Les possessions françaises à Jérusalem, un statut unique et source ...
Incident diplomatique à Jérusalem en marge de la visite du ministre français des Affaires étrangères, Jean-Noël Barrot. Deux gendarmes français qui assuraient la sécurité du ministre ont brièvement été arrêtés par des policiers israéliens qui étaient entrés dans l’église de l’Eleona, un site qui fait partie du domaine national français.
Publié le : 08/11/2024 - 06:43Modifié le : 08/11/2024 - 09:27
3 min
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De notre correspondant à Jérusalem,
Le domaine national français est une curiosité historique qui remonte au XVIe siècle. À l'époque, Jérusalem appartient à l'Empire ottoman et le sultan reconnaît au royaume de France une mission de protection des chrétiens de Terre sainte. Le statut s'est prolongé malgré les soubresauts de l'histoire, si bien que la République française est aujourd'hui propriétaire d'un certain nombre de terrains et de bâtiments dont la plupart servent à des communautés chrétiennes.
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Il s'agit de quatre possessions, gérées et administrées par le consulat général de France à Jérusalem. Le monastère d'Abou Gosh, à l’ouest de Jérusalem : une ancienne commanderie hospitalière du XIIe siècle. Les trois autres sont situées à Jérusalem-Est : le tombeau des Rois où se trouve la tombe d'Hélène d'Adiabène, une reine juive de ce territoire du Ier siècle, et d'une trentaine d'autres personnes, l’église Sainte-Anne dans la Vieille Ville qui remonte au XIIe siècle, un haut lieu de la spiritualité chrétienne et l’Eleona sur le mont des Oliviers où figure le Pater Noster dans pratiquement toutes les langues du monde. Selon la tradition, c'est là que Jésus aurait enseigné cette prière.
Un sujet sensible
Ces quatre sites offerts à la France par différents donateurs dans la seconde moitié du XIXe siècle arborent le drapeau français, mais ne sont à proprement parler pas des emprises diplomatiques aux termes de la convention de Vienne. D’autres lieux, comme des hôpitaux, des écoles, sont placés sous la protection de la France, mais sans statut particulier.
Les lieux saints sont bien sûr un sujet extrêmement sensible depuis la nuit des temps. Pour exemple, l’une des causes de la guerre de Crimée en 1853 est lié au fait que le sultan de Constantinople avait cédé aux pressions de factions catholiques françaises qui réclamaient la clé de l’église de la Nativité à Bethléem. Les tensions entre la France et Israël ont pris une nouvelle tournure avec la conquête de Jérusalem-Est et son annexion non reconnue par la communauté internationale en 1967.
Le consul général, gardien des lieux saints
Deux incidents ont précédé celui de ce jeudi. Mais c’est toujours pour le même motif : l’entrée de la police israélienne en arme dans ces sites. En 1996, Jacques Chirac en route pour Saint-Anne avait menacé de faire demi-tour et de reprendre son avion présidentiel pour la France. Plus récemment en 2020, un incident similaire avait eu lieu avec cette fois le président Macron. Dans les trois cas, Israël a avancé les mêmes arguments : la sécurité des visiteurs incombe au pays hôte. Mais la France ne reconnaît pas la souveraineté israélienne sur cette partie de la ville et le consulat général de France à Jérusalem n’est pas accrédité auprès des autorités israéliennes.
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Accepter Gérer mes choixCar le statut du consulat général est d'être le gardien des lieux saints. Depuis 1843, tout nouveau consul général qui prend ses fonctions doit être reçu dans les trente jours qui suivent son arrivée au Saint-Sépulcre. Il traverse en procession la Vieille Ville de Jérusalem pour arriver à l’église Sainte-Anne où une messe est récitée en son honneur. Un diacre lui présente les Évangiles. Il est même censé déposer un baiser sur le livre sacré et la cérémonie se poursuit selon un protocole soigneusement établi depuis cette époque. Tout au long de l’année, le consul général est tenu de participer à une dizaine de messes consulaires en divers lieux à Jérusalem, et tout cela en tant que représentant d'un pays laïc. C’est sans le moindre doute un statut unique.
Un incident qui survient dans un contexte de dégradation de la relation entre la France et Israël
Après les attaques du Hamas le 7 octobre 2023, les déclarations des dirigeants français soutenant le droit d'Israël à se défendre ont parfois été critiquées alors que le bilan des victimes palestiniennes civiles à Gaza grimpait en flèche. Puis le ton a changé, les appels de Paris à un cessez-le-feu sont ensuite devenus de plus en plus pressants, mais ils ont résonné dans le vide.
Le dialogue de sourd laisse désormais place aux échanges tendus. Le président français Emmanuel Macron lance un appel à l'arrêt des livraisons d'armes pour Israël. « Honte à eux » rétorque le Premier ministre israélien Netanyahou à l'adresse de tous ceux qui l'envisagent.
Quelques jours plus tard, c'est une déclaration attribuée au dirigeant français sur le non-respect par Israël des décisions de l'ONU qui provoque la colère de Benyamin Netanyahu.
Puis c'est l'incident de jeudi lors de la visite du ministre français des Affaires étrangères à Jérusalem. L'affaire n'est pas close car l'ambassadeur d'Israël va être convoqué et une source diplomatique prévient : « l'incident n'en restera pas là, d'autant qu'il est aggravé par les allégations mensongères diffusées par les autorités israéliennes ».