unis. On les accuse de pratiquer des tarifs prohibitifs pour une couverture très médiocre. United Healthcare, basée à Minneapolis a particulièrement mauvaise réputation. Brian Thompson dirigeait le groupe depuis 2021 avec succès. Mais ces dernières années, l’assureur a fait l’objet de multiples procès et controverses. Il a été accusé par les agences fédérales, les élus du congrès et de nombreux usagers de refuser systématiquement de rembourser des traitements et des procédures pourtant nécessaires. La maison mère a également subi une cyberattaque en février, qui a compromis les données personnelles de plus de 100 millions d’Américains et perturbé les remboursements et les soins pendant des mois. Thompson et d’autres cadres sont en outre poursuivis en justice pour délit d’initiés. On leur reproche d’avoir vendu des actions de l’entreprise avant l’annonce publique d’une enquête du Ministère de la Justice pour pratiques monopolistiques. Brian Thompson aurait empoché quelque 15 millions de dollars dans l’opération. 

United Healthcare a enlevé de son site les photos et les bios de ses dirigeants après le meurtre. Dans un communiqué, la direction s’est dit «profondément attristée et choquée» par la mort de leur confrère.