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Jean-Louis Aubert : « Je ne fais que réaliser mes rêves »

JeanLouis Aubert   Je ne fais que réaliser mes rêves
Qu’est-ce qu’on est bien dans son « Refuge », titre du nouvel album du chanteur ! Chaleur humaine, sourires à gogo et talent : ça, c’est vraiment (toujours) lui. ...

Pourquoi sortir 22 chansons ?Jean-Louis Aubert - Il y en avait au moins 54 ! On a dû me sortir du studio d’enregistrement ! C’était curieux, car j’étais en tournée en même temps. C’était une année brodée d’envies qui me tombaient dessus comme des hasards. J’ai pioché dans la caisse contenant mes carnets sur lesquels figurent des chansons accumulées au cours du temps. Quelques-unes me demandaient : « Pourquoi tu ne me chantes pas ? S’il te plaît, ça fait déjà trois albums que je le réclame ! » Il y en avait aussi des nouvelles qui montraient un peu les muscles, du style « Je suis la petite dernière, je suis la chérie ! » Les gens ne sont plus formatés albums, alors autant donner un grand terrain à découvrir, avec l’idée que chacun trouvera peutêtre sa chanson préférée. Tant qu’à créer un refuge, autant qu’il ait deux pièces.

La musique en est-il un pour vous ?Jean-Louis Aubert - Oui, bien sûr. J’espère aussi que ces chansons le seront pour les autres. En fait, cette année a été pleine de satisfactions et de petits coups de fatigue, mais, maintenant, j’arrive à prendre des vacances de vingt minutes à une demiheure. J’ai un refuge à l’intérieur de moi qui me fait du bien, calme mon anxiété et me remet les idées en place. Le titre vient de cette phrase de Bouddha : « Ne cherche pas refuge ailleurs, sois une île pour toi-même. » L’idée n’est pas de se renfermer sur soi. Si l’on a un endroit calme et joyeux à l’intérieur de soi, ça va beaucoup mieux, car le reste ne marche pas. Tous ces bonheurs après lesquels nous courons ne nous satisfont que brièvement. En revanche, ils nous font toujours marcher vers des buts et, ça, c’est intéressant. Car faire est quand même compliqué ; il faut aller au bout, alors que rêver est facile.

A quoi ressemble votre île intérieure ?Jean-Louis Aubert - Il s’agit d’une maison au bord d’un cours d’eau. La rivière coule et le temps s’arrête. Les oiseaux chantent et les libellules viennent me voir quand je joue de la guitare. Les animaux sont gentils et les gens aussi. Dans mon île, tout le monde croit que l’humanité est bonne. On a moins peur. Dans la vie, les peurs nous encombrent: celles de ne pas être à la hauteur, d’être malade, perdu, de mourir, de demain. Je ne suis pas super anxieux, mais je me demande souvent si je vais être à la hauteur, musicalement entre autres. En même temps, mes chansons sont des amies. J’ai de grandes amitiés avec elles et il y en a beaucoup que j’aime.

Pourquoi montez-vous encore sur scène ?Jean-Louis Aubert - Je pense qu’il n’y a que les timides qui montent sur scène, parce qu’ils n’arrivent pas à s’exprimer dans la vie. Je suis un timide. C’est ce que je ressens en moi, mais pas dans ma vie sociale. Tout le monde me parle dans la rue, je suis très bien au milieu des autres. Je dis souvent que je voulais que le monde me prenne dans ses bras et c’est ce qui se passe. Je suis comblé. C’est certainement lié à un manque affectif. Ça a été très compliqué quand j’ai voulu faire de la musique, j’étais très rebelle quand j’étais jeune. Paris m’a rendu très agité. Quand j’habitais en province, j’étais plus calme. Maintenant que j’ai appris à mieux connaître mon père et ma mère et qu’ils sont un peu descendus de leur piédestal de parents, ils sont devenus des personnes très importantes.

Vous avez beaucoup travaillé sur vous-même ?Jean-Louis Aubert - J’aime la vie plus que le passé, comme je le chante dans un de mes textes. Mais le destin est beaucoup plus facile à voir quand on se retourne, non ? Je me suis aperçu que j’abritais un rêve caché que mes parents avaient en eux. Avant de mourir, mon père m’a dit : « Je crois que j’aurais voulu faire ce que tu fais. Je te remercie. » Il avait été enfermé dans un camp en Pologne de 1940 à 1945. Il connaissait des poésies par cœur et, lors de son premier Noël en captivité, avec les autres soldats, ils ont joué un spectacle qui a été pris comme une forme de résistance à cette tristesse, à ce froid. L’art peut avoir cette force. Lors de la projection du documentaire Otage(s), j’ai rencontré un homme qui avait été détenu par al-Qaida. Il était resté deux ans dans un trou dans le désert et je lui ai demandé ce qu’il avait fait. Il m’a répondu qu’il avait chanté mes chansons pour ne pas perdre la tête.

Ne m’enferme pas, justement, ouvre l’album…Jean-Louis Aubert - Je l’ai écrite à 18 ans, avant Téléphone. Dans cette chanson, c’est un peu l’enfant et l’adolescent à l’intérieur de moi qui disent : « Ne m’enferme pas en dehors de toi. » Comment ai-je pu écrire « Parmi les mille glaces qui déforment ma vie » ? C’est maintenant que je pourrais dire ça. J’en ai vu, des miroirs aux alouettes, mais, à 18 ans, je n’avais vu que les vitres du métro. J’ai un peu d’enfance en moi et je la vois très bien chez les autres, qu’ils soient présidents de la République, policiers… Un concert est réussi quand les gens sont des gamins. On cherche à faire tomber le jugement. Or, souvent, pris dans ce personnage d’adulte important, l’enfant qui pourrait s’émerveiller n’a plus droit à la parole.

A 64 ans, votre âge est-il un souci ?Jean-Louis Aubert - Non. Si l’on doit apparaître en public, on peut se dire, mais c’est quoi cette gueule ? Sinon, je ressens quelques douleurs, mais j’en ai toujours eu. A 30 ans, j’avais super mal au dos, j’avais des infections tout le temps. J’ai traversé toute l’époque de Téléphone sous antibiotiques mélangés à de l’alcool. Aujourd’hui, je trouve qu’il y a des bonus à vieillir. Avant, il y avait des choses qui me blessaient et ça me transperçait le cœur. Maintenant, elles m’égratignent à peine la cuisse. J’ai plus de capacité à pardonner.

Pourquoi chanter au Bataclan ?Jean-Louis Aubert - J’ai l’impression que la salle m’a appelé. J’y suis né musicalement, car j’y ai vu les plus grands groupes du monde alors que j’étais un petit clochard qui faisait la manche. Après j’y ai joué beaucoup. Puis on m’a dit que, s’il n’y avait pas plus d’artistes qui venaient, cette salle deviendrait un supermarché ou un garage. Je pense que ceux qui viennent doivent y aller avec le même esprit de résistance que moi. On va habiter cette salle jusqu’à ce qu’elle redevienne ce bel endroit.

Vous reprenez aussi votre tournée avec vos hologrammes au printemps ?Jean-Louis Aubert - Oui, avec l’Olo Tour, on va faire 22 Zénith. On va les garder humains avec mes petits clones holographiques, mes petits clowns. C’est un sacré challenge, et j’ai rêvé de ces hologrammes pendant quinze ans. En ce moment, finalement, je ne fais que réaliser des rêves. Parfois, j’ai travaillé 24 heures sur 24. Comme d’habitude, à la fin de l’album, j’ai annoncé que je partais faire le tour du monde. Mais je reste finalement, je suis un puits sans fin et sans fond. La musique est trop excitante.

Vous semblez être un homme heureux ?Jean-Louis Aubert - Oui. Pourtant, on sait qu’on va être confronté au pire, surtout si l’on aime. Plus on aime et plus il y a du chagrin. Mais on peut cultiver une certaine joie intérieure permanente, qui se maintient même dans les moments douloureux. Je crois en avoir pas mal en moi, le monde me le rend bien. J’adore les gens, les regarder passer, échanger, je n’ai pas besoin de lunettes noires ni de garde du corps pour me balader. Je ne suis pas naïf. J’ai un visage connu, alors peut-être que ça facilite les rapports humains. Je me faufile, je suis petit. Je fais du rock mais, même à l’époque de Téléphone, il était tendre. Je sais qu’un sourire au passage clouté peut égayer une journée. Le sourire, c’est du bonheur qui te pend au nez !

CD Refuge (Parlophone), sortie le 15 novembre. Concerts Prémixes dès le 7 novembre (huit dates) au Bataclan, à Paris.Tournée Olo Tour dès le 27février dans toute la France.

>A découvrir également : Alain Souchon : « J’aurais aimé être drôle »

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