Découvrez le nouveau documentaire sur Olivier Rousteing
Il est minuit et une poignée de minutes, un dimanche pluvieux et froid de novembre qui donne plutôt envie d’hiberner au fond de sa grotte. Olivier Rousteing vient de finir son dîner hebdomadaire entre amis chez Anahi, un restaurant sud-américain à Paris.
Sweat jaune vif sur lequel se détache un Balmain spectaculaire, l’autoproclamé "Wonder boy", en l’occurrence de la mode, sort très peu, mais ne sacrifie jamais à ce rite : retrouver l’atmosphère culinaire et musicale caliente de ce petit refuge du centre de Paris où, suprême honneur, Olivier Rousteing possède un couteau avec son prénom gravé sur la lame. Le créateur au succès planétaire y a déjà emmené sa copine Kim (comprenez Kardashian) et d’autres gros calibres de la génération Instagram, mais il ne se souvient plus lesquels.
Aux origines d'une icôneÀ 33ans, Olivier Rousteing a déjà vécu mille vies. Et rencontré autant de célébrités fanatiques de sa mode éblouissante (mot à prendre au sens littéral) sans se formaliser, dit-il, de l’adulation dont il est l’objet. Le créateur est le sujet d’un documentaire* intense sur la quête de son identité, enfant né sous X d’une mère de 14 ans et d’un père de 25 ans, lui qui s’applique à fournir une identité solaire à ceux qui veulent briller à travers des collections ennemies de la sobriété.
Apprendre qui était ma mère m’a permis d’évacuer une grande colère.
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Peut-être faut-il chercher les origines de cette envie de colorier le monde de strass et de couleurs vives du côté d’une enfance heureuse dans le Sud-Ouest, à laquelle manquait l’essentiel masqué par le silence du mystère : le soleil et ses crépitements multicolores d’Afrique d’où, lui l’enfant noir adopté et élevé par un couple de Blancs provenait, Olivier Rousteing a décidé de percer l’abcès de fixation, de mettre à jour cette nuit sans étoile qui le paralysait. Cet homme au regard d’une obscurité troublante, car parfois traversée d’une ombre menaçante jaillissant de ses propres ténèbres, a entrepris sa quête en s’accompagnant d’une amie, la réalisatrice Anissa Bonnefont, qui l’a filmé pendant deux ans et demi, entre espoirs, désespoirs, points morts, avancées, interrogations, réponses, colères, larmes, apaisement. "Tout s’est fait d’une manière naturelle et spontanée, mes parents ont joué le jeu, personne ne savait ce que tout cela allait donner, puisque finalement, ma mère biologique ne s’est toujours pas manifestée."
Cette adolescente, originaire de la Corne de l’Afrique qui, Olivier Rousteing le pressent, serait peut-être tombée enceinte à la suite d’une "relation non consentie" avec un homme de plus de dix ans son aîné, aux mêmes origines. Se demander si l’on n’est pas la conséquence d’un viol entraîne beaucoup plus de questions que cela en résout. On lui demande ce qui a changé en lui depuis qu’il a su en partie d’où il venait : "J’ai appris à faire plus confiance aux gens. À relativiser la vie, bien que, professionnellement, je me sens désormais habité d’une rage qui me procure une énorme confiance en moi. Dans l’intimité, je me suis en revanche assagi, adouci. Apprendre qui était ma mère m’a permis d’évacuer une grande colère".
1/2Forger son propre avenir
Paloma Pineda
Par-delà la déchirante recherche des origines apparaît en filigrane dans le documentaire, sans pudeur, la solitude du styliste dînant seul dans sa cuisine grande comme une salle de bal, quêtant auprès de son chauffeur Mohammed des conseils de séduction après avoir été attiré par un garçon dans une salle de sport. Confidences nocturnes: il déteste se retrouver avec quelqu’un à l’aube, finalement, le sexe l’incommode plutôt. Par pudeur, dit-il, mais aussi à cause d’une immense difficulté de communiquer au présent. "Être créateur, c’est travailler en permanence sur le futur. Humainement, je suis complètement décalé avec le reste du monde. Je suis toujours dans ma tête, en train de créer. Ça n’aide pas à être expansif. Ma priorité de vie, c’est mon travail."
C’est exactement ce que je cherche à exprimer chez Balmain, une mode qui vous fait être vous-même.
Croit-il en une sorte de providence qui l’aurait élu pour effacer "la faute originelle" subie ? Il sourit : "Pas du tout, chacun crée son destin et crée les conditions de sa réussite, par nos faiblesses, notre force, et aussi nos douleurs. C’est devenu une évidence au collège quand des enfants m’ont traité de bâtard parce que je n’étais pas de la même couleur de peau que mes parents. Je ne me sentais ni Blanc ni Noir. Je me sentais juste moi-même, à l’aise dans une famille qui m’avait appris à m’aimer par l’amour qu’elle me donnait. C’est exactement ce que je cherche à exprimer chez Balmain, une mode qui vous fait être vous-même. Vous rentrez dans une pièce, vous en imposez, on vous remarque. Vous êtes bien dans votre peau. Vous ne vous cachez pas. " Avant de nous séparer, on lui demande quels seraient les premiers mots qu’il dirait à cette autre mère si un jour il la rencontrait. « Un seul mot : “Merci”."
Wonder boy, Olivier Rousteing, né sous X, en salles le 27 novembre 2019.
2/2Après minuit
Retrouvez notre interview avec Olivier Rousteing dans le prochain numéro de Marie Claire en kiosques le 9 décembre 2019.