François Bayrou commissaire au Plan : les réactions en Béarn
"Un scandale absolu"
Jérôme Marbot, candidat d’opposition au maire de Pau en juin, fustige le cumul des fonctions du nouveau Haut commissaire au plan. "C’est un écran de fumée, une tromperie. On ne peut pas être maire de Pau, 80 000 habitants, président de l’agglo, 160 000 habitants, et Haut commissaire. Ces grandes collectivités méritent un maire présent, un patron présent comme le disait François Bayrou lors d’un débat d’entre-deux tours. C’est d’autant plus vrai dans le contexte actuel où les villes sont en première ligne. Or, aujourd’hui, François Bayrou vient nous dire qu’il peut passer la moitié de la semaine à Pau et l’autre moitié à Paris. C’est un scandlae absolu. Pour les Palois à qui il a promis qu’il serait pleinement maire alors qu’on apprenait la semaine suivante qu’il avait négocié un poste auprès d’Emmanuel Macron. Pour les Français ensuite puisque c’est un privilège qu’Emmanuel Macron octroie à François Bayrou. Par un tour de passe-passe, on joue sur les mots pour dire qu’il est le seul élu local à pouvoir cumuler avec des fonctions nationales. Et on nomme quelqu’un qui avait démissionné de son ministère parce qu’il allait être mis en examen alors qu’il est désormais mis en examen. C’est un comportement dévastateur pour l’image de la politique et la confiance des électeurs."
"Ça ne posera aucun souci"Pour Clarisse Johnson – Le Loher, adjointe à la sécurité de François Bayrou à la mairie de Pau cette nomination est "un plus de plus." "Je ne m’attends pas à ce que ça change quelque chose. Monsieur le maire a toujours eu un rythme de présence régulière à Paris où il était deux jours par semaine. Là où il devait s’occuper du Modem, il aura des missions supplémentaires au Plan. On s’est toujours adapté à ce fonctionnement, ça ne posera aucun souci. C’est un personnage public qui a toujours œuvré pour la France il a été élu maire avec cette caractéristique particulière qui a toujours représenté un atout pour la Ville."
Par ailleurs Clarisse Johnson – Le Loher salue l’évolution de la ville de Pau depuis que François Bayrou y est maire. "Pour moi, c’est un plus de plus ! Les gens qui ne sont pas de bonne foi peuvent dire le contraire mais quand on arrive à Paris en portant un dossier venant de Pau, on sent bien qu’on a un avantage. Je l’ai vécu avec la Cité éducative. C’est une évidence, le rayonnement de la Ville n’est pas le même depuis que François Bayrou est maire de Pau."
La rédaction vous conseille "Depuis Pau, on peut très bien mener une réflexion nationale"Jean-François Blanco, élu EELV régional et membre de l’opposition municipale ne voit pas de chevauchement possible entre une réflexion locale et nationale. "Pour moi, il n’y a pas de dichotomie entre le local et le national. L’ancrage dans la réalité c’est le mandat local. Il est important que des personnes en contact avec la vie quotidienne participent ensuite à la vie nationale. Être maire efficace, c’est une question d’organisation. Il a une mairie structurée. Je ne pense pas qu’une présence physique soit l’alpha et l’oméga de l’efficacité d’un maire. Depuis Pau, on peut très bien mener une réflexion nationale. Pour Pau le fait d’avoir un maire qui ait une influence nationale est une bonne chose. Rien ne serait pire que le repli. vraiment, cette mission de prospective et de réflexion n’est pas du tout antinomique avec le mandat municipal, ce sont des choses qui s’alimentent. Ce sont des réflexions très utiles surtout dans une période de bouleversement comme nous la vivons."
L’élu EELV attend aussi la mise en place de solutions sur le plan climatique. "La grande différence entre le commissaire au plan d’hier et celui d’aujourd’hui, c’est l’horloge climatique. Il faut que des solutions très fortes soient mises en place dès maintenant."
"Les intérêts de Pau ne se défendent pas seulement à Pau"Jean-Louis Pérès, adjoint aux finances, l’un des très proche du maire de Pau, se félicite de voir François Bayrou reprendre du galon national. "Qu’on crée un haut-commissariat, c’est une très bonne chose, nécessaire. Qu’il soit attribué à François Bayrou, c’est très bien parce que c’est un élu de terrain, un maire qui connait bien les questions concrètes qui concernent les Français. Ensuite, pour ce qui est de Pau, il faut rappeler que François Bayrou est resté responsable d’un parti politique national en étant maire de Pau. Désormais haut commissaire, il pourra très bien mener des travaux depuis Pau. Il n’est pas seul ici, il y a des services de qualité, des élus tout à fait au courant des affaires. Les intérêts de Pau ne se défendent pas seulement à Pau."
"Totalement anachronique"Autre figure de l’opposition paloise, l’élu communiste Olivier Dartigolles fustige le casting. "Le point positif, c’est l’idée d’une planification. Il faut qu’on sorte du court-termisme. Là où je mets quelques bémols, c’est comment François Bayrou peut montrer du doigt la direction des trente prochaines années alors qu’il s’est trompé durant les vingt dernières? Il fait partie de ceux qui n’avaient que la dette en tête et qui n’ont pas vu l’urgence climatique. Est-ce qu’il est le mieux placé pour changer le logiciel? Je m’interroge. Cela donne l’impression d’un poste cousu main pour François Bayrou qui ne pouvait plus être ministre. C’est insupportable pour les citoyens. Lui qui portait le discours de la moralisation de la vie publique fait tout le contraire. Il abîme la politique. Il aurait eu du panache à dire que la tâche était si importante qu’il allait s’y consacrer pleinement. Par ailleurs, on nous dit que c’est une mission importante avec des moyens en nombre de fonctionnaires et on la confie à un chef d’exécutif local. C’est totalement anachronique de que de faire croire qu’on peut bien faire plusieurs choses à la fois. Comment être haut-commissaire et présider aux destinées de la deuxième ville d’Aquitaine, être président de son agglo, du Pays de Béarn…
"Un sucre d’orge offert à Bayrou"Alors que la nomination de François Bayrou au poste de haut-commissaire au Plan est attendue ce jeudi en conseil des ministres, le député béarnais Jean Lassalle, centriste comme lui mais qui a pris ses distances avec le maire de Pau, estime qu’il s’agit d’un "très beau poste".
Il doute cependant de la sincérité de la démarche présidentielle, estimant qu’elle intervient loin dans le quinquennat : "On serait en début de quinquennat, cela aurait du sens de redonner une impulsion sur le long terme. Mais à 500 jours de la prochaine élection, cela fait un peu sucre d’orge pour notre ami François Bayrou. D’autant que cela intervient dans un contexte équivoque, en pleine crise du Covid-19, alors qu’il n’y a plus une thune (sic). C’est un peu tristounet, il voulait être rattaché à l’Elysée et devra finalement rendre des comptes au Premier ministre ; ça ressemble un peu à un sucre d’orge offert à Bayrou avant la retraite."
"François Bayrou serait le seul chef de parti à disposer des moyens de l’État"De son côté, le député socialiste David Habib, vice-président de l’Assemblée nationale, félicite le maire de Pau et récuse les propos sur le cumul des mandats : "C’est toujours une bonne chose pour le Béarn qu’un des siens puisse exercer des responsabilités importantes à Paris. Il reste que François Bayrou n’avait pas besoin de cela pour être influent auprès d’Emmanuel Macron, les nombreuses mauvaises décisions du chef de l’État en attestent."
Je suis toutefois surpris que ce poste, chargé du long terme, soit créé en fin de quinquennat. Ce tempo indique que le vrai enjeu pour Emmanuel Macron et François Bayrou est davantage le rendez-vous électoral de mai 2022 que l’avenir de la décennie. Je récuse en revanche tous les propos sur le cumul des mandats. La loi est claire, et il n’y a pas en l’espèce de cumul des mandats. Donc François Bayrou peut devenir haut-commissaire et rester maire."
"Quand il s’exprimera, parlera-t-il au nom de sa formation politique ou au nom de l’État ?"
"Le problème c’est la confusion entre sa responsabilité de président du Modem et celle de haut-commissaire. Quand il s’exprimera, parlera-t-il au nom de sa formation politique ou au nom de l’État ? J’espère une clarification sur ce sujet. Si non, François Bayrou serait le seul chef de parti à disposer des moyens de l’État. Ce qui pourrait surprendre pour quelqu’un qui, en 2017, voulait changer « la République et la politique »."