Mort d'Abdelaziz Bouteflika : le pouvoir algérien embarrassé
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
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Il reposera au carré des martyrs du cimetière d’El Alia, à Alger. Abdelaziz Bouteflika, sera inhumé, dimanche 19 septembre, au côté des héros de la guerre d’indépendance.
L’ancien président algérien, chassé du pouvoir en 2019 après vingt ans à la tête de l’Algérie, s’est éteint vendredi, à l’âge de 84 ans, dans sa résidence médicalisée à Zeralda (ouest d’Alger) où il vivait reclus depuis deux ans et demi. Ses obsèques se dérouleront après la prière du Dohr (après 13 heures locales), selon la télévision d’Etat.
Sa dépouille sera exposée auparavant au Palais du peuple, bâtiment d’apparat du centre d’Alger, pour permettre à de hauts dignitaires et aux citoyens de lui rendre un ultime hommage, avant de prendre le chemin du cimetière d’El Alia, à une dizaine de kilomètres de là, selon plusieurs médias locaux.
C’est au carré des martyrs de ce cimetière que reposent tous ses prédécesseurs, aux côtés des grandes figures et martyrs de la guerre d’indépendance (1954-1962).
Depuis l’annonce de son décès, qui a suscité des réactions embarrassées des autorités algériennes, l’incertitude planait sur le lieu où allait être enterré M. Bouteflika et sur l’organisation de ses funérailles. Affaibli et aphasique après un AVC subi en 2013, M. Bouteflika avait été contraint à la démission le 2 avril 2019, après près de deux mois de manifestations massives du mouvement pro-démocratie Hirak contre son intention de briguer un cinquième mandat consécutif.
Au terme de plusieurs heures de flottement sans réaction officielle, le président Abdelmadjid Tebboune, qui fut premier ministre sous Bouteflika, a décrété, samedi midi, dans un communiqué, la mise en berne du drapeau national « pendant trois jours », pour honorer « l’ancien président, le moudjahid [combattant de l’indépendance] Abdelaziz Bouteflika ».

Les anciens chefs d’Etat décédés auparavant avaient été enterrés avec les plus grands honneurs à l’instar du premier président de l’Algérie indépendante Ahmed Ben Bella (1963-1965) qui eut droit à des funérailles solennelles après son décès en avril 2012.
M. Bouteflika, qui avait alors décrété un deuil national de huit jours, avait personnellement accompagné le cercueil du palais du peuple, où la dépouille avait été exposée, jusqu’au cimetière d’El Alia, en présence de toute la classe politique et des hauts dirigeants du Maghreb.
Le troisième président d’Algérie (de 1979 à 1992), Chadli Bendjedid, à l’origine de la démocratisation des institutions, avait également été enterré avec tous les honneurs en octobre 2012 et un deuil national de huit jours fut aussi décrété après son décès.
Signe de l’embarras des autorités, les médias officiels n’ont évoqué que par des brèves le décès du président déchu, sans lui consacrer d’émissions spéciales, contrairement à ses prédécesseurs.
Ce n’est que samedi soir que la télévision d’Etat a évoqué, quoique brièvement, dans son journal télévisé les principales étapes du parcours politique de près de 60 ans de l’ex-président.
Les atermoiements autour de l’organisation des obsèques illustrent aussi, selon des observateurs, des craintes de manifestations hostiles contre un président à l’image ternie. Le frère de M. Bouteflika, Saïd, actuellement en prison pour des accusations de corruption, a été autorisé à assister aux funérailles, selon son avocat, Me Salim Hadjouti.
- Le roi du Maroc envoie ses condoléances au président algérien
Le roi du Maroc Mohammed VI a adressé, samedi 18 septembre, un message de « condoléances et de compassion » au président algérien Abdelmajid Tebboune, à la suite du décès de l’ancien chef d’Etat Abdelaziz Bouteflika.
« En cette douloureuse circonstance, SM le Roi exprime au Président algérien et, à travers lui, à la famille du défunt et au peuple algérien frère, Ses vives condoléances et Sa sincère compassion », affirme ce message diffusé par l’agence de presse MAP, au moment où les deux pays voisins du Maghreb traversent une grave crise diplomatique.
Le monarque marocain « dit se remémorer les attaches particulières qui liaient le défunt au Maroc, que ce soit lors des périodes de l’enfance et des études dans la ville d’Oujda ou encore au temps du militantisme pour l’indépendance de l’Algérie sœur, ajoutant que l’histoire retient que feu Bouteflika a marqué une importante phase de l’histoire moderne de l’Algérie ».
M. Bouteflika était né le 2 mars 1937 à Oujda, au Maroc, tout près de la frontière algérienne, dans une famille originaire de la région de Tlemcen (nord-ouest de l’Algérie).
Le souverain marocain fait part de sa « profonde affliction et d’une vive émotion » après avoir appris la nouvelle du décès de l’ancien président algérien qui survient en plein gel diplomatique entre Alger et Rabat.
Le 24 août, l’Algérie a rompu ses relations diplomatiques avec le Maroc, en l’accusant « d’actions hostiles » après des mois de tensions exacerbées entre ces deux pays rivaux du Maghreb. Le Maroc a, pour sa part, regretté cette décision « complètement injustifiée » et rejeté « les prétextes fallacieux, voire absurdes, qui la sous-tendent ».
Les relations entre les deux pays voisins sont traditionnellement difficiles en raison, notamment, de l’épineux dossier du Sahara occidental.
Fin juillet, le souverain marocain avait déploré les « tensions » avec l’Algérie, invitant le président algérien Abdelmadjid Tebboune « à faire prévaloir la sagesse » et « œuvrer à l’unisson au développement des rapports » entre les deux pays.
Les liens diplomatiques avaient été rompus une première fois entre les deux pays quand le 7 mars 1976, Rabat mettait fin à ses relations avec Alger qui avait reconnu la République arabe sahraouie démocratique (RASD), autoproclamée par les indépendantistes du Front Polisario. La frontière entre l’Algérie et le Maroc est officiellement fermée depuis le 16 août 1994.
Le Monde avec AFP