Mort de Niels Arestrup, acteur ténébreux

Français par sa mère, Danois par son père, Niels Arestrup est né à Montreuil, le 8 février 1949, dans une famille modeste. Rien ne prédestinait ce jeune garçon aux yeux bleus perçants à une carrière d’acteur. C’est en regardant une émission à la télévision qu’il découvre Tania Balachova.

Bravant sa timidité, il rencontre la grande pédagogue d’art dramatique, qui après un essai lui dira : « Vous êtes un acteur comme l’étaient Michel Simon, Pierre Brasseur, Pierre Fresnay, vous n’y êtes pour rien, c’est ainsi. » Plus tard, d’aucuns n’hésiteront pas à le comparer à Marlon Brando. Cette façon de se tenir, face caméra, tout en retenue, laissait toujours planer un mystère autour de ses personnages.

Claude Lelouch lui offre son premier rôle à l’écran

Il commence sa carrière dans les années 1960 dans la troupe du Théâtre de Poche de Bruxelles, alors sous la direction de Roger Domani. En 1972, il rejoint à Paris celle de Jean Gilibert. Au cinéma, c’est Claude Lelouch qui lui offre son premier rôle à l’écran dans Si c’était à refaire (1976), où il joue aux côtés d’Anouk Aimé, Catherine Deneuve et Charles Denner. S’il ne cesse de travailler au théâtre, c’est le cinéma qui popularise cet acteur qui excelle dans les seconds rôles et incarne des personnages ambigus, troubles, peu sympathiques.

À ses débuts, il est au générique des films de José Giovanni, Daniel Duval, Yves Boisset, Marco Ferreri. Il enchaîne les rôles chez Caroline Huppert, Istvan Szabo, Sophie Marceau et même Steven Spielberg. Sa carrière cinématographique prend une autre dimension dès lors qu’il tourne avec Jacques Audiard. D’abord dans De battre mon cœur s’est arrêté (2005), puis Un prophète (2009), qui lui permettront d’obtenir deux Césars du meilleur acteur dans un second rôle. C’est son rôle du très flegmatique et très surprenant directeur de cabinet du ministre des Affaires étrangères (incarné par Thierry Lhermitte) dans Quai d’Orsay (2013), de Bertrand Tavernier, qui lui permet d’obtenir un troisième César, toujours dans la même catégorie. On est loin du registre inquiétant dans lequel il semblait voué, Tavernier révélant le côté comique de l’acteur, jamais exploité.

Maltraitances sur le plateau

On le voit aussi beaucoup dans le petit écran, où il enchaîne les téléfilms et les séries, telle Baron noir. Côté théâtre, on ne compte plus tant il enchaîne les rôles, aux côtés de Fanny Ardant, Carole Bouquet, Catherine Arditi, Pierre Vaneck, Jacques Weber, André Dussolier, Patrick Chesnais ou Kad Merad… Et quand il ne joue pas, il crée sa propre école de théâtre à Ménilmontant ou devient le directeur du Théâtre de la Renaissance (de 1989 à 1993). Malgré sa très longue carrière théâtrale, plusieurs fois nommé aux Molières, ce n’est qu’en 2020 qu’il reçoit celui du comédien de théâtre privé pour son rôle du peintre Mark Rothko dans Rouge.

Acteur d’une grande discrétion, au jeu puissant et profond, exigeant, son parcours hors norme reste toutefois entaché par ses relations conflictuelles et violentes avec ses partenaires féminines. En 1983, Isabelle Adjani claque la porte de Mademoiselle Julie à la suite d’une gifle de Niels Arestrup. Ils ne se reparleront plus.

En 1996, Myriam Boyer, sa partenaire dans Qui a peur de Virginia Woolf ?, est licenciée. Elle avait dénoncé publiquement des maltraitances sur le plateau. Myriam Boyer obtiendra plus de 800 000 francs de dommages et intérêts. Niels Arestrup renoncera à ses plaintes en diffamation contre les deux comédiennes. Des affaires qui « lui collaient à la peau », affirmait-il à Libération en 2007.