Vaccin Pfizer: l'administration Trump y voit son propre succès, le laboratoire dément

Lundi, le laboratoire américain Pfizer a annoncé avoir mis au point un vaccin "efficace à 90%" contre le Covid-19. L'entourage de Donald Trump a aussitôt avancé que cette bonne nouvelle découlait de l'engagement financier de son gouvernement. La société pharmaceutique a démenti.

Possiblement la nouvelle la plus prometteuse sur le front de la lutte contre le Covid-19 depuis le début de la pandémie mondiale. Lundi, la société pharmaceutique américaine Pfizer a déclaré avoir donné jour à un vaccin, dont un essai de grande ampleur a évalué l'efficacité "à 90%" dans l'optique de prémunir les patients de la maladie.

Gouvernement des Etats-Unis et proches du président se sont bien entendu félicités de l'événement, puis ont attribué cette réussite - encore hypothétique - à la politique et à l'effort financier de l'exécutif. Sauf qu'il apparaît, à travers les déclarations des dirigeants de Pfizer, que le développement du produit ne doit rien aux subsides de l'Etat.

Autocongratulations

Tandis que Donald Trump persiste à ne pas reconnaître sa défaite face à Joe Biden dans la présidentielle américaine, il n'a pas tardé à se réjouir de l'annonce du laboratoire Pfizer lundi. Après avoir salué lundi une "si bonne nouvelle", il a relayé mardi les propos élogieux d'un élu républicain au Congrès: "Grâce au président Trump et grâce à lui seul nous aurons un vaccin d'ici la fin de l'année".

Mike Pence, son vice-président, a de surcroît choisi de flatter son patron. "Enorme info: grâce au partenariat public-privé mis en place par le président Trump, Pfizer a annoncé que son essai de vaccin contre le coronavirus était efficace, protégeant 90% de ses volontaires de l'infection", a-t-il écrit.

Ivanka Trump, fille du président américain, a également tweeté: "Grâce au travail sans relâche de l'opération 'Warp Speed' ("Vitesse grand V" en français, nom de baptême de la politique d'incitation financière mise en place par la Maison Blanche pour stimuler les groupes pharmaceutiques dans l'élaboration rapide d'un vaccin, NDLR) et au partenariat établi entre Pfizer, le ministère de la Santé et l'armée en juillet afin de soutenir la distribution et la logistique, Pfizer peut prévoir une production massive et le déploiement sur l'ensemble du territoire de plus de 100 millions de doses de vaccin".

"Nous n'avons jamais pris l'argent du gouvernement américain"

Pourtant, répondant au New York Times au cours de la journée de dimanche avant que l'information n'éclate le lendemain, Kathrin Jansen, cheffe du département de recherche et développement des vaccins de Pfizer, a fait entendre un son bien différent: "Nous n'avons jamais fait partie de 'Warp Speed'. Nous n'avons jamais pris l'argent du gouvernement américain, ni de quiconque".

La vérité se situe en fait entre ces deux récits. Un porte-parole de l'entreprise Pfizer a ainsi explicité auprès de Forbes:

"Pfizer est l'un des fabricants de vaccins participant à 'Warp Speed' au titre de fournisseur d'un potentiel vaccin anti-Covid-19. Si Pfizer a bien conclu un accord pour un achat anticipé avec le gouvernement américain, la société n'a pas accepté les financements BARDA (NDLR, nom de l'autorité américaine dans le domaine biomédical) pour la recherche et le développement du vaccin. Pfizer a pris sur lui tous les investissements".

Un accord de distribution

Selon le Washington Post, Pfizer a consacré deux milliards de dollars à ces travaux. Dans le détail, l'accord passé entre le gouvernement américain et le groupe consiste en la promesse du premier d'acheter au second 100 millions de doses du vaccin une fois qu'il sera au point, le tout contre 1,95 milliard de dollars... à quoi s'ajoute une option sur 500 millions de doses supplémentaires.

Si Forbes met bien au crédit de l'administration Trump d'avoir encouragé significativement les laboratoires en leur garantissant le marché à venir, en ce qui concerne Pfizer, le soutien n'a donc pas eu l'occasion de dépasser le stade de la distribution éventuelle du vaccin, n'intervenant jamais dans celui du développement.

"Rester en-dehors de la bureaucratie et de la politique"

A vrai dire, tandis qu'entre autres Moderna ou Johnson & Johnson ont bien reçu des fonds en provenance de l'Etat américain selon le Washington Post, Pfizer semble être l'une des rares figures de proue du secteur à être restée à l'écart. Sur CBS News en septembre dernier, Albert Bourla, le PDG du laboratoire, avait livré les raisons de cette réticence à percevoir ces sommes:

"Je voulais libérer nos scientifiques de toute la bureaucratie. Quand on accepte l'argent de quelqu'un, on est toujours lié par quelque chose. Ils voudront savoir comment ça avance, quelles sont les étapes à suivre. Ils voudront des rapports. Je ne voulais rien de tout ça. En fait, j'ai laissé un chèque en blanc à mes équipes pour qu'elles puissent ne s'occuper que des défis scientifiques et de rien d'autre. Et puis aussi, je voulais maintenir Pfizer en-dehors de toute politique".