En visite à Paris, Antony Blinken décerne un bon point à Stéphane ...
Cela faisait près de deux ans que le secrétaire d’État américain, Antony Blinken, n’était pas venu en France. Mais il a sans doute remarqué les appels du pied incessant du président Emmanuel Macron et de son ministre des Affaires étrangères, Stéphane Séjourné. Leurs déclarations, prises de position et initiatives de ces dernières semaines ont sans doute convaincu le chef de la diplomatie états-unienne de venir faire un tour dans ce pays dont il maîtrise parfaitement la langue.
Une étape qui se justifie d’autant plus que le président Joe Biden est attendu en juin sur les côtes normandes à l’occasion des 80 ans du Débarquement et alors que l’Otan fêtera ses 75 ans, en juillet, aux États-Unis. Surtout, Blinken n’a pas oublié que la France a organisé, fin février, un sommet pour provoquer ce que l’Élysée avait alors appelé « un sursaut » en faveur de l’Ukraine et demander à ses alliés de redoubler d’efforts pour mettre en échec la Russie.
Il avait alors été décidé de plancher sur plusieurs chantiers, notamment l’augmentation des livraisons de munitions à l’Ukraine, la cyberdéfense, le déminage ou encore la production industrielle d’armement en Ukraine même. Bref, aux yeux de Washington, Paris apparaît maintenant comme le bon élève de la classe atlantiste.
Blinken assure que « l’Ukraine sera membre de l’Otan ! »
La visite du secrétaire d’État a d’ailleurs commencé par des travaux pratiques. Il a accompagné le ministre des Armées, Sébastien Lecornu, à Versailles, sur le site de Nexter, la filiale du groupe franco-allemand KNDS qui produit les canons Caesar livrés à Kiev.
« Les investissements dans la base industrielle de défense sont aussi un investissement pour nous-mêmes ! » s’est-il exclamé, regrettant qu’un programme de 60 milliards de dollars d’aide militaire destinée à l’Ukraine soit bloqué depuis des mois par l’opposition républicaine au Congrès, alors que Lecornu annonçait que la cadence de production de ces canons passerait de six à douze par mois « dans les temps qui viennent ».
Antony Blinken, qui devait rencontrer mardi soir Emmanuel Macron, n’a sans doute pas été surpris de voir son homologue français sans nuance concernant l’Ukraine. Comme il l’a dit lors de la conférence de presse commune : « Vous avez été leader en matière de partage du fardeau. Vous avez donné des milliards en assistance économique et vous avez rallié des alliés. Ce leadership se voit également au niveau des sanctions et des contrôles des exportations. »
Pas étonnant dans ces conditions que Stéphane Séjourné, à la suite d’une question, ait fait comprendre que la France n’avait strictement rien à dire sur les frappes de drones ukrainiens en Russie même. Même le dirigeant américain s’est voulu plus prudent, en soulignant que son pays n’a « ni favorisé ni soutenu les frappes ukrainiennes en dehors de son territoire ». Reste que, sur l’essentiel, l’accord est total. « La France soutient les efforts de l’Ukraine pour son intégration à l’Otan », a dit le ministre français des Affaires étrangères. « L’Ukraine sera membre de l’Otan ! » a asséné le secrétaire d’État américain.
Pas d’avancée sur le cessez-le-feu à Gaza
Les deux hommes ont évidemment étudié la situation au Proche-Orient sur une base commune bien établie centrée sur la libération des otages, laquelle nécessite un cessez-le-feu, celui-ci permettant le transport de l’aide humanitaire dans la bande de Gaza. Dans cet ordre ! Chacun ménageant plus ou moins Israël. Si Séjourné a exprimé la « condamnation ferme » de la France après « la frappe israélienne qui a conduit à la mort de 7 humanitaires » de l’ONG américaine World Central Kitchen tués à Gaza, Blinken, lui, s’est borné à réclamer une « enquête rapide et impartiale ».
Mais Benyamin Netanyahou peut quitter tranquillement la clinique où il a subi une opération chirurgicale, la destruction des hôpitaux à Gaza par l’armée israélienne et la mort de centaines de professionnels de la santé n’ont pas été abordées.
Une « paix plus durable » a bien été évoquée par le secrétaire d’État américain, ainsi que les risques de propagation régionale de la guerre après les frappes israéliennes contre la mission diplomatique d’Iran en Syrie. Mais Stéphane Séjourné désigne comme responsables de cette possible escalade tous les pays de la région, sauf celui qui mène la guerre à Gaza, Israël. Comme un chien dans un jeu de quilles, en quelque sorte.
Blinken a parlé d’une extension du conflit que « ni Israël, ni le Hezbollah, ni l’Iran ne veulent ». Le chef de la diplomatie française peut bien appeler « les parties à respecter le contenu de la résolution 2728 », votée en début de semaine dernière par le Conseil de sécurité, ni lui ni son homologue américain n’ont présenté la moindre initiative pour la mise en place de ce cessez-le-feu. Ils n’ont pas non plus envisagé l’arrêt des livraisons d’armes, de munitions ou de composants. À cette aune, leurs déclarations sur un possible texte visant à mettre en avant une solution politique sonnent creux.