Noémie Merlant nous parle d'« Une année difficile »***: entre éco ...
Deux pieds nickelés surendettés rencontrent une militante écolo un peu allumée. Choc de cultures. C’est le nouveau film – pas consensuel – du duo Toledano-Nakache (« Intouchables »). Rencontre avec la comédienne Noémie Merlant (la militante éco-anxieuse) qui confirme son intérêt pour la comédie.
– Vous avez l’âge du personnage de militante éco-anxieuse que vous incarnez. Vous reconnaissez-vous dans cette jeune femme ?
« Je m’y reconnais, tout comme je peux me reconnaître dans d’autres personnages. J’ai l’impression d’avoir un pied dans la surconsommation et un autre dans l’éco-anxiété. C’est plein de contradictions. Je ne suis pas activiste. J’ai juste la volonté de rechercher du sens et d’agir davantage. »
– Le ton du film…
« Je trouve ça tellement juste de parler de choses graves par le biais de la comédie. Utiliser ce ton-là, avec des personnages diamétralement opposés, ça permet de prendre de la distance et de permettre la réflexion et le dialogue. Le monde est tellement complexe. »
– Le registre de la comédie…
« Au départ, je n’étais pas très à l’aise dans la comédie. Je n’avais pas l’habitude d’en faire. On trouve des personnalités qui ont déjà le bon rythme, dans la vie. Je pense notamment à Jonathan (Cohen) et Pio (Marmaï). Ma meilleure amie a aussi cette capacité à être dans le rebond, en permanence. Je m’en nourris, ça me touche, ça me bouleverse même. C’est précieux pour avancer dans la vie. Dans le film de Louis Garrel (L’Innocent), pour la première fois, j’ai pu aller très loin dans la comédie, j’ai pu me laisser aller. Ça n’était pas spécialement facile pour moi. Je n’ai pas vraiment travaillé cela en école de théâtre. Mais j’adore ! »
– Fin du monde ou fin du mois…
« J’ai rencontré des gens du mouvement Extinction Rebellion. J’en ai vu qui venaient d’un certain milieu, assez aisés, qui ont le temps et les moyens d’être dans l’action et de réfléchir à la planète, quand d’autres doivent penser à boucler leur fin de mois. En plus, on est tellement mitraillé de pubs. Notre société cultive notre insatisfaction. Toujours plus pour être heureux. Il y a des personnes qui, comme dans le film, ont envie d’accéder à ce bonheur promis. »
– Vous avez donc rencontré des militants écologistes. Qu’avez-vous retiré de ces échanges ?
« Ce qui m’a frappée, c’est que ce sont des jeunes qui cherchent du sens, qui voient le monde mourir sous nos yeux. Le fait d’être engagé, c’est être en vie. Il y a une radicalité, mais il y a aussi quelque chose de beau et d’intéressant. Tellement de choses sont révoltantes et absurdes. Eux-mêmes sont plein de paradoxes. J’en ai vu beaucoup qui travaillent dans la pub. Ils s’efforcent quand même de déculpabiliser. C’est comme si on avait été drogués à notre insu. En prendre conscience, c’est déjà une étape. »
– Le film se moque-t-il de ces militants éco-anxieux et de ces malheureux surendettés ?
« C’est une comédie où se moque d’abord de nous-mêmes, de l’être humain. C’est une moquerie bienveillante, pas "contre" mais "avec", pour avoir de la réflexion sur des comportements. Les gens d’Extinction Rebellion étaient avec nous sur le tournage, eux-mêmes estimaient intéressant de prendre la question par ce biais-là. Intouchables ne se moquait pas des personnes handicapées. »
– Votre prochain projet est le remake d’« Emmanuelle », réalisé par Audrey Diwan…
« Ce sera un film qui questionne le désir féminin. Nous allons partir à Hong Kong, on va y tourner jusqu’en décembre. Il y aura une partie à Paris aussi. On ne s’attend pas à ce que ça va être. J’ai hâte. »
Réalisateurs. Olivier Nakache et Éric Toledano.
Interprètes. Pio Marmaï, Jonathan Cohen, Noémie Merlant, Mathieu Amalric, Grégoire Leprince-Ringuet, Luàna Bajrami…
Genre. Comédie.
Durée. 1 h 59.
Résumé. Albert et Bruno sont surendettés et en bout de course. Ils croisent des jeunes militants écolos dans le chemin associatif qu’ils empruntent ensemble. Plus attirés par la bière et les chips gratuites que par leurs arguments, ils vont intégrer le mouvement sans grande conviction...
Zone critiqueDe qui se moque-t-on ?
Peintre des angoisses contemporaines, le duo Toledano-Nakache confirme sa volonté de ne pas (faire) rire idiot même si, disons-le, on n’est pas au niveau de leurs sommets (Intouchables, Le Sens de la fête, Hors normes…). Cette fois, ils ont poussé davantage les curseurs de la farce et de la caricature. La présence de Jonathan Cohen (évidemment hilarant, mais vampirisant parfois le récit) en témoigne. Surendetté maladroitement suicidaire, il fait la paire avec Pio Marmaï, combinard domicilié sur les banquettes de Roissy où il est bagagiste, croulant lui aussi sous les crédits.
Par opportunisme, ceux qui ont trop consommé rencontrent… ceux qui ne veulent plus consommer. Une bande d’éco-anxieux illuminés qui ruinent le Black Friday ou bloquent la circulation, comme la flamboyante Cactus (Noémie Merlant). Tout ce joli monde est gentiment moqué. Le choc des cultures s’y prête.
Ça ne plaira pas à tout le monde. Force est de reconnaître que le grand écart entre les deux problématiques est parfois acrobatique. L’humour met de l’huile quand les rouages se grippent. La force des réalisateurs, c’est de savoir émouvoir quand il le faut.
Le final n’a pas forcément résolu les problèmes, mais il ne manque pas de panache. Parallèlement, on note un grand numéro de Mathieu Amalric, responsable associatif au chevet des surendettés… mais flambeur pas tout à fait guéri. On a ri, on a été bousculé. C’est déjà pas mal. C. C.