Quels sont les plus beaux courts de tennis en France ?

En double avec la Méditerranée. Au « Cap Estel »

En haut, les falaises calcaires. Autour, la grande bleue. Le tennis de l'hôtel Cap Estel, à Èze dans les Alpes-Maritimes, peut compter sur un intimidant voisinage qui, si la majesté de cet établissement de luxe ne ramenait pas à la raison, pourrait bien transporter en plein mythe de Charybde et Scylla. Le seul monstre ici serait plutôt ce vilain coup droit boisé qui oblige la balle au supplice de la planche.

On rougit vite de déjouer dans un tel écrin. L'hôtel, alangui sur sa péninsule, déplie ce vert tapis de résine depuis 2002. Une alcôve profuse en pins, palmiers et cactus Opuntia, victimes décapitées de nos maladresses. Et à la fin, une seule leçon : nulle frappe ahanée ne peut dérider la Méditerranée alentour.

Glaçage rose bonbon. À La Rosière

Même pas froid aux yeux. En 2019, les deux tennis de La Rosière ont peint en rose et bleu l'horizon immaculé du mont Pourri (3 779 m) et de la plaine de la Haute Tarentaise, en Savoie. Jusqu'alors, ces terrains avaient joué la partition classique du rouge et vert du béton poreux. Rosa, rosam, rosae, rose, Rosière. Si ce pinkwashing leur a valu un bel éclairage sur les réseaux sociaux, le cadre a fait le reste.

Construits en 1976 et 1980, en plein coeur du « vieux village » et de ses chalets d'alpage retapés, les deux courts n'aident pas à rester dans sa bulle tant le panorama de cimes et de sapins est magistral. Si vous n'êtes pas distraits par les ruminants, sachez qu'à cette altitude (1 850 m) les balles volent et obligent souvent à jouer au-dessus de l'épaule. Suffisant pour avoir le rose aux joues.

Dans le Saint des saints. À la Cavalerie

Entre-t-on en tennis comme en religion ? Oui, il suffit de grimper les sept étages d'un garage Art déco de l'architecte Robert Farradèche pour s'en convaincre. Le tennis de la Cavalerie et sa tiare résillée d'épicéa attise la convoitise des mystiques depuis sa construction, entre 1925 et 1928. Une cathédrale qui compte 70 fidèles, des casiers en bois séculaires et une terrasse filante, lorgnant la tour Eiffel.

La tempête du siècle, en 1999, a mis au sol la charpente en nid d'abeille, il a fallu la rebâtir. À l'intérieur, un son feutré, ascendant, préservé du chambard de l'avenue parisienne de la Motte-Picquet. Partout, ce bois roi qui s'élève de la chaise d'arbitre et des bancs jusqu'aux arcs et voussures. Et sur cette résine aux tons céladon et incarnat, l'envie soudaine de jouer comme un dieu.

Revers et vers de terre. Au château de Villandry

Dans les années 1910, Joachim Carvallo, propriétaire du château de Villandry, en Indre-et-Loire, restaure au goût français les jardins Renaissance. Il y glisse un court en terre battue pour désennuyer ses six enfants. Ils ont grandi, le tennis est devenu une prairie, l'histoire aurait pu s'arrêter là. En 2009-2010, son petit-fils, Henri, le ressuscite, gazonné pour une cohérence d'ensemble.

Une rangée de tilleuls et une haie de charmes dissimule un grillage de 50 cm de hauteur. N'en déplaise aux vers de terre qui mènent la vie dure aux jardiniers en vallonnant de mottes le terrain jusqu'en avril. Côté sensations, un gazon coupé ras et un rebond plus proche de celui de Roland-Garros que de Wimbledon. Cela n'empêche pas d'orbiter quelques balles dans les charmilles. Elles en auraient vu d'autres.

Eiffel lifté. Au Tennis Club des Flandres

1927. Des industriels du textile de Roubaix, férus de tennis, lancent une souscription pour ériger un club-house et trois courts couverts avec un joli caprice : copier l'architecture de leurs usines de laine, débauche de charpentes métalliques. Tout y sera, arbalétriers, entretoises... Assez pour qu'on parle, à déraison, de structure Eiffel. Ce trésor d'acier fut longtemps le seul club en région paré de courts indoor en terre battue.

Il envoûta les Mousquetaires et la divine Suzanne Lenglen y prodigua des cours collectifs. Donald Budge, auteur du premier Grand Chelem de l'histoire en 1938, y vit le plus beau club du monde. Aujourd'hui, les draches malmènent sa toiture, la poussière glace ses coursives mais la mairie de Croix est entrée dans la danse pour ragaillardir cette belle endormie.

Vinum et tennis. À la Bastide de Blacailloux

En 2023, la Bastide de Blacailloux, entre les communes varoises de Tourves et Rougiers, s'est mise en tête de planter autre chose que des vignes, soit un tennis au pied du massif de la Sainte-Baume. Protégé par une forêt de chênes blancs et verts (« Blacaille » signifie « chêne vert » en provençal), des oliviers et des plants de grenache blanc et de cinsault, ce terrain en béton poreux, ocre et beige, aux faux airs de terre battue, invite aux bacchanales sportives en plein coeur de la Provence verte.

Baigné de lumière en fin de journée - ou de coteaux-varois-en-provence -, ce court offre aux clients des demeures d'hôtes du domaine une version viticole et tennistique de l'expression « panem et circenses ». Qu'importe le flacon pourvu qu'on ait l'ivresse... Pourquoi faire la fine bouche quand on peut jouir des deux ?

Balle blanche. Au Tennis Club de Chamonix

Il y a de quoi en cafouiller son service. Quand la balle gravite, se noie dans les crêtes enneigées des Alpes pour s'écraser dans les bâches. On compte plus d'ice que d'aces dans les parages du Tennis Club de Chamonix, éclos en 1938 pour dégourdir les clients des hôtels qui commençaient à chahuter les mélèzes de l'étroite vallée (1 km).

Il déroule sa piste rouge de six terres battues extérieures (il compte aussi deux quick) mais chaque année, il faut ressusciter ces jolies indolentes mordues par le gel, les - 10 °C hivernaux ou la gadoue. Car en juin, il y a foule pour défier, à 1 080 m d'altitude, la chaîne du Mont-Blanc et ses géants, l'aiguille du Midi et les Grandes Jorasses. Des adversaires de taille et beaux joueurs qui prêtent leur éclat à ce paradis blanc.