Hommage. Lina, un sourire s'est éteint

Dire une vie d’à peine quinze années n’est pas dans l’ordre des choses. C’est dire qui était l’adolescente qu’une folie meurtrière a ôtée aux siens une matinée de septembre 2023. C’est refuser d’associer le prénom de Lina au seul vocabulaire judiciaire. Car Lina, pour ceux qui ont partagé son existence, est un sourire, celui dont elle ne se déparait pas, même quand des vents mauvais soufflaient sur sa vie. Ses amis, sa famille, disent cette gaîté comme une évidence et comme une élégance.

Lina est la fille de Fanny Groll et d’Olivier Delsarte : elle est infirmière, lui routier. Leur relation va prendre fin dans les premières années de la vie de Lina. Distendu, parfois compliqué, le lien avec son papa ne sera jamais rompu, mais c’est auprès de sa maman que Lina va grandir, dans cette maison du hameau de Champenay à Plaine, à l’orée de la forêt.

Et puis Lina a grandi. C’était le temps des copains alors « Lina venait un peu moins chez nous… les vieux », sourit Richard.

« C’est comme ma petite sœur »

Après l’école à Plaine, Lina entre au collège Frison-Roche de La Broque. Elle a des capacités, « mais l’école, ce n’est pas son truc », reconnaît Fanny Groll. Lina se cherche. Après sa 4e , elle intègre la Maison familiale et rurale aux portes de Saâles, où elle décroche son brevet avant d’y entamer, début septembre 2023, un CAP Aide à la personne.

Énergique, elle pratique la boxe. Elle aime les sorties « entre potes » à Strasbourg pour faire les magasins, « surtout les fringues », note Olivier Delsarte. Lina se rêve plus grande, elle s’entoure peu à peu d’un cercle d’amis plus âgés qu’elle. Sandra Epp, jeune maman de deux enfants, est de cet entourage : « Lina, c’est comme ma petite sœur et elle me considère un peu comme sa grande sœur. » Une adolescente qu’elle sait résiliente : « Elle est forte et tout le temps souriante » alors qu’elle « en a vécu des vertes et des pas mûres ».

« Elle se barricadait »

Car le sourire de Lina sait aussi se faire masque. Après l’agression pour laquelle elle déposera plainte pour viol en juin 2022 , Lina se tait ; encaisse, des semaines durant, les moqueries, les insultes sur les réseaux sociaux et même des menaces de mort. Elle ne se confie ni à ses amis, auxquels elle souhaite montrer qu’elle sait faire face, ni à sa mère, qu’elle veut sans doute épargner. « Elle refusait d’en parler, elle se barricadait », nous expliquait au printemps dernier sa maman. Lina avance avec ce fardeau, refuse une aide psychologique, traverse une période instable. Le traumatisme est pourtant bien là. En octobre 2022, alors qu’elle est avec une amie à la fête foraine à Rothau, elle croise par hasard l’un de ses agresseurs présumés et est prise de tremblements irrépressibles.

Il faudra toute l’affection de ses proches pour l’aider à reprendre confiance et à se poser. L’arrivée en Alsace de son ami de cœur, Tao, y concourra fortement. C’est lui qu’elle allait rejoindre le jour de sa disparition, parée de son plus beau sourire. Le vrai.