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Nouveau gouvernement : « Jean Castex va devoir imprimer un style différent de celui de son prédécesseur »

Nouveau gouvernement   Jean Castex va devoir imprimer un style différent de celui de son prédécesseur
Arrivées d’Eric Dupond-Moretti et de Roselyne Bachelot, départs de Christophe Castaner et de Nicole Belloubet… Au lendemain de l’annonce du nouveau gouvernement, Françoise Fressoz, éditorialiste politique au « Monde », a répondu à vos ques
Passation des pouvoirs à Matignon entre le premier ministre sortant, Edouard Philippe, et son successeur, Jean Castex, le 3 juillet 2020.
Passation des pouvoirs à Matignon entre le premier ministre sortant, Edouard Philippe, et son successeur, Jean Castex, le 3 juillet 2020. JULIEN MUGUET POUR « LE MONDE »

Au lendemain de l’annonce du gouvernement de Jean Castex, qui a notamment vu les arrivées d’Eric Dupond-Moretti à la justice, de Roselyne Bachelot à la culture, et les départs de Christophe Castaner et de Sibeth Ndiaye, Françoise Fressoz, éditorialiste au « Monde », a répondu à vos questions.

Franck : Avez-vous l’impression que ce gouvernement penche encore plus à droite que le précédent ?

Françoise Fressoz : Ce n’est pas qu’une impression. C’est une réalité qui n’était d’ailleurs pas forcément souhaitée par l’exécutif. Des personnalités de gauche comme la députée (PS, Tarn-et-Garonne) Valérie Rabault ou représentant une forte sensibilité écologiste comme la directrice de la Fondation européenne pour le climat, Laurence Tubiana, ont été sollicitées mais ont refusé d’entrer au gouvernement. En conséquence, le gouvernement penche à droite. D’autant que, parmi les sortants, on compte Christophe Castaner, Nicole Belloubet ou Didier Guillaume, qui venaient tous de la gauche.

Saperlipopette : Le terme « remaniement » ne serait-il pas davantage approprié pour qualifier la séquence politique que nous venons de vivre ?

Un changement de premier ministre, même si sa couleur politique est la même, n’est jamais anodin. Jean Castex va devoir imprimer un style différent de celui de son prédécesseur. Emmanuel Macron attend de lui qu’il incarne un Etat plus réactif et une capacité de dialogue supérieure avec la majorité et les partenaires sociaux au moment où le pays est en train de plonger dans la crise économique.

Il faut aussi que la greffe prenne dans l’opinion, sachant qu’Edouard Philippe a quitté Matignon avec un taux élevé de popularité. Si son successeur ne parvient pas à le faire oublier très vite, l’exécutif tout entier risque d’être dévalorisé. C’est en cela que les modifications qui viennent de se produire ne sont pas qu’un simple remaniement.

Métaphore bouchère : Bonjour, ce n’est pas une question, juste une impression, celle qu’Eric Dupond-Moretti est surtout une bonne grosse pièce de bœuf lancée à l’attention médiatique, arrosée de sauce Bachelot, pour masquer un vrai problème de casting dans la Macronie : pas de sang neuf, pas de ralliement, juste un jeu de chaises musicales. Le remaniement d’hier masque mal l’isolement politique de LRM et d’Emmanuel Macron. Est-ce une interprétation possible ?

Je pense que vous avez raison. Depuis la crise sanitaire qui débouche sur une crise économique majeure, Emmanuel Macron a promis de se réinventer. Or, son nouveau gouvernement ressemble beaucoup à l’ancien, même s’il penche un peu plus à droite. Pour faire oublier cette fadeur, il fallait un peu de piment.

De ce point de vue, c’est réussi. La nomination d’Eric Dupond-Moretti, avocat pénaliste au verbe exubérant et polémique, est l’événement le plus commenté par la presse mardi matin. Ce recours à la transgression marque cependant une faiblesse : Emmanuel Macron n’a plus beaucoup de cartes en main pour rebondir. Son pouvoir de séduction s’est fortement érodé au rythme des épreuves subies pendant le quinquennat.

Et, sur le fond, la nomination de ce nouveau garde des sceaux, proche de Nicolas Sarkozy, pose un vrai problème, car il a sérieusement mis en cause le fonctionnement du Parquet national financier, qui a été actif dans les affaires Sarkozy et Fillon. Le clin d’œil à l’électorat de droite, qui a souvent dénoncé « la République des juges », est évident, mais l’institution judiciaire se trouve dès lors déstabilisée.

Passation des pouvoirs au ministère de la justice entre Nicole Belloubet et l’avocat Eric Dupond-Moretti, le 7 juillet 2020.
Passation des pouvoirs au ministère de la justice entre Nicole Belloubet et l’avocat Eric Dupond-Moretti, le 7 juillet 2020. JULIEN DANIEL POUR « LE MONDE »
Nans : Quel sera le poids de Barbara Pompili au sein de ce gouvernement ? Aura-t-elle un réel pouvoir d’action ou se retrouvera-t-elle bloquée comme Nicolas Hulot ?

Après la poussée des écologistes aux élections municipales, Emmanuel Macron est conscient qu’il doit mettre les bouchées doubles en matière d’écologie. Le plan de relance européen va l’y aider en dégageant un certain nombre de moyens pour favoriser une croissance plus verte.

Le président a, par ailleurs, pris des engagements forts auprès de la convention citoyenne sur le climat, annonçant même la possibilité de deux référendums d’ici la fin du quinquennat. L’écologie devrait donc être plus visible que ces dernières années, mais sans qu’Emmanuel Macron en tire forcément profit. Car les écologistes, qui sont en passe de devenir l’élément moteur de la reconstruction de la gauche et veulent présenter un candidat à la prochaine présidentielle, lui feront toujours le procès de n’en faire jamais assez.

Alphonse R. : Est-ce que garder Jean-Michel Blanquer a l’éducation nationale, alors que, malgré ce qui est dit dans les médias, il n’est pas apprécié des enseignants, est un signe de défiance de Jean Castex au corps enseignant ?

Dans l’éducation nationale, l’intention du gouvernement est de calmer le jeu. La revalorisation des salaires et des carrières reste à l’ordre du jour, liée à la réforme des retraites qu’Emmanuel Macron n’a toujours pas abandonnée.

Un nouveau ministre aurait sans doute pu mettre davantage de liant dans les négociations, mais l’avantage de Jean-Michel Blanquer est qu’il connaît parfaitement ses dossiers. En outre, la rentrée, après les mois d’interruption liée au confinement, va être particulièrement difficile à organiser. Miser sur la continuité n’est donc pas absurde et je ne pense pas que cela traduise une quelconque défiance de Jean Castex à l’égard du corps enseignant.

Alexis : En nommant Gérald Darmanin (ex-LR, proche de Xavier Bertrand) à l’intérieur, le président pense-t-il à la présidentielle 2022 et court-circuite Xavier Bertrand, potentiel candidat, proche de M. Castex, dont il pourra plus difficilement critiquer la politique ?

Il est évident qu’Emmanuel Macron cherche, de toutes les façons possibles, à neutraliser les candidatures de droite en vue de 2022. Gérald Darmanin à l’intérieur, c’est un clin d’œil à la droite populaire que tente d’incarner Xavier Bertrand. Bruno Le Maire à la relance, c’est une façon d’asphyxier la droite modérée incarnée par Valérie Pécresse ou François Baroin.

Si le paysage politique de 2022 se cristallise autour de trois blocs : une gauche écologiste, une droite modérée et le Rassemblement national, il est évident que la droite républicaine va devoir ouvrir rapidement un débat stratégique : doit-elle s’opposer à Emmanuel Macron ou pactiser avec lui ?

Giordana Bruno : Le président Macron a changé ses ministres de l’intérieur, du travail et de la justice, qui ont tous connu de grandes difficultés… Symboliquement, n’est-ce pas un aveu d’échec sur des ministères aussi essentiels ?
L’ancien ministre de l’intérieur Christophe Castaner, lors de la passation des pouvoirs avec son successeur, Gérald Darmanin, le 7 juillet 2020.
L’ancien ministre de l’intérieur Christophe Castaner, lors de la passation des pouvoirs avec son successeur, Gérald Darmanin, le 7 juillet 2020. JEAN-CLAUDE COUTAUSSE POUR « LE MONDE »

Depuis le début du quinquennat, le régalien est le talon d’Achille d’Emmanuel Macron. Autant le président de la République est reconnu pour sa compétence dans le domaine économique, autant il a paru hésitant sur ce qu’il appelle « l’ordre républicain juste ».

Cette notion devait permettre de définir un nouvel équilibre entre les partisans du tout sécuritaire et les défenseurs des libertés publiques. Elle n’a jamais trouvé de consistance, alors que le climat social et politique n’a cessé de se durcir, aboutissant à l’impasse dans laquelle s’est retrouvé Christophe Castaner. L’ancien socialiste s’est retrouvé désavoué par les policiers sans pour autant rassurer les victimes de violences ou d’actes racistes commis par la police.

Paupaul : Pensez-vous que les nominations concrétisent la pipolisation du gouvernement ? Dans ce cas, est-ce une manière intelligente pour contrecarrer les aspirations populistes contre les élites ?

Je ne pense pas qu’on puisse parler de pipolisation, car ce terme renvoie plutôt à l’univers du show-biz. En revanche, il est indéniable qu’Emmanuel Macron cherche à promouvoir des personnalités moins techniciennes et moins « grandes écoles ». MM. Darmanin et Dupond-Moretti sont tous deux issus de milieux modestes et ce sont, de fait, les deux vedettes du remaniement.

Le Monde.fr

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