Army of the Dead : critique Muerta Las Vegas sur Netflix
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Malheureusement, plutôt qu’à une résurrection, c’est bien à un pourrissement que nous assistons ici, tant toutes les tares constatées dans le récent Zack Snyder's Justice League se prolongent jusqu’à faire du nouvel effort du réalisateur son propre mort-vivant. L’incapacité chronique à raconter une histoire prend ici des proportions étonnantes, jamais la caméra ou le scénario ne parviennent à caractériser les personnages.
Le héros incarné par Dave Bautista connaîtra donc trois traumas fondateurs, aussi répétitifs qu’illisibles, tandis que la narration s’inquiète de donner des enjeux et de la chair à ses protagonistes dans les instants qui précèdent leur dépeçage. Un choix qui pourrait ponctuellement apparaître comme un gag, mais dont le systématisme laisse penser que c’est bien l’écriture qui est défaillante. Elle l’est d’autant plus que Snyder a pensé son récit comme un drame familial faisant directement écho à celui qu’il a traversé.
C'est plus ce que c'était Las Vegas
Un choix intéressant, qui vient souligner une nouvelle fois que derrière ses atours de champion du divertissement épique à base de biscoteaux et de pauses poseuses, se cache bien un auteur, interrogeant souvent sa propre existence à travers ses œuvres. Malheureusement, cette intention pertinente se traduit à l’écran par une heure de sous-intrigue familiale dispensable, lourdingue, prévisible, embarrassante dans les rebondissements stéréotypés qu’elle engendre. Un comble, quand on sait que le métrage s’étale durant près de 150 interminables minutes, quand son genre appelait un divertissement rythmé et pétaradant.
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Mais le scénario co-écrit avec Zack Snyder (accompagné de Shay Hatten et Joby Harold) n’est pas la plus grande faiblesse d’Army of the Dead. Car s’il est un domaine dans lequel le réalisateur de Watchmen paraît s’être tout à fait asséché, c’est la grammaire visuelle. On espérait que son choix d’assurer lui-même la photographie du film tout en le cadrant seul serait synonyme d’expérimentations ou de tentatives radicales. Las, l’ensemble est écrasé par une image terne qui manque étonnamment de piqué, de contraste et totalement mutilée en post-production.
Abusant du flou numérique pour simuler des jeux de focale et des bascules de profondeur de champ, Snyder espère peut-être doper la charge dramatique de son histoire, mais il ne parvient qu’à rehausser la dimension artificielle de l’ensemble, et en diminuer tragiquement la lisibilité. Un flou “artistique” qui préside également au choix des décors. Malgré la démesure de son décor, ce braquage au cœur d’une Las Vegas devenue village vacances de zomblards (où de punks à chiens fans des Rois Maudits, on ne sait pas) se déroule essentiellement dans des zones neutres, et autres enfilades de couloirs génériques.
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Pour autant, quand il ne s’égare pas dans des considérations psycho-familiale, Snyder parvient encore à décocher quelques flèches. Comme souvent il emballe une introduction qui vaut son pesant de cacahouètes, et annonce un film que nous ne verrons jamais, mais qui ne manque pas d’atouts. Après une première séquence rigolote d’outrance et de vulgarité assumée, il nous offre en effet un des rares plans gores du métrage, une poignée de mises à mort réjouissante, avant de transformer la capitale du vice en terrain de jeu obscène et putrescent.
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Si le tempo se calme plus vite qu’un sculpteur d’air chaud en EPHAD, on doit plus d’une fois à Dave Bautista de nous sortir de notre torpeur. Toujours aussi investi physiquement, il tient toutes ses scènes, en sauve quelques-unes et irradie du charisme mélancolique qui est devenu sa signature. Le reste de sa mauvaise troupe n’est pas en reste, grâce à la veulerie du trop Garret Dillahunt, mais surtout Nora Arnezeder, rescapée d’Angélique, Marquise des Anges, qui nous divertit ici à coup de franche badasserie. On pense notamment à l'une des (rares) prises de bec avec les morts-vivants, où la horde sauvage se fraie un chemin pas totalement vegan à travers une horde de cadavres en hibernation.
Enfin, dans le dernier tiers de sa thérapie boursoufflée, Snyder paraît se réveiller, et multiplie soudain les plans stimulants, les torgnoles qui font mal, les découpages au gros calibre, et par endroits, de jolies chorégraphies. Pas assez pour redresser tout à fait la barre, ou faire oublier les failles d’Army of the Dead, mais suffisamment pour nous injecter un peu d’adrénaline et éviter à cette maraude musculeuse le total naufrage.
Army of the Dead est disponible sur Netflix depuis le 21 mai 2021 en France
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