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Après le témoignage de Judith Chemla sur les violences conjugales: «Il y a des moyens dans la loi, il faut qu’elle soit davantage appliquée»

Après le témoignage de Judith Chemla sur les violences conjugales Il y a des moyens dans la loi il faut quelle soit davantage appliquée
Sur France Inter, l’actrice, victime de violences conjugales, a exhorté les femmes à ne pas retirer leur plainte. Ernestine Ronai, de l’Observatoire des violences envers les femmes de Seine-Saint-Denis, salue son témoignage.

Ce fut d’abord une photo publiée lundi sur Instagram. Celle d’un visage tuméfié, et d’une pommette ouverte, assortie de ces quelques mots, mettant en cause, sans le nommer, le «père de sa fille» de 5 ans : «Il y a un an mon visage a été blessé, du bleu, du violet sous mon œil, je me suis vue déformée. Il y a un an j’ai regardé mon visage dans la glace et j’ai su que je ne pourrai plus me voiler la face.» Dans sa publication, l’actrice Judith Chemla se dit «à bout». Ce mercredi matin, sur France Inter, la comédienne a réitéré son récit des violences qu’elle impute à son ex-compagnon, et pour lesquelles elle a déposé plainte en juillet 2021, après avoir reçu un téléphone portable au visage. Son ex-conjoint, a-t-elle relaté, a été placé en garde à vue puis mis en examen et placé sous contrôle judiciaire. L’actrice a ensuite assuré avoir été la cible de «quatre mois d’un harcèlement intense», l’ayant poussée à déposer une nouvelle plainte.

L’homme qu’elle met en cause a écopé d’une condamnation, en mai dernier, à huit mois d’emprisonnement avec sursis. Contactée par Libération, l’avocate de l’intéressé, Me Elise Arfi, dénonce un «lynchage» ainsi que de «l’acharnement» et affirme que la condamnation concerne «un seul fait de violence, et non des violences habituelles», que son client a reconnu. «C’est un seul fait. Certes, c’est un fait de trop, mais pour lequel il a demandé pardon, et la justice est passée. Mon client n’est pas le bourreau malade psychopathe dépeint par son ex-compagne», insiste-t-elle, précisant étudier la possibilité de poursuites en diffamation.

Dans son témoignage, très relayé sur les réseaux sociaux, Judith Chemla s’est adressée aux femmes victimes de violences en ces termes : «N’ayez pas peur : ne retirez jamais, jamais, jamais une plainte que vous déposez. Ne la retirez jamais. On vous intimidera. On m’a intimidée, on m’a culpabilisée.» Pour Ernestine Ronai, cofondatrice de l’Observatoire des violences envers les femmes de Seine-Saint-Denis, cette prise de parole peut contribuer à «une prise de conscience» de la dangerosité des hommes violents.

Quel peut être l’impact d’une prise de parole publique d’une personnalité comme Judith Chemla ?

La parole publique est toujours importante : elle peut contribuer à une prise de conscience, par notre société, de la dangerosité des hommes violents, et de l’impact de ces violences sur les enfants. Dans le cas précis de cette prise de parole, ce qui m’interpelle, c’est la question de l’instrumentalisation d’un enfant par le père, dans le cadre de ses droits de visite. C’est très fréquent que les pères violents se victimisent aux yeux de leur enfant, l’instrumentalisent en essayant de se présenter comme victimes, alors qu’ils sont agresseurs, pour mettre l’enfant de leur côté, contre la mère. L’un des combats à mener aujourd’hui consiste à mon sens à faire en sorte que l’impact des violences sur les enfants soit mieux compris par les femmes elles-mêmes, et bien sûr, par notre société. Cela implique que lorsqu’il y a des violences dans un couple, il est possible, au moins pendant un temps, d’exercer ce droit de visite dans un espace de rencontre.

Beaucoup de femmes peuvent se sentir un peu prises en étau, entre la nécessité de se protéger et la crainte de «priver un enfant de son père»…

C’est un sentiment fréquent, mais il faut dire qu’on ne prive pas un enfant de son père lorsqu’il est dans un espace de rencontre protégé. On le place, en quelque sorte, sous les yeux de la société, à travers des professionnels formés aux violences et chargés d’empêcher le père d’instrumentaliser l’enfant. En Seine-Saint-Denis, nous avons mis en place, depuis une douzaine d’années, une mesure d’accompagnement protégé, sur décision d’un juge, dans les situations où la remise directe de l’enfant à l’autre parent présente un danger pour l’un d’eux. A ce jour, neuf départements se sont inspirés de ce dispositif, mais il me semble essentiel de mener un combat pour que ces espaces soient généralisés à la France entière. Notre société n’a pas toujours conscience qu’un homme violent n’est pas un bon père.

La société a-t-elle pour autant évolué quant à la place des enfants dans les violences conjugales ?

Depuis 2018, avec la loi Schiappa, on a obtenu que la présence des enfants au moment des violences soit reconnue comme une circonstance aggravante. En outre, désormais, lorsqu’un homme violent est condamné pour des violences, qu’il s’agisse d’un crime ou d’un délit, la question de la suspension de l’autorité parentale du conjoint violent doit être posée systématiquement au moment du jugement. Enfin, depuis le mois d’avril, un décret indique que lorsque l’un des parents a tué l’autre, les enfants peuvent se constituer partie civile, directement s’ils sont majeurs, ou à travers un administrateur ad hoc, pour pouvoir être indemnisés. On gagne donc du terrain sur la prise en compte de l’impact de ces violences sur les enfants.

Dans son témoignage, Judith Chemla pointe aussi un manque de protection…

Malgré le fait qu’une femme ait fait ce qu’il fallait, que la justice soit passée, cela peut rester insuffisant : un certain nombre d’hommes violents se sentent au-dessus des lois. Ce qui veut dire que pour ce type de profils, il faut parfois des mesures plus contraignantes, encore plus sévères, qui permettent de réellement protéger les femmes, et donc, de protéger les enfants. Je le répète : lorsqu’une femme est victime, ses enfants le sont aussi.

Quelles sont ces mesures plus contraignantes qui peuvent être mises en place ?

D’abord, si on est face à une condamnation à du sursis, assortie d’une interdiction d’entrer en contact avec la victime, mais que celle-ci n’est pas respectée, la justice prévoit des possibilités, qui peuvent aller jusqu’à la prison. Mais il faut pour cela que la victime porte de nouveau plainte, pour signaler que l’homme violent n’a pas respecté la loi. Il existe aussi des mesures pour interdire le contact de l’agresseur avec la victime, comme l’ordonnance de protection, le «Téléphone grave danger» ou le bracelet anti-rapprochement. Il y a des moyens dans la loi aujourd’hui, il faut maintenant que celle-ci soit davantage appliquée.

L’actrice exhorte les femmes à ne pas retirer leur plainte. Est-ce que vous rejoignez cet appel ?

Je dirais même : signalez-vous quand vous êtes victime, à la justice, à la police, ou à une association. Demandez de l’aide pour pouvoir être protégée. La plainte n’est pas obligatoire : souvent, les femmes ont trop peur, d’autant plus que les agresseurs leur disent souvent : «Si tu parles, je te tue». Elles ne vont donc pas forcément porter plainte, mais par contre, elles peuvent trouver de l’aide auprès d’assistantes sociales, d’associations, et ainsi cheminer avec quelqu’un qui va les aider à être protégées jusqu’à la plainte.

Quel regard portez-vous sur ces prises de parole, de plus en plus fréquentes, sur les réseaux sociaux ? S’agit-il de derniers recours face à une absence de protection ?

Là, on dirait plutôt que Judith Chemla s’adresse aux autres femmes et les encourage à se signaler, à se protéger. Si on y réfléchit, #MeToo, ça veut dire «moi aussi». J’aime beaucoup cette formule. En somme, elle veut dire : «Je suis solidaire de toutes les femmes qui sont victimes». C’est cela que nous dit Judith Chemla. Les réseaux sociaux sont un lieu où les femmes peuvent, ensemble, en solidarité, s’encourager pour obtenir une protection.

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