Critique cinéma : "Anora" de Sean Baker, la Palme d'or 2024
Les critiques discutent de cinéma : Anora de Sean Baker, consacré à Cannes par la Palme d'or 2024 et Flow, le chat qui n’avait plus peur de l’eau de Gints Zilbalodis, un film d'animation au décors somptueux.
"Anora", Sean Baker déchire la carte postale de l'American Dream
Anora, jeune strip-teaseuse de Brooklyn, se transforme en Cendrillon des temps modernes lorsqu’elle rencontre le fils d’un oligarque russe. Sans réfléchir, elle épouse avec enthousiasme son prince charmant. Mais lorsque la nouvelle parvient en Russie, le conte de fées est vite menacé : les parents du jeune homme partent pour New York avec la ferme intention de faire annuler le mariage...
Publicité
Depuis ses débuts, Sean Baker se plaît à filmer les marginaux et à s’attaquer frontalement aux recoins sombres de l'American Dream. Déjà considéré comme l’un des grands représentants du cinéma indépendant américain, Sean Baker a confirmé son statut en remportant, en mai 2024, la Palme d’or du Festival de Cannes pour Anora : une fable moderne qui tente de défier les déterminismes sociaux, à mi-chemin entre Cendrillon et Pretty Woman .
Les avis des critiques
- Philippe Azoury : "J’ai eu un engouement immédiat. C’est sûrement l’un des plus beaux films que je connaisse sur l’immaturité et l’inconséquence poussées par l’argent. Sean Baker construit son film en plusieurs parties : il dresse d'abord une carte postale puis la déchire. Bien que son film ne se dirige pas exactement dans cette direction, je pense que Sean Baker croit encore en l’amour. Cependant, c’est un amour qui ne repose pas sur ses deux personnages principaux, mais plutôt sur un troisième qui apparaît au fur et à mesure du film. Il y a une morale du personnage chez Sean Baker, l’idée d’une classe ouvrière qui persiste. Malgré cela, le personnage d’Anora reste opaque et s’échappe aux prérogatives que l’on pourrait lui assigner. Sean Baker nous livre un film encore plus sombre que Florida Project."
- Murielle Joudet : "C’est un film très beau, inscrit dans la continuité de ce que fait Sean Baker. Le réalisateur structure son récit à la manière du Magicien d’Oz avec un effondrement dans la seconde partie du film, afin de déconstruire le mirage de la première. Sean Baker développe dans Anora une critique des règles d’Hollywood, le romantisme, l’amour qui fédère les classes et règle les problèmes, une sorte d’anti-Pretty Woman. Mais Sean Baker, c’est aussi une image de la classe éclatée, de la précarité. Il nous rappelle aussi ne pas trop nous bercer d’illusions : on s’aime à l’intérieur d’une classe sociale. Malgré cela, son film n’est pas une dissertation. Il conserve son versant politique structuré comme une comédie de divorce, de déliaison, à l'inverse du cinéma hollywoodien de mariage."
Le film sort en salles le 30 octobre 2024.
Affaires culturelles Écouter plus tard
Lecture écouter 12 min
"Flow, le chat qui n’avait plus peur de l’eau", le voyage poétique de Gints Zilbalodis
Un chat se réveille dans un univers envahi par l’eau où toute vie humaine semble avoir disparu. Il trouve refuge sur un bateau avec un groupe d’autres animaux. Mais s’entendre avec eux s’avère un défi encore plus grand que de surmonter sa peur de l'eau ! Tous devront désormais apprendre à surmonter leurs différences et à s’adapter au nouveau monde qui s’impose à eux.
Flow, le chat qui n’avait plus peur de l’eau est un choc esthétique proposé par Gints Zilbalodis, jeune réalisateur letton d’à peine 30 ans. Depuis 2020 et la sortie de son premier long-métrage Ailleurs, créé en solitaire devant un simple ordinateur, l'artiste balte a su imposer ses univers oniriques somptueusement inquiétants. Avec son nouveau long-métrage, il mélange une fois encore le dessin à l’animation 3D afin de tracer l'odyssée muette et poétique de ce chat égaré dans un merveilleux univers post-apocalyptique.
Les avis des critiques
- Philippe Azoury : "J’ai adoré ce film qui a réveillé l’enfant en moi en même temps que l’étudiant en art sous hallucinogènes. Flow est un objet assez étrange, fabriqué à moitié à Riga et en partie à Bruxelles, à Paris et à Marseille. C’est un film inscrit dans la trajectoire des films d’animation qui confrontent les enfants au monde vivant. Mais au-delà du message, il y a aussi la manière merveilleuse de cadrer du cinéaste. Car Flow est un mouvement continu de plus en plus impressionnant, qui provoque de fortes sensations visuelles. Ce n’est plus au chaton de devenir humain, mais à nous de nous glisser dans ses yeux."
- Murielle Joudet : "Je crois que je suis passée complètement à côté du film. Il y a très peu de voix-off, pas d’anthropomorphisme chez les animaux, ce qui rend sûrement le film très apaisant pour les adultes. Personnellement, j’ai plutôt eu l’impression de voir quelqu’un jouer aux jeux vidéo sans pouvoir toucher la manette. La présence humaine est constante en vérité, elle intervient dans le scénario dirigé, l’animation en 3D. Je n’ai pas trouvé Flow si beau que ça, à l’image d’un film qui aurait pu être produit il y a une dizaine d’années."
Le film sort en salles le 30 octobre 2024.
Extraits sonores
- Extrait de la bande d'annonce de Anora de Sean Baker, 2024
- Extrait de la bande d'annonce Flow, le chat qui n’avait plus peur de l’eau de Gints Zilbalodis, 2024