«Blue Monday» : entre déprime et fatigue, qui a inventé ce concept ...
Le troisième lundi du mois de janvier est considéré comme le jour le plus déprimant de l’année. Une légende qui dure depuis vingt ans, mais qui, en réalité, a été inventée à des fins commerciales.
Coup de cafard, blues, moral dans les chaussettes... Chaque troisième lundi du mois de janvier est considéré comme le jour le plus déprimant de l’année. En 2025, le «Blue Monday» tombe ce lundi 20 janvier. Une légende qui a vu le jour il y a vingt ans, mais qui n’est pas justifiée scientifiquement.
Pourtant, ce concept a initialement été présenté par le biais d’une (drôle de) formule mathématique : [W = (D-d)] x TQ / M x Na. La lecture de ce calcul est bien spécifique : «W», pour «weather», désigne la météo, «D-d» représente les «dettes» liées au temps qui nous sépare de «T», c’est-à-dire des vacances de Noël et de «Q», le temps écoulé depuis les bonnes résolutions du Nouvel An. Le tout divisé par «M», la baisse de motivation, lui-même multiplié par «Na», la sensation d’avoir besoin de changement.
Campagne de pub pour une agence de voyages
Une équation bien complexe en réalité utilisée pour attirer l’attention, et simplement faire de la publicité. En 2005, l’agence de voyages britannique Sky Travel née en 1994 veut marquer le coup en ce début d’année et inciter ses clients à réserver leurs billets pour partir en vacances. Alors, avec son agence de communication, l’entreprise fait appel à un psychologue, Cliff Arnall. Le spécialiste, diplômé de l’université, dans le Berkshire, en Angleterre, comme il l’indique sur son profil LinkedIn, a également occupé un poste de maître de conférences en psychologie à la prestigieuse université de Cardiff, de 1992 à 2006.
De la même façon qu’il a décrété que le jour le plus déprimant de l’année serait le troisième lundi de janvier et s’appellerait le «Blue Monday», Cliff Arnall a affirmé par la même occasion que le «Yellow Day», le jour le plus heureux de l’année, se tiendrait chaque troisième vendredi de juin.
«Rien de médical»
Cinq ans plus tard, Sky Travel a mis la clé sous la porte. Mais son «coup de com’» lui a survécu. La même année, Cliff Arnall a lui-même admis dans une interview au Telegraph que cette invention n’avait rien de scientifique. Ce qui avait déjà été constaté par les professionnels de santé, dès le début. «Le Blue Monday, ça n’existe pas. Certes, le lundi peut être une source de stress pour certains salariés qui redoutent de retourner au travail. Et puis, durant l’automne et l’hiver, avec la baisse notable de luminosité, le moral peut ne pas être au beau-fixe, ce qui peut occasionner une dépression saisonnière », admet au Figaro le professeur Laurent Karila, addictologue et psychiatre à l’hôpital Paul-Brousse (AP-HP).
Pour autant, le médecin se veut rassurant : «La dépression, ça ne dure pas un seul jour. Il faut au moins 15 jours pour parler d’épisode dépressif. Et puis le terme de “déprime” est employé par le grand public, il n’a rien de médical. Pas de panique donc, il n’y a pas de risque particulier à ce que vous vous sentiez mal ce lundi», conclut le professeur.
#StopBlueMonday
En 2016, Cliff Arnall tente de rétablir la vérité et de mettre fin à cette tendance, dont profitent de nombreuses entreprises pour attirer des clients. Il est devenu l’un des principaux porte-parole du mouvement #StopBlueMonday, lancé avec l’office de tourisme des îles Canaries. Dans une vidéo, il indiquait : «Un jour, j’ai compris que l’idée du Blue Monday n’avait pas aidé le monde de la façon dont je l’espérais.» Mais là encore, ce message porté par l’office de tourisme d’un archipel vantant son doux climat durant l’hiver, laisse surtout présager une nouvelle campagne publicitaire.
D’autant qu’aujourd’hui, Cliff Arnall continue de faire du Blue Monday son business. Fondateur de «Riverbank», le psychologue propose un guide pratique permettant de «vivre une vie plus paisible, plus amusante et plus disciplinée» grâce à un coach de vie. «L’antidote parfait au Blue Monday», selon le slogan de la marque.