« The Idol » : Pourquoi la série présentée comme sulfureuse pose ...
« The Idol » est présentée depuis l’année dernière comme l’une des séries les plus attendues de 2023, et sans aucun doute la plus sulfureuse. Le nouveau projet du créateur d’ « Euphoria », Sam Levinson, bénéficie d’un casting de taille. Lily-Rose Depp joue le rôle principal de Jocelyn, une jeune popstar, sur le point de faire son retour après des mois d’absence liés au décès de sa mère. Un personnage librement inspiré de Britney Spears sur certains aspects. Abel Tesfaye, alias The Weeknd (aussi co-producteur) incarne, lui, Tedros, un propriétaire de boîte de nuit, également gourou mystérieux, dont la chanteuse va tomber amoureuse… et sous son emprise.
Une polémique avant la sortieEn mars, le magazine américain « Rolling Stone » révélait les coulisses désastreux du tournage : départ de la metteuse en scène initiale, Amy Seimetz, réécriture des épisodes, dépassement de budget, exploitation des salariés, sexualisation à outrance… Des informations contredites par les deux acteurs principaux, qui ont réitéré leur fierté d’avoir participé à la mini-série. À l’occasion du 76e Festival de Cannes, la presse a pu découvrir les deux premiers épisodes de la série (sur six au total), présentée hors compétition. Alors que la polémique n’était pas retombée et que Lily-Rose Depp et Abel Tesfaye avaient enflammé le tapis rouge, l’attente était plus que palpable. « Notre show est là pour provoquer », a d’ailleurs confirmé Sam Levinson en conférence de presse.
Il n’a fallu que quelques minutes pour voir, et donc mieux comprendre, ce qui était décrit à travers les témoignages de « Rolling Stone ». La toute première scène, déjà, parle d’elle-même : en plein shooting, Jocelyn (Lily-Rose Depp) décide soudainement de montrer sa poitrine, en intégralité, au photographe. Apparaît alors un coordinateur d’intimité (un métier désormais essentiel à Hollywood, utilisé dans beaucoup de séries et films depuis le début du mouvement #MeToo), qui vient rappeler que les termes du contrat de la star ne l’autorisent pas à poser nu. Ni une ni deux, celui-ci finit enfermé de force dans les toilettes, totalement éloigné de la salle du shooting. Un symbole fort.
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Une série hypersexualiséeLe ton est donné : dorénavant, le metteur en scène fera voler en éclats toutes les règles, pour montrer absolument tout ce qu’il souhaite. Cela passe par l’écriture des personnages, comme des dialogues. Le plus frappant ? Ce moment où la meilleure amie de Jocelyn lui avoue qu’elle trouve que Tedros « pue le viol » et que la star lui répond : « J’aime ça ». Un exemple on ne peut plus clair de la culture du viol.
Tout au long de ces deux épisodes, la caméra montre, encore et encore, quasiment chaque partie du corps de Jocelyn, constamment objectifié et sexualisé, tandis que celui du personnage masculin reste éloigné du spectateur. Si vous ne savez pas vraiment en quoi consiste le male gaze (un regard masculin s’appropriant le corps des femmes), « The Idol » en est un parfait exemple. À ce titre, l’image d’une scène, montrant longuement le personnage de Jocelyn en train de se masturber, n’a pas manqué de faire soupirer la salle de presse cannoise, il y a deux semaines.
Parler de l’emprise d’un homme sur une femme, ici plus particulièrement d’une artiste mondialement célèbre, est un sujet essentiel. Mais pourquoi ce besoin de mettre en avant des scènes dérangeantes, sadomasochistes, et inutiles à l’histoire ? Comme celle où Tedros étouffe Jocelyn avec un tissu, comme pour libérer la voix qu’elle cache en elle. Ou encore celle, verbale, dans laquelle il profère des propos sexistes et dégradants envers le personnage féminin. Celles-ci ne semblent pas avoir de but particulier, si ce n’est de rendre « The Idol » encore plus anxiogène et sexiste en accentuant les pouvoir de domination physique et psychologique de l’homme sur la femme.
On aurait aimé un regard plus large sur les dessous de l’industrie musicale, entre agents, producteurs et tourneurs, comme la série l’annonçait depuis 2022. Après ce premier avant-goût, quatre épisodes restent à découvrir. Changeront-ils la donne ? Pour l’heure, on l’imagine difficilement. Reste à souligner la belle performance de l’actrice principale Lily-Rose Depp.
« The Idol » de Sam Levinson. Avec Lily-Rose Depp, Troy Sivan, Kim Jennie, Anne Heche… 6 épisodes. Sur Prime Video via le Pass Warner à partir du 5 juin.