Extrême droite aux Pays-Bas : l'original triomphe toujours de la copie
La liste s’allonge. Geert Wilders n’a ni la flamboyance ni la tronçonneuse du nouveau président argentin, Javier Milei, mais sa victoire aux élections législatives néerlandaises, mercredi 22 novembre, n’en marque pas moins une étape importante dans la progression des partis d’extrême droite, nationalistes, populistes ou antisystème en Europe.
Le Parti pour la liberté (PVV) emmené par M. Wilders a remporté 37 des 150 sièges du Parlement des Pays-Bas. Il est donc loin de pouvoir former un gouvernement ; il va lui falloir trouver des partenaires de coalition. Son arrivée en tête, cependant, mettant fin à treize ans de régime de centre-droit sous le leadership du premier ministre Mark Rutte, constitue un avertissement sérieux pour toutes les démocraties qui voient prospérer ces dernières années les partis populistes et décliner les partis traditionnels. Des partis nationaux-conservateurs ou d’extrême droite sont déjà au pouvoir, seuls ou en coalition, en Italie, en Suède, en Hongrie, en Slovaquie ; ils montent dans les sondages en Allemagne, en Autriche, en République tchèque, en Belgique… et en France.
Cette progression n’est ni inexorable ni linéaire. Les scrutins de juillet en Espagne et d’octobre en Pologne ont montré que les électeurs savent faire la différence lorsqu’ils ont un choix. Là se trouve précisément le piège : affolés par la montée de l’extrême droite, certains partis de centre-droit succombent à la tentation d’adopter ses thèmes. Or, comme viennent encore de le prouver les élections aux Pays-Bas, les électeurs préfèrent généralement l’original à la copie. Ainsi, Dilan Yesilgöz, la ministre de la justice néerlandaise qui a succédé à Mark Rutte à la tête du parti libéral VVD, a cru bon de se positionner plus à droite que le premier ministre sortant et de laisser l’immigration dominer le débat électoral. La sanction est tombée : le VVD a perdu 10 sièges, passant de 34 à 24.
Des leçons à méditerUn autre piège est celui de la ligne à tenir sur une éventuelle participation à une coalition avec les partis d’extrême droite. En évoquant, en août, la possibilité d’une coalition de son parti et de celui de Geert Wilders, Mme Yesilgöz a brisé un tabou et surtout légitimé le PVV. Dès lors, un rapprochement avec l’extrême droite paraissait possible, sinon souhaitable, aux électeurs. Résultat : une partie des électeurs du parti libéral ont donné leur voix au PVV.
Flairant cette dynamique, M. Wilders a modéré son discours et cessé, par exemple, d’appeler à l’interdiction des mosquées et du Coran, pour attirer les voix centristes. Au cours du dernier débat télévisé, le 21 novembre, il a promis d’être un premier ministre « pour tous, sans distinction de classe, de croyance ou d’origine ». L’opération dédiabolisation a réussi.
Ces leçons sont à méditer par tous les partis démocratiques qui se préparent à affronter la campagne pour les élections au Parlement européen en 2024 ou pour des scrutins nationaux. Eviter le sujet de l’immigration et de l’asile lorsqu’il est en tête des préoccupations des électeurs, comme c’est le cas aux Pays-Bas, n’est pas une solution. Mais laisser l’extrême droite arrêter les termes du débat puis s’aligner sur ses positions n’en est pas une non plus.
Dans une période aussi troublée, les électeurs ont besoin de clarté, pas d’ambiguïtés. L’avertissement néerlandais est clair. Permettre aux partis comme ceux de Geert Wilders et de Marine Le Pen de devenir majoritaires en Europe pose une menace pour l’Etat de droit comme pour le projet européen.
Le Monde