Le vote de la «PMA pour toutes», c’est maintenant
Bioéthique
Samedi encore, il leur fallait marcher pour l’égalité des droits, et rappeler à l’exécutif que la grande réforme sociétale du quinquennat se fait attendre depuis bien trop longtemps. Les militants LGBT+ ont profité de la dernière Marche des fiertés avant la présidentielle pour réclamer, encore et encore, l’ouverture de la procréation médicalement assistée (PMA) à toutes les femmes, couples de lesbiennes et célibataires y compris. Après des mois d’attente, le Parlement devrait enfin adopter définitivement cette réforme, ce mardi.
«Un accouchement dans la douleur», qui «donne un peu l’impression d’avoir été baladés», fustigeait ainsi Matthieu Gatipon, porte-parole de l’Inter-LGBT, samedi dans Libération, résumant l’amertume ressentie par nombre des partisans de cette mesure, déjà mise en place chez plusieurs de nos voisins européens, de l’Espagne à la Suède, en passant par le Portugal. Dans l’Hexagone, il aura donc fallu plus de deux ans après le début de l’examen du texte pour le voir enfin adopté.
67% des Français favorables à la PMA pour toutesAprès maints allers-retours parlementaires, les députés, à qui revient le dernier mot, s’apprêtent donc à examiner de nouveau le projet de loi de bioéthique. A l’issue de cet examen, si le texte est adopté, toutes les femmes, jusqu’à l’âge de 43 ans, devraient donc avoir accès aux techniques médicales d’aide à la procréation, jusqu’alors réservées aux couples hétérosexuels atteints d’infertilité. Selon un récent sondage Ifop réalisé pour l’association des familles homoparentales, 67% des Français y sont favorables, ce qui n’empêche pas ses détracteurs, Manif pour tous en tête, de fustiger obstinément un «passage en force», sans pour autant parvenir à mobiliser leurs troupes comme en 2013, au moment de l’adoption du mariage pour tous.
Les députés doivent aussi se prononcer sur le remboursement par la sécurité sociale des soins médicaux induits par ces parcours médicaux. Interrogée en mai par Libération, la ministre de l’Egalité, Elisabeth Moreno, s’y était dite favorable, défendant au passage une mesure de «justice sociale». Le ministre de la Santé, Olivier Véran, a quant à lui martelé ces dernières semaines son souhait que «les premiers enfants puissent être conçus avant la fin de l’année 2021», en rappelant que les textes d’application de loi ont déjà été préparés, pour faciliter sa mise en œuvre.
Levée de l’anonymatOutre l’ouverture de la PMA à toutes les femmes, ce projet de loi de bioéthique prévoit aussi, dans son article 3, la levée de l’anonymat des dons de gamète, qui était jusqu’alors la règle d’or. A l’avenir, toute personne née via un don d’ovocyte ou de sperme pourra, si elle le souhaite, accéder à l’identité de son donneur à sa majorité, comme cela se fait notamment au Danemark, sans pour autant pouvoir établir une quelconque filiation sur cette base. L’accès uniquement à des données «non identifiantes», telles que l’âge ou les caractéristiques physiques, sera également possible passé 18 ans.
Sur la délicate question de la filiation au sein d’un couple de femmes, âprement débattue au fil des navettes parlementaires, le texte examiné ce mardi prévoit qu’elle soit établie via une reconnaissance anticipée de parentalité devant notaire. Les sénateurs, eux, défendaient plutôt le passage par une adoption intrafamiliale pour la mère n’ayant pas accouché. Concrètement, désormais, les deux femmes ayant un projet parental conjoint seront reconnues comme mères à égalité, après s’être rendues chez le notaire avant la naissance de l’enfant.
En revanche, la possibilité d’avoir recours à la technique «ROPA» (pour «réception des ovocytes de la partenaire», également appelée «maternité partagée», qui consiste à ce que la femme qui ne porte pas l’enfant puisse donner ses ovocytes) a été écartée, tout comme la PMA post-mortem, dans le cas où une femme deviendrait veuve et qu’un embryon existe déjà.
Autoconservation des ovocytesLe projet de loi prévoit en outre d’autoriser l’autoconservation des gamètes (sperme ou ovocyte), qui n’était jusqu’alors possible qu’en cas de problème de santé (par exemple, un cancer) ou de traitement risquant d’affecter la fertilité, ou en cas de don. Concrètement, si une femme voulait congeler ses ovocytes, il lui fallait accepter d’en faire don d’une partie, et uniquement si la quantité prélevable était suffisante s’ouvrait alors cette possibilité de conservation pour elle-même. Une forme de «chantage» dénoncée par plusieurs femmes et médecins militants ces dernières années. «Pour éviter tout risque de dérive marchande», seuls les centres publics ou à caractère non lucratif pourront désormais prendre en charge cette activité. La sécurité sociale, elle, ne remboursera que l’acte de prélèvement, les frais de conservation resteront quant à eux à la charge des bénéficiaires.
Enfin, alors que la Cour européenne des droits de l’homme a à plusieurs reprises tancé la France sur ce point, la retranscription automatique des actes de naissance d’enfants nés d’une gestation pour autrui à l’étranger (GPA) n’est pas à l’ordre du jour. Le projet de loi se montre beaucoup plus frileux, prévoyant que chacune de ces situations soit «appréciée au regard de la loi française». Le parent d’intention devra donc passer par une adoption intrafamiliale. «Quel que soit le couple, le juge doit être un filtre, car il est le seul à pouvoir vérifier que la mère porteuse à l’étranger était consentante à la GPA et ainsi éviter le risque potentiel de trafic d’enfants», défend Elisabeth Moreno. Les lois de bioéthique seront désormais révisées tous les cinq ans, contre sept auparavant.