Toute la vérité (déprimante) sur le Blue Monday
[W = (D-d)] x TQ : M x NA. Kesaco ? L’insoluble équation, pour le quidam réfractaire aux mathématiques, qui aboutit à définir, avec une précision d’horloger, à quelle date tombe, chaque mois de janvier, le Blue Monday (jour bleu), autrement dit le jour le plus déprimant de l’année.
Une supercherie ?Respirez : à l’heure qu’il est, le plus dur est passé. Vous avez survécu à la matinée et lorsque vous aurez achevé la lecture de cet article, vous devriez aussi triompher des dernières heures de ce 17 janvier, aussi sombres soient-elles. Et nul besoin d’avoir fait Maths Sup pour ça. Car ladite équation, prétendument sortie en 2005 des neurones d’un certain Cliff Arnall, professeur attaché à l’université de Cardiff (Royaume-Uni), et psychologue de son état, fleure un tant soit peu la supercherie.
Une combinaison multi-factorielleDans cette formule, « W » désigne en fait le temps qu’il fait (weather, en anglais), dont on peut, sans trop s’avancer, prédire qu’il sera gris et froid, à pareille époque. Le grand « D » fait référence à votre dette, le petit « d » à votre capacité de remboursement. Que vous ayez couru ou non les soldes, il y a fort à parier que les achats de Noël et bons petits plats des réveillons ont fichu une claque à vos finances. Et comme le Blue Monday tombe généralement le troisième ou le deuxième lundi du mois (ben oui, forcément un lundi…), le prochain salaire se fera encore attendre.
Les fêtes, c’est fini« T », c’est le temps écoulé depuis Noël, ses lumières, ses cadeaux, ses sourires, tandis que « Q » ferait référence au temps passé depuis les vœux et les inévitables bonnes résolutions qui y sont associées… avant d’être très vite oubliées. Tout ça divisé par « M », pour motivation : au point zéro. Et « Na » pour « need action » : en clair, votre propension à vous démener, voire à vous surpasser. Là encore, pas besoin d’être devin pour savoir que tout le monde ou presque traverse au début de l’année une période de fatigue. Question dynamisme et vitalité, c’est un peu l’encéphalogramme plat.
Et maintenant, la covid !On résume. Les Bretons ont leur Miz du (mois noir) en novembre et l’hémisphère nord entier a son Blue Monday quelque part entre le 15 et le 21 janvier, quand tout s’en mêle pour que rien n’aille comme vous voulez. Ni vos finances, dans le rouge, ni vos traits, tirés, ni la balance, lourde des parts de galette à la frangipane de la veille. Rien d’étonnant à ce que vous ayez le moral dans les chaussettes ! Et encore ! Rendue publique en 2005, l’équation ne prend pas en compte la morosité engendrée par les - déjà - cinq vagues de pandémie de covid !
Une campagne de marketingTrêve de catastrophisme. Cliff Arnall, qui n’a jamais publié de recherches sur le sujet, a lui-même reconnu que l’équation qu’on lui prête n’a pas de sens. Sans crier sur les toits que le partage de sa prétendue trouvaille était loin d’être désintéressée. La formule émanait, en réalité, d’une agence de communication, Porter Novelli, laquelle avait proposé à plusieurs universitaires de la signer pour lui apporter, contre rémunération, un crédit scientifique. Le coup de génie visait à servir les intérêts de l’agence de voyages Sky Travel. Un scénario astucieux pour tromper l’inconscient : moyennant royalties, l’expert en psychologie convainquait le grand public qu’il avait toutes les raisons d’avoir le moral en berne et d’aspirer à des vacances méritées. Dans le même temps, Sky Travel bombardait les séquences pub de spots aguicheurs sur ses destinations soleil sous les tropiques
Presque la routine pour Cliff Arnall, dont le nom reste associé à cette autre formule (O + ((N x I) + (S x T)/P) qui permet de déterminer la date du Yellow Day, le jour le plus heureux de l’année. Lequel - on ne s’en étonnera pas - tombe en juin. Une « découverte scientifique » commissionnée, celle-là, par une marque de glaces. Vous souriez ? Pari gagné. Comme quoi, le Blue Monday n’est pas si déprimant…