Robert Pattinson, The Batman (Canal+) : "J’envisage le pire avant de choisir un rôle"
Gotham sera toujours Gotham, avec sa criminalité galopante, ses édiles corrompus, sa galerie de psychopathes hauts en couleur et son justicier solitaire. Après le diptyque de Tim Burton (1989, 1992), celui de Joel Schumacher (1995, 1997) et la saisissante trilogie de Christopher Nolan (2005-2012), sans compter deux films (2016, 2017) signés Zack Snyder, comment renouveler le récit de Bruce Wayne, l’orphelin milliardaire devenu Batman ? Matt Reeves (les deux derniers volets de La Planète des singes) a relevé le challenge. Son credo : "Mettre en scène un Batman imparfait dans ses jeunes années." On (re)fait donc connaissance avec un Bruce Wayne en pleine crise existentielle, auquel Robert Pattinson apporte sa propre inquiétude. Il incarne moins un vengeur masqué bardé de gadgets qu’un homme déchiré entre deux visages, aussi incompatibles que le jour et la nuit.
Matt Reeves a écrit cette version très dark en écoutant Something in the Way, chanson de Kurt Cobain, le leader de Nirvana, qui s’est suicidé en avril 1994 : " Je voyais Bruce Wayne comme une rock star incapable de porter le fardeau qu’est le regard du public sur lui." S’il y a un acteur qui a connu la toxicité d’une trop grande célébrité, c’est bien l’ex-vampire de la saga Twilight. En poursuivant l’élaboration du scénario, c’est à Robert Pattinson que pensait le cinéaste : "Ce côté rock se raccordait bien à lui. Il y a une vulnérabilité chez “Rob” et, en même temps, un caractère compulsif, incontrôlable, qu’il exprimait, par exemple, dans Good Time (2017), des frères Safdie."
Un superdétective
Restait à convaincre l’acteur, qui s’était détourné des grosses productions hollywoodiennes, prenant soin, dans les années 2010, de se tourner vers des films exigeants, tels Cosmopolis, de David Cronenberg, The Lost City of Z, de James Gray, ou encore Tenet, de Christopher Nolan. "J’évalue constamment les risques. J’envisage le pire avant de choisir un rôle. Ça rend les gens un peu fous autour de moi", confie Robert Pattinson. Y a-t-il encore quelque chose de neuf à découvrir chez ce personnage interprété de tant de manières différentes ? L’acteur a étudié la psychologie du superhéros, créé en 1939 par Bob Kane et Bill Finger, dans l’espoir de trouver une zone inexplorée. "La confrontation des traumatismes, c’est ce que j’ai voulu creuser. Dans les comics d’origine, il y a des passages où Bruce Wayne doute, où il échoue, où il se trompe. Il est blessé physiquement et psychologiquement." Fidèle aux BD, Reeves fait de son Batman un vengeur, certes, mais aussi un détective. Ainsi, le Riddler (Paul Dano), cinglé machiavélique, défie l’homme chauve-souris en laissant sur les lieux du crime des énigmes macabres. Mi-polar à l’ancienne, mi-film de gangsters, cette fable psychanalytique n’oublie ni les courses-poursuites ni les bagarres hyperréalistes, encore moins le jeu du chat et de la souris entre le justicier masqué et Catwoman (la féline Zoë Kravitz). Autant de séquences bien balancées sans lesquelles Batman ne serait pas Batman.
The Batman : vendredi 14 octobre à 21h10 sur Canal+
Isabelle Magnier