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Dans « Anora », de Las Vegas à Brooklyn, Sean Baker brise le ...

Dans  Anora  de Las Vegas à Brooklyn Sean Baker brise le
Palme d’or à Cannes, le film du cinéaste américain suit les déboires d’une jeune prostituée, Cendrillon moderne poursuivie par les sbires de son beau-père, un oligarque russe.
Ivan (Mark Eydelshteyn) et Anora (Mikey Madison), dans « Anora », de Sean Baker. Ivan (Mark Eydelshteyn) et Anora (Mikey Madison), dans « Anora », de Sean Baker. 
Ivan (Mark Eydelshteyn) et Anora (Mikey Madison), dans « Anora », de Sean Baker.  AUGUSTA QUIRK/LE PACTE

Tout ce qu’Hollywood ne veut plus voir se vit dans le cinéma de Sean Baker. Son œuvre, déjà riche de huit longs-métrages, dresse de lucides constats qu’on ne trouve plus ailleurs, tant le cinéma américain est devenu malade de son formatage et de son infantilisme politique et sexuel. Le cinéaste n’a jamais cessé de remuer les mêmes obsessions : le sexe comme monnaie d’échange et parfois unique moyen de survie. La classe sociale, appréhendée comme un destin qui vous rattrape toujours. Enfin l’argent, qui structure le monde. Mais si ce n’était que ça : la maturité politique de son cinéma ne serait rien sans l’assise d’un regard qu’on devine, chez lui, infiniment généreux, curieux de ce que ses acteurs (tous choisis hors star-système) ont à offrir.

Anora (Mikey Madison)vient ainsi s’ajouter à la liste des héros galériens qui traversent la galaxie Baker : jeune prostituée officiant à Brooklyn, on la découvre au détour d’un splendide travelling où, dans un sourire qu’elle a pris l’habitude de plaquer sur son visage, elle offre une danse lascive à un homme. Une nuit, la voilà qui divertit Ivan (Mark Eydelshteyn), un jeune client qui se trouve être le fils d’un oligarque russe. Il ne tarde pas à l’inviter dans son immense villa pour se payer ses services d’escort-girl et s’attache bientôt à celle qui préfère se faire appeler Ani. Sans crier gare, une sincère relation – certes tarifée – se noue et s’intensifie.Toute cette première partie, tunnel d’euphorie saturé de couleurs acidulées, se veut la peinture de deux jeunes amants insouciants, beaux comme des dieux, qui semblent avoir dissous le réel et ses lois dans une jouissance sans fin.

« Pretty Woman » monté à l’envers

Reste que le spectateur ne pourra s’empêcher d’y soulever une ambiguïté, et une pensée ne le quittera pas : c’est parce qu’Anora travaille (et gagne gros) qu’Anora sourit. Tout ce grand bonheur est à la fois réalité et entière simulation, c’est l’histoire de deux êtres qui font semblant d’être du même monde et y parviennent. Largement aidés par le sexe, l’alcool et la drogue, ils planent et prennent soin de ne jamais redescendre. Leur union culmine là où, aux Etat-Unis, tout doit toujours culminer : à Las Vegas, où, sur un coup de tête très sérieux, Ani et Ivan se marient. Cendrillon du XXIe siècle, Ani retourne sur son lieu de travail pour dire adieu à ses collègues et à sa galère. La seule échappée promise à ces femmes – le beau mariage –, c’est elle qui l’a décrochée.

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