Discours de François Bayrou : réforme des retraites, proportionnelle ...
Sous les réactions souvent vives des députés de l’opposition, et s’emmêlant parfois les pinceaux, François Bayrou a livré ce mardi 14 janvier son discours de politique générale et les grandes lignes de la politique qu’il entend mener. Dans une déclaration qui a duré environ une heure à la tribune de l’Assemblée nationale, le Premier ministre a balayé une myriade de thèmes, lancé nombre de vœux pieux et fait plusieurs annonces. Libé fait le point.
La réforme des retraites pas suspendue mais «remise en chantier»
C’était le sujet brûlant, ardemment discuté avec la gauche depuis plusieurs jours. François Bayrou a déclaré ce mardi remettre la réforme des retraites «en chantier», en réunissant les partenaires sociaux «dès vendredi» et pendant «trois mois». Il a aussi assuré qu’il n’y aura «aucun tabou, même pas l’âge de départ» à 64 ans. Relevant qu’«une fenêtre de tir s’ouvre» d’ici à l’automne, le chef du gouvernement va «demander à la Cour des comptes une mission flash de quelques semaines» en vue d’établir «un constat» fondé sur «des chiffres indiscutables». En parallèle, une «délégation permanente» va être mise sur pied avec les partenaires sociaux pour recueillir leurs propositions. Mais, faute d’accord, la réforme actuelle s’appliquera, a aussi prévenu François Bayrou.
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La proportionnelle et le cumul des mandats de retour
Défenseur de longue date de la mesure, le chef du gouvernement a proposé d’avancer «sur la réforme du mode de scrutin législatif», avec «un principe de proportionnelle», soulignant qu’il devra «être enraciné dans les territoires». Cette réforme, «probablement», «nous obligera à reposer en même temps la question de l’exercice simultané d’une responsabilité locale et nationale», a ajouté le maire de Pau, suscitant la protestation de nombreux députés à gauche, plus de dix ans après la suppression du cumul des mandats lors de la présidence de François Hollande. Il n’a toutefois pas expliqué concrètement comment il compte s’y prendre pour mener à bien ces deux réformes.
Les remboursements des médicaments et consultations maintenus
Les remboursements des médicaments et consultations maintenus. C’était une des mesures gagnées par le RN à l’issue du bras de fer qui avait fait chuter Michel Barnier. Son successeur a annoncé que la mesure de déremboursement de certains médicaments et de consultations qui figurait dans le budget 2025 «ne sera pas reprise». Il s’est aussi engagé au «remboursement intégral des fauteuils roulants dès 2025», ainsi qu’à «une hausse notable de l’ONDAM» [l’Objectif national de dépenses d’assurance maladie], avec pour objectif «d’améliorer les conditions de travail des soignants et de protéger les plus fragiles». François Bayrou a enfin «confirmé» la santé mentale grande cause nationale en 2025, «comme l’avait décidé [son] prédécesseur Michel Barnier».
Des prévisions de croissance en baisse et un déficit en hausse
Si François Bayrou ne compte pas changer l’objectif de revenir au 3 % de déficit d’ici 2029, il a revu à la baisse les prévisions de croissance. «Nous la fixons à 0,9 % conformément aux prévisions de la banque de France et il sera convenu de fixer le déficit pour 2025 à 5,5 % du PIB», a chiffré le Premier ministre dans son discours de politique générale. Le 6 janvier dernier, le nouveau ministre de l’Economie affirmait qu’il se situerait «entre 5 % et 5,5 %» en 2024. Trois jours plus tard, le Premier président de la Cour des comptes Pierre Moscovici affichait son souhait de voir le déficit public de 2025 «le plus près possible de 5 % du PIB».
Un fonds spécial pour la réforme de l’Etat
Afin de faire des économies, François Bayrou compte s’intéresser de près à l’organisation de l’Etat. «Est-il nécessaire que plus de 1 000 agences, organes ou opérateurs exercent l’action publique ?», a demandé le Premier ministre, tout en saluant «le rôle précieux de plusieurs d’entre eux, comme France Travail». En ce sens, le chef du gouvernement a annoncé la création «d’un fonds spécial entièrement dédié à la réforme de l’Etat». Celui-ci sera financé «en réalisant une partie des actifs en particulier immobiliers qui appartiennent à la puissance publique de façon à pouvoir investir, par exemple, dans le déploiement de l’intelligence artificielle dans nos services publics.»
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Vers la création d’une «banque de la démocratie»
«Faire un seul peuple, c’est reconnaître que le pluralisme est légitime mais ce pluralisme doit être organisé», a lancé François Bayrou. Souhaitant que les «partis politiques et syndicats» puissent se financer «sans avoir besoin de passer par des stratégies de contournement», le Premier ministre a dit souhaiter la création d’une «banque de la démocratie», une idée qu’il avait déjà défendue lors de son bref passage au gouvernement, au tout début du premier mandat macronien. Son idée : «Que le financement des partis et campagnes ne dépendent pas de banques privées mais puissent être sous le contrôle du parlement.» A la vue de la dernière présidentielle américaine, le patron du Modem a dit vouloir «échapper à cette contrainte de voir la vie politique tenue par l’argent. L’argent à sa place dans le monde des affaires, mais ne doit pas diriger les consciences».
Le comité interministériel de contrôle de l’immigration réactivé
François Bayrou, qui choisit «l’ordre comme le premier besoin de l’âme», a fait de nombreuses promesses à son ministre de l’Intérieur, Bruno Retailleau, qui cherche à réduire à la dure l’immigration légale et illégale. Il a donc décidé de «réactiver le comité interministériel de contrôle de l’immigration», comme en 2019 sous Edouard Philippe. Dans les semaines à venir, le Premier ministre compte sur «l’action de tous les ministères, des propositions des parlementaires, pour fixer les orientations de la politique gouvernementale en matière de contrôle des flux migratoires» et les articuler avec le pacte asile immigration au niveau européen.
Le «nouveau désordre mondial», Trump et Musk
«Nous avions un grand allié, les Etats-Unis, mais ceux-ci ont choisi la même politique de puissance et de domination» que des pays autoritaires, a noté le Premier ministre, en référence à l’élection de Donald Trump. En pointant les interventions «dans la vie démocratique d’autres Etats», François Bayrou a évoqué «un nouveau désordre mondial qui menace tous les équilibres et les règles de la décence», nommément du fait d’Elon Musk et son comparse à la tête des Etats-Unis. «Fait inédit, [il] articule des menaces d’annexion de territoires souverains : le Groenland, le canal de Panama et le Canada. Ces grandes puissances, c’est à nous de leur signifier qui nous sommes. Si nous ne sommes pas capables de leur montrer notre détermination, elles l’oublieront.»