A l'Accor Arena, la performance habitée et réussie de Kendrick Lamar
Revoilà donc Kendrick Lamar à Paris pour deux concerts à l’Accor Arena, vendredi 21 et samedi 22 octobre. Ses musiciens sont dans la fosse, comme en 2018, et jouent toujours aussi admirablement bien. Mais cette fois, « le meilleur rappeur vivant de tous les temps », selon le magazine Rolling Stone, s’est montré à la hauteur de sa réputation.
Pour sa nouvelle tournée, où il défend principalement son dernier disque en date, Mr. Morale & the Big Steppers, certainement un des moins accessibles, le MC, qui a remporté le prix Pulitzer pour son précédent album DAMN., ne s’est pas contenté de s’offrir seul en scène. Le rappeur californien semble avoir retrouvé le bon sens qui le caractérisait, d’autant plus que son premier concert parisien était retransmis en direct sur la plate-forme Twitch et sur Amazon Prime Video. Ce sera aussi le cas pour le second, samedi soir.
Cette pression, Kendrick Lamar l’a mise à profit pour livrer une prestation intense, riche, et d’une réalisation extrêmement léchée, comme celle de ses clips vidéo et de ses performances lors des cérémonies des Grammy Awards. La scénographie n’est pas écrasante, à peine deux cubes qui servent tour à tour de toile pour des ombres chinoises ou de bulle de protection. Comme un rappel de la crise sanitaire : après avoir annoncé s’être fait tester au Covid-19, le rappeur entonne le refrain du fédérateur Alright : « We gonna be alright » (« nous allons nous en sortir »).
Un ADN complexeUne avant-scène est posée entre les deux cubes comme dans un défilé de mode. Si le rappeur ne l’arpente pas sans cesse, il n’hésite pas à y exécuter quelques pas chorégraphiés avec les dix danseurs, quatre femmes et six hommes, qui l’accompagnent sur plusieurs titres. Et même s’il danse un peu, Kendrick Lamar, contrairement à la majorité des rappeurs de sa génération, n’en profite pas pour rapper en playback ou par-dessus une bande-son. Non, il rappe avec passion, alternant les moments forts comme les morceaux introductifs United in Grief et N95, qui semblent taillés pour la scène, et les instants un peu plus tranquilles, avec Rich Spirit ou Father Time.
Avec Bitch, Don’t Kill My Vibe, ce sera l’un des rares moments du spectacle où on sortira du dernier album. Sur les écrans latéraux, alors qu’il extrait une punchline du sublime Count Me Out, on l’aperçoit en ombres chinoises, des flèches plantées dans le dos : « A mask won’t hide who you are inside » (« un masque ne cachera pas ce que vous êtes à l’intérieur »).
Habillé de cuir noir des pieds à la tête, deux sortes d’épées croisées sur son torse, l’Américain a l’air soit d’un membre du Black Panther Party en partance pour le Wakanda, soit d’un samouraï des temps modernes en croisade pour une de ses causes : la résilience face aux traumatismes de la ville qui l’a vu grandir, Compton, ou l’acceptation de son ADN complexe. Habité, le regard fixe sur les caméras, le trentenaire échange peu avec le public, si ce n’est pour dire : « Je me fais appeler Mr. Morale. »
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