« In My Skin » : cette série britannique poignante passée sous les ...

La maladie mentale dévore tout. La personne qui en souffre, sa vie sociale, son entourage… Kayleigh Llewellyn, scénariste de la série In My Skin, diffusée sur la plateforme Arte.tv, le sait bien. Elle a puisé dans ses souvenirs pour raconter l'histoire de Bethan, adolescente galloise de 16 ans qui compartimente sa vie de lycéenne et de fille d'une femme atteinte d'un trouble bipolaire.

Une psychose qui se caractérise par une alternance d'épisodes maniaques – pendant lesquels la personne malade se sent toute puissante et peut effectuer des actes inconsidérés et dangereux pour elle – et des périodes de dépression ponctuées de tentatives de suicide.

« J'avais peur que les enfants de mon école découvrent que ma mère était fréquemment internée, raconte la créatrice de la série britannique au Guardian. Je pensais qu'ils se moqueraient de moi, m'ostraciseraient – ​​ou pire encore, se moqueraient de ma mère. »

Bethan (Gabrielle Creevy, magnifique de force et de sensibilité), endossant le passé de la scénariste, met donc en place un habile – et usant – stratagème pour dissimuler la maladie de sa mère. Aux aguets en permanence, elle s'invente une vie : une maman DRH toujours très occupée et un papa sympa alors que le sien est alcoolique et violent.

Le chaos des émotions

On suit Bethan depuis le modeste pavillon familial sur le chemin du lycée où elle retrouve ses amis fidèles et excentriques, ses profs – qui croient en l'avenir de cette jeune femme vive et impertinente – et ses amours naissants. In My Skin, tournée à Cardiff, à quelques rues de l'endroit où Kayleigh Llewellyn a grandi, raconte parfaitement cet âge charnière à l'orée de la vie d'adulte où tout est encore si intense, où l'humour est potache, où l'amitié ne se négocie pas et où les histoires de cœur crucifient bien des fois.

La série, récompensée à de multiples reprises depuis sa sortie en 2018, évoque aussi la force de la sororité en installant un trio de femmes – Bethane, sa mère Trina (Jo Hartley, époustouflante en mère si fragile), et sa grand-mère Nana Margie (Di Botcher, gouailleuse et solide) – qui fait bloc face à une maladie qui laisse peu de répit et à la violence du père qui ne fait que l'aggraver.

À LIRE AUSSI Nicolas Philibert : « L'univers de la psychiatrie, c'est un miroir grossissant de notre société » Les hommes, jeunes ou moins jeunes, ont d'ailleurs ici assez peu la part belle : buveurs, grossiers, obsédés… Ils ne trouvent grâce qu'avec les personnages de Travis – l'ami homosexuel de Bethan – et de Perry – l'amant occasionnel de la mère, veuf et papa d'une petite fille trisomique.

À Découvrir Le Kangourou du jour Répondre La série, drôle, fine et poignante, ne verse jamais dans le pathos. Les dix épisodes de trente minutes répartis en deux saisons installent un récit prenant, sensible, sans jamais d'effet superflu. On suit simplement le vécu d'une jeune femme prête à tout pour soutenir sa mère perdue dans le chaos de ses émotions. Une lycéenne coincée entre sa vie et celle qu'elle s'invente, entre la lourdeur de son quotidien et l'insouciance de son adolescence, entre, terrible dualité, l'amour et la honte que lui inspire sa mère.

« In My Skin », série britannique (2018) de Lucy Forbes et Molly Manners, créée par Kayleigh Llewellyn, avec Gabrielle Creevy, Jo Hartley, Di Botcher, James Wilbraham… Deux saisons de cinq épisodes (29 minutes) disponibles sur Arte.tv jusqu'au 14 janvier 2026.