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Quincy Jones, légende des musiques noires, en cinq albums définitifs

Quincy Jones légende des musiques noires en cinq albums définitifs
Le producteur américain, mort ce dimanche 3 novembre à 91 ans, en a passé soixante-quinze à composer, jouer et enregistrer. Bossa, latin jazz, funk, soul, rap… Voici quelques pépites de son répertoire phénoménal.

Le producteur américain, mort ce dimanche 3 novembre à 91 ans, en a passé soixante-quinze à composer, jouer et enregistrer. Bossa, latin jazz, funk, soul, rap… Voici quelques pépites de son répertoire phénoménal.

Quincy Jones, le 1ᵉʳ avril 1973.Quincy Jones, le 1ᵉʳ avril 1973.

Quincy Jones, le 1ᵉʳ avril 1973. Photo Mary Evans/AF Archive/SIPA

Par Louis-Julien Nicolaou

Publié le 04 novembre 2024 à 10h00

Mis à jour le 04 novembre 2024 à 10h03

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Pour beaucoup, Quincy Jones demeure indissociable de Michael Jackson et de Thriller, l’album qui fit dix ou douze fois le tour de la planète. Mais bien avant ce coup de maître, Jones s’était imposé comme un arrangeur, compositeur, producteur et chef d’orchestre parmi les plus importants de l’après-guerre. Du be-bop à la bossa-nova, de la soul au hip-hop, de big bands futuristes en BO funk, il aura marqué de son empreinte la plupart des mutations de la musique populaire du dernier demi-siècle. Parcours en cinq étapes dans sa plantureuse discographie.

Du ruisseau aux studios : “The Quintessence” (1962)

Né le 14 mars 1933 à Chicago, Quincy Jones connut une enfance très difficile (mère schizophrène, misère, ignorance, petite délinquance ; il dira avoir mangé du rat). Hasard de l’existence au ras du bitume, adolescent, il fréquente Ray Charles, pauvre comme lui et, de plus, aveugle. À cirer les chaussures et ramasser quelques cents dans les crachoirs, les deux laissés-pour-compte se forgent une détermination – ils se retrouveront à l’heure de la revanche. En attendant, Jones se fait trompettiste pour Lionel Hampton, écrit ses premiers arrangements, puis étudie la composition à Paris, auprès de Nadia Boulanger. Comment a-t-il pu si vite quitter la rue ? Talent et tempérament. « Q » a gardé de ses jeunes années une forme de dureté – la séduisante dangerosité des caïds. En outre, il est beau, supérieurement intelligent. Rien ne lui résiste. Arrangeur pour Barclay puis, à son retour aux États-Unis, pour Mercury (dont il devient vice-président, une première pour un Afro-Américain), il participe à des centaines d’enregistrements avant de fêter ses 30 ans. De Charles Aznavour à Peggy Lee, de Jacques Brel à Dizzy Gillespie, il écrit pour qui veut, jamais à la va-vite. Les arrangements n’ont plus de secrets pour lui. De cet art difficile que peu maîtrisent, il peut déjà tirer la Quintessence.

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Un tube pour dans trente ans : “Big Band Bossa Nova” (1962)

Au début des années 1960, Quincy collabore avec les chanteurs les plus réputés, Billy Eckstine, Ella Fitzgerald, Frank Sinatra ou encore Sarah Vaughan. Pour Ray Charles, avec qui il partageait naguère des shoots d’héroïne entre deux poubelles, il écrit de nombreux arrangements puis participe aux sessions qui donneront naissance à The Genius of Ray Charles et Genius + Soul = Jazz. Rêve à l’américaine pour les deux anciens crève-la-faim. Beaucoup s’arrêteraient là et profiteraient paisiblement de cet accès inespéré au luxe. Pas Jones, que l’on dit travailleur acharné. Le voici employé par Sidney Lumet, Richard Brooks ou Norman Jewison, multipliant les trouvailles pour doter leurs films de B.O. pop. Et, bien sûr, toujours à son affaire quand il dirige. La mode est à la bossa ? Jones dégaine un tube pour dans trente ans, quand ce petit sifflet sera repris en bande originale d’Austin Powers et accompagnera sur les consoles de jeu les dribbles de Zinédine Zidane. Pas sûr que le compositeur s’en souvienne : l’air lui aurait demandé vingt minutes d’écriture avant de passer entre les mains de Lalo Schifrin (piano), Rahsaan Roland Kirk (flûte) et les autres. Une fois encore, il atteint pourtant la quintessence d’un genre, le latin jazz hédoniste.

Superhéros funk : “Smackwater Jack” (1971)

Attentif aux mutations de la musique noire, Quincy ouvre ses orchestrations aux claviers électroniques et guitares wah-wah et glisse naturellement vers le funk. Pour ses propres albums, il continue de recruter les meilleurs musiciens (Freddie Hubbard, Herbie Hancock, Phil Woods…) et d’offrir de vastes synthèses de jazz, soul (Quincy’s Got a Brand New Bag) et pop. L’heure est aux expérimentations, aux morceaux étirés et aux motifs hypnotiques. Ce n’est pas à Q qu’on apprendra à être cool. Sa force est de restituer cette notion très américaine dans sa teinte blanche (hippie, yeux dans les vapes, bouche béate, sexualité gauche dans les champs) comme dans sa nuance noire (funky, démarche chaloupée, bande léopard autour du chapeau, sexualité urbaine). Pour mesurer cette science, Gula Matari fait l’affaire, il n’y a guère que le Hot Buttered Soul d’Isaac Hayes pour rivaliser avec lui. Mais Smackwater Jack enfonce le clou avec le thème Hikky Burr,composé pour le Bill Cosby Show mais dont l’atmosphère poisseuse à souhait évoque irrésistiblement un bon vieux Starsky et Hutch.

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Romance criminelle : “You’ve Got It Bad Girl” (1972)

Tandis que Quincy et ses amis se déhanchent en attente du Soul Train, marquons un arrêt sur une bande originale. Jones s’est montré si constant dans ce domaine, si éclectique aussi, que c’est à ne savoir où donner de la tête. The Split et The Lost Man anticipent (de peu) la B.O. de Dirty Harry par Lalo Schifrin (même prédominance des tensions harmoniques, des percussions et des motifs funk) ; Dollars et They Call Me Mister Tibbs! donnent dans l’épique. Virage à 180 degrés pour le Guet-apens de Sam Peckinpah. De l’errance d’Ali MacGraw et Steve McQueen, Jones saisit tout, la mélancolie, la révolte lasse, l’amour par-delà la trahison et le Mexique en point de fuite. Immortalisé par Toots Thielemans à l’harmonica, le thème figure dans You’ve Got It Bad Girl, sommet de la discographie de Jones, qui revisite des thèmes d’Aretha Franklin, The Lovin’Spoonful ou Dizzy Gillespie en les rendant plus funk, plus méchants (avec, en supplément, un Superstition d’anthologie, entonné par Stevie Wonder, Billy Preston et Bill Withers).

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Parrain du rap : “Q Soul Bossa Nostra” (2010)

En 1978, Quincy Jones croise Michael Jackson sur le tournage de The Wiz. La suite est connue : Off the Wall pour plier l’affaire disco, Thriller pour définir la pop des années 1980. Q se convertit aux synthés, samplers et boîtes à rythmes. Il sera bientôt parmi les premiers à clamer l’importance historique du hip-hop. Les millions de dollars n’y ont rien changé : il sent toujours aussi bien l’air de la rue. À l’approche de la soixantaine, il sort un album destiné à asseoir son statut de parrain du rap (Back on the Block) et, vingt et un ans plus tard, récidive avec Q Soul Bossa Nostra, moins clinquant, plus décontracté. Après avoir tant accompli, l’ex-apprenti de Lionel Hampton peut sereinement headbanguer avec Snoop Dogg : il représente à lui seul soixante ans de musique noire.

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