«Submersion» migratoire : François Bayrou assume, le PS suspend ...
Le premier ministre a décidé de maintenir ses propos, mardi à l’Assemblée nationale, en dépit des vives indignations exprimées par la gauche.
Il n’en fallait pas plus pour enflammer la gauche. Et pour braquer des socialistes plutôt constructifs jusqu’ici. Invité de LCI lundi soir, François Bayrou a soutenu qu’il y avait en France «un sentiment de submersion» migratoire. «Les apports étrangers sont positifs pour un peuple, à condition qu’ils ne dépassent pas une certaine proportion», a-t-il développé, provoquant immédiatement l’ire unanime du Nouveau Front populaire.
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Des propos pourtant assez similaires à ceux que le centriste avait déjà tenus dans le passé. Lors de sa déclaration de politique générale, mi-janvier, où il s’est dit vigilant à la «proportion» d’étrangers. Mais aussi en 2022, lorsqu’il défendait le «droit» des «peuples» à la «pérennité de leur identité». «Des modes de vie qui font que la France est la France, que la Suisse est la Suisse, l’Italie est l’Italie», avait-il détaillé.
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«Vous nous faites honte !»
Mardi, durant la traditionnelle séance de questions au gouvernement, la gauche lui a donc demandé des comptes. «Monsieur le premier ministre, la question migratoire est trop sérieuse pour s’en laisser dicter les termes par l’extrême droite», lui lance Boris Vallaud, le patron du groupe socialiste, avant de l’interroger : «Maintenez-vous ces mots de “submersion” ?» Quelques secondes plus tard, François Bayrou persiste et signe : «Quiconque est allé à Mayotte mesure que le mot de submersion est celui qui est le plus adapté. (...) Qui peut dire que ce n’est pas vrai ? Ce ne sont pas les mots qui sont choquants, ce sont les réalités», assume-t-il. Et de réexpliquer le «sentiment de submersion» que pouvaient ressentir certains Français, dans les autres départements métropolitains.
Monsieur le premier ministre, la question migratoire est trop sérieuse pour s’en laisser dicter les termes par l’extrême droite
Boris Vallaud, patron du groupe socialiste
Comme certains élus Renaissance et LR, les députés du Rassemblement national applaudissent à l’unisson, grands sourires aux lèvres. Tollé sur les bancs de la gauche, qui crient au scandale. «Si vous gouvernez avec les préjugés de l’extrême droite, nous finirons gouvernés par l’extrême droite, et vous en aurez été le complice», tempête Boris Vallaud, furieux, pendant que la patronne du groupe écologiste, Cyrielle Chatelain, lance, très remontée : «Monsieur le premier ministre, vous nous faites honte !»
Le PS suspend les négociations sur le budget
L’ambiance est chaotique. Sur les bancs socialistes, les partisans de la «non-censure» sur le budget, qui devrait revenir à l’Assemblée la semaine prochaine, sont tête basse. «Depuis ce matin, ça pousse fort pour censurer», confie un parlementaire, inquiet de la tournure des événements. Quelques minutes plus tard, le verdict tombe. Olivier Faure, premier secrétaire du Parti socialiste, annonce que les élus de son camp suspendent toutes les négociations budgétaires avec le gouvernement. «Non, Monsieur le premier ministre, les “préjugés” ne sont pas “nourris par le réel”. Voltaire disait qu’ils sont la “raison des sots”. Nous sommes le pays des Lumières, votre responsabilité après le vote républicain du 7 juillet (second tour des législatives, ndlr) était de ne pas les éteindre», fustige ensuite Olivier Faure, sur X.
Sur BFMTV, un peu plus tôt dans la journée, la présidente macroniste de l’Assemblée, Yaël Braun-Pivet, avait elle aussi exprimé ses réserves sur la formulation utilisée par François Bayrou : des propos qui la «gênent» et qu’elle n’aurait «jamais tenus». «On parle d’hommes et de femmes, on parle de notre pays, la France, qui, par son histoire, par sa géographie, par sa culture, a toujours accueilli et s’est construite avec cette tradition-là», a-t-elle pesté. «Ce n’est pas digne d’un premier ministre qui se veut humaniste», abonde, auprès du Figaro, le vice-président Renaissance du Palais Bourbon, Roland Lescure. Un avis loin d’être partagé par l’ensemble de son groupe. À commencer par l’ex-porte-parole du gouvernement Barnier, redevenue députée Renaissance, Maud Bregeon. «Le premier ministre est lucide, il nomme les choses», défend l’élue francilienne, en pointe sur l’immigration.